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Leur société
Marée noire : Aux pollueurs de payer !
A propos de la marée noire, Jospin a déclaré que " face à l'appétit souvent excessif des intérêts marchands, les droits de la personne humaine, la qualité de notre environnement et de nos ressources doivent être défendus ". Mais ce type de belle envolée ne coûte pas bien cher, contrairement à la pollution et surtout à la dépollution...
Et dans ce domaine très concret, il n'y a pas eu de surprise. Le responsable, le trust TotalFina, s'en tire pour le moment à très bon compte. Le gouvernement avait laissé entendre qu'il n'était pas question de payer à la place des pollueurs. On a vu ce qu'il entendait par là, après la rencontre de Jospin et du PDG de TotalFina, Thierry Desmarest.
Dans un premier temps, ce dernier avait eu le culot de proposer, au micro de France-Inter, une journée de son salaire aux bénévoles qui nettoient les plages. Soit 30 000 F, ou encore 140 pelles et leurs seaux.
C'était si indécent que, devant le tollé provoqué, Total avança un autre chiffre : 40 millions. Il s'agit d'un fonds d'urgence, prévu par la réglementation et provisionné pour être affecté à ce type de catastrophes. La compagnie pétrolière n'aurait rien déboursé de plus que ce qu'elle avait comptabilisé par avance comme faux-frais. Cela reste marginal pour elle.
Il faut savoir que cette somme représente à peine 0,4 % des bénéfices de TotalFina. C'est même près de quatre fois moins que la somme consacrée par elle aux seules opérations publicitaires lors de la fusion avec Elf, l'été dernier ! Et, sur le terrain, le caractère dérisoire de la chose est encore plus éclatant. Le Canard Enchaîné a calculé que ce fonds permettrait de " consacrer 100 000 F par kilomètre (de côte) souillé. Soit à peu près la somme que la commune du Croisic dépense... chaque jour pour ôter le fioul apporté par la mer ".
Maintenant, il est question que TotalFina finance le pompage, estimé à 400 millions, des soutes de l'épave de l'Erika. Du moins, c'est ce qui est annoncé. Dans le même temps, la direction du groupe pétrolier déclare qu'elle va affecter ses propres entreprises aux opérations de dépollution. Il y a déjà longtemps, en effet, que les grands groupes industriels, et d'abord ceux de l'énergie, se sont dotés de filiales spécialisées dans l'éco-business. En clair, ces grosses sociétés sont gagnantes sur tous les tableaux car elles contrôlent tous les maillons de la chaîne, de la pollution à la dépollution (les produits traitant les oiseaux mazoutés sortent, par exemple, des mêmes compagnies pétrolières qui les ont englués).
Derrière l'escalade de chiffres et de communiqués à laquelle se livre TotalFina, il y a d'abord une mise en scène destinée à l'opinion publique dont les pouvoirs publics ne sont, bien sûr, pas dupes mais complices. Il y a surtout gros à parier que plus TotalFina fait mine de s'engager à dépolluer, plus elle va y trouver à pomper... des profits par le biais de ses filiales.
Polluer et dépolluer va donc, une nouvelle fois, rapporter aux mêmes. Et si le gouvernement se montre aussi impuissant à faire payer aux trusts pétroliers le prix pour les ravages qu'ils commettent, c'est tout simplement parce qu'il a choisi de l'être.