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- Lutte ouvrière n°1642
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Leur société
Tout va très bien, madame la marquise...
Pour le bogue de l'an 2000, les officiels seraient tous là. Promis, juré, ils nous l'avaient assez dit, ils seraient à leur poste, privés de bûche et de cotillons, à veiller pendant que nous ferions la fête... Seulement, la catastrophe n'arriva pas de là où on l'attendait. En outre, elle avait une bonne semaine d'avance.
Ce n'était pas l'informatique qui faisait des siennes, mais la météo, ou plutôt la tempête qui a balayé d'abord les côtes, puis le pays et une partie de l'Europe juste avant et après Noël. Et là, ce n'est pas à cause des lignes téléphoniques coupées que ministres et président se trouvaient aux abonnés absents : la plupart se reposaient sous des cieux plus cléments. Du moins, c'est ce que l'on a fini par apprendre.
Chirac envoya un télégramme aux sinistrés... depuis le Maroc. Jospin est revenu un jour plus tôt que prévu de son séjour en Egypte. D'autres ont brillé par leur absence, tel Chevènement, ministre de l'Intérieur et, à ce titre, responsable de la Protection civile. Passons sur Voynet : son " congrès " à la Réunion se prolongeait malgré la catastrophe de l'Erika, puis l'ouragan. Evidemment, pour une ministre de l'Environnement, ça la fiche mal. Mais, si certains en ont fait des gorges chaudes dans les journaux, ce n'est pas que pour de bonnes raisons : auraient-ils été aussi empressés à critiquer un ministre masculin ? La presse a été plus discrète, en tout cas, sur les escapades de Jospin ou Chirac, et pas forcément parce qu'elles auraient été moins connues des rédactions.
Aurait-elle été là au moment du naufrage de l'Erika, s'est défendue Voynet, que cela n'y aurait rien changé. Certes. D'ailleurs personne n'imagine Chirac, Jospin, et le gouvernement au grand complet se portant au devant des éléments déchaînés pour leur faire un barrage de leurs corps... Sur ce terrain, comme sur d'autres, ils ne seraient pas d'une grande utilité à la collectivité. Qu'ils aient été ou pas en vacances durant une tempête qui ne dépendait bien évidemment pas d'eux, la question n'est pas là, hormis pour l'image de serviteurs dévoués au bien public que les hommes et femmes au pouvoir aiment donner d'eux-mêmes.
En revanche, les décisions qu'ils prennent ou non et celles qu'ils ont refusé de prendre peuvent avoir, face aux événements naturels, des conséquences qui, elles, n'ont rien à voir avec la nature.
Les troubles atmosphériques majeurs, on l'a vu, ne sont pas si faciles à prévoir finement, et encore moins à prévenir. En revanche, dans le cas de la catastrophe de l'Erika, si la tempête a joué son rôle destructeur, celui-ci a été plus que facilité par le fait que les autorités ne veulent nullement faire de peine aux trusts pétroliers ni aux armateurs qui envoient sur une mer déchaînée des rafiots dangereux pour leur équipage et pour l'environnement.
Alors, ce n'est pas devant la tempête que se couchent les autorités, mais devant le capital, la loi du profit maximum, celle du " après nous le déluge ". Et cela, qu'il pleuve ou qu'il vente et même par temps calme. Alors, quand le temps se dérègle, ceux qui nous gouvernent peuvent être là ou pas, cela n'y change plus grand-chose...