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- Lutte ouvrière n°1644
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Lire : Pierre Monatte, une autre voix syndicaliste, de Colette Chambelland
Ce livre retrace la vie de Pierre Monatte, qui du début du siècle jusqu'en 1925, se confond totalement avec l'histoire du syndicalisme révolutionnaire en France.
En 1898, à 17 ans, Monatte quittait le lycée, son baccalauréat en poche. Jeune révolté par la société bourgeoise, attiré par les idées contestatrices, il rejoignit le courant anarchiste dont une partie des militants formait l'aile marchante de la jeune CGT, en particulier celle qui avait été formée et sélectionnée au travers de la vaste école ouvrière de la fédération des Bourses du Travail et de son principal animateur et théoricien, Fernand Pelloutier. Ils représentaient les syndicalistes révolutionnaires, qui se retrouvèrent à la tête de la CGT, seule confédération syndicale jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Pour eux, le syndicat était par nature l'outil de l'émancipation des travailleurs, en opposition à l'action parlementaire et politique du Parti Socialiste.
Monatte fut rapidement reconnu comme un des principaux porte-parole de ce courant. Il collabora à de multiples journaux et publications : du journal des mineurs dans le Nord, au journal de tendance anarchiste, Les Temps Nouveaux ; de l'hebdomadaire de la CGT, La Voix du Peuple, aux diverses tentatives de lancer un quotidien syndicaliste révolutionnaire, visant à concurrencer L'Humanité de Jaurès. Mais ce travail centré sur l'écrit ne mettait pas Monatte à l'abri des poursuites policières, au point qu'il dut s'exiler en Suisse en 1908 pour éviter d'être arrêté.
En 1909 Monatte lançait un journal bi-mensuel : La Vie Ouvrière, qu'il présentait ainsi dans le premier numéro du 9 octobre 1909 :
" La Vie Ouvrière sera une revue d'action. [...] Nous voudrions qu'elle rendît service aux militants au cours de leur lutte, qu'elle leur fournisse des matériaux utilisables dans la bataille et dans la propagande et qu'ainsi l'action gagnât en intensité et en ampleur [...].
Les camarades qui se sont rencontrés autour de la Vie Ouvrière - et en forment le noyau - ne partagent pas tous les mêmes opinions [...]. Mais tous, nous sommes unis sur le terrain syndicaliste révolutionnaire et nous nous proclamons nettement antiparlementaires ".
Les principaux dirigeants de la CGT collaborèrent au début à La Vie Ouvrière. Mais le réseau de lecteurs, qui pour Monatte devait être aussi un réseau militant, resta limité en plafonnant à 2000 abonnés. Cela dit, peu à peu, se sélectionna une équipe, parmi laquelle Alfred Rosmer, autour de laquelle au cours de la marche à la Première Guerre mondiale, se structura la seule opposition militante de poids contre la montée du nationalisme, contre l'union sacrée et le ralliement à la défense de la patrie bourgeoise. Face à eux la majorité des " syndicalistes révolutionnaires ", les dirigeants de la CGT, Jouhaux en tête, capitulèrent, rejetant leurs idées de la veille. Ils s'associèrent au gouvernement guerrier d'union nationale de la bourgeoisie française avec la même facilité que les parlementaires et dirigeants du Parti Socialiste.
Avec quelques autres, c'est sur Monatte que reposa le maintien de la fidélité aux idéaux internationalistes et révolutionnaires. La révolution russe, quand elle triompha, devint pour lui son combat, celui de la révolution mondiale, comme pour des dizaines de milliers de militants à travers le monde.
La Vie Ouvrière devint très vite le journal autour duquel se regroupa la tendance révolutionnaire de la CGT. Monatte se rapprocha de plus en plus de l'action politique directe au sein du mouvement communiste, malgré les réticences que provoquait la présence de politiciens du PS, ralliés pour la circonstance au communisme, comme Cachin et d'autres. Monatte devint collaborateur à l'Humanité à partir de 1922 pour finir par adhérer au Parti Communiste en janvier 1924. Mais la stalinisation était en marche et quelques mois plus tard, il fut exlu pour s'être solidarisé avec les idées de l'Opposition de Gauche dirigée par Trotsky.
Le stalinisme triomphant ramena Monatte aux idées anarcho-syndicalistes. Mais ce courant resta dès lors marginal en face du réformisme affiché de la CGT et du PS et du stalinisme avec la CGTU et le PC. En cette époque de reniements permanents, il resta fidèle à ses engagements de jeunesse jusqu'à la fin de sa vie.
Cette biographie courte fait vivre avec intérêt les étapes de cette vie du militant ouvrier Pierre Monatte.
Paul Sorel
Pierre Monatte, une autre voix syndicaliste, de Colette Chambelland - Éditions de l'Atelier, 190 pages - 125 F