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- Lutte ouvrière n°1639
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Renault - Le Mans : Un licenciement qui passe mal
Au département 85 de Renault Le Mans, l'annonce d'une procédure de licenciement pour absence injustifiée, à l'encontre d'un ouvrier malade et en difficultés personnelles, a soulevé une grosse émotion dans le bâtiment.
En effet, ce travailleur avec ses 30 ans d'ancienneté est très apprécié de ses camarades de travail et beaucoup ne voulaient pas laisser la direction faire son mauvais coup sans réagir.
Aussi mardi 23 novembre au matin, avec des délégués, c'est à plusieurs dizaines que nous avons cessé le travail pour intervenir à un CHS-CT (Comité Hygiène et Sécurité - Conditions de Travail) où se trouvait le chef de département qui avait signé la lettre de licenciement de notre camarade.
Là, nous lui avons demandé de revenir sur sa décision. Mais ce monsieur, épaulé par un chef d'atelier, n'a rien voulu savoir, aussi le ton a rapidement monté. De nombreux travailleurs leur ont dit sans ménagement ce qu'ils pensaient de leur attitude. En effet, pour tous, ce licenciement est d'autant plus injuste que notre camarade est rentré à l'hôpital pour se faire soigner. Et non seulement ce licenciement est une injustice; mais il est criminel, car tout le monde au département 85 se rappelle qu'il y a 18 mois, un autre travailleur du même secteur licencié pour le même motif s'est donné la mort quelques semaines après. Et cela, la direction aussi le sait bien, mais elle en prend le risque sans états d'âme, ce qui d'autant plus révoltant.
Comme nous nous heurtions à un mur, la grève a continué jusqu'au changement d'équipe à 13h45, où une partie de l'équipe du soir a pris le relais avec les travailleurs du matin qui avaient décidé de rester, et le face-à-face avec les deux licencieurs continua. Dans l'après-midi, des ouvriers d'autres bâtiments se sont mis en grève pour nous rejoindre au département 85. En fin d'après-midi, une «manifestation » d'une douzaine de hauts cadres de l'usine, sous-directeur en tête, sont venus avec un huissier en nous ordonnant de «libérer» leurs comparses que soi-disant nous « séquestrions» (rien que ça !) depuis 9 heures (lu matin. Devant notre refus de céder comme cela, ils durent patienter un bon moment en se gelant au-dehors.
Cependant vers 18 heures, vu que nous étions moins nombreux, il fut décidé de suspendre la grève et qu'un débrayage sur l'ensemble de l'usine soit appelé contre la politique de licenciement de la direction visà-vis des travailleurs malades et pour l'annulation de la procédure de licenciement de notre camarade. Le lendemain mercredi 24 novembre, c'est à près de 300 travailleurs que nous sommes allés envahir le CE qui se tenait ce matin-là.
C'est là que nous avons appris que, juste avant notre arrivée, le directeur avait traité de voyous, de bandits et de terroristes les travailleurs qui avaient fait grève la veille et qu'il avait décidé d'engager des poursuites pénales.
A son tour, comme ses deux acolytes la veille, il a pu entendre la colère et l'indignation s'exprimer et cela de façon très rapprochée. En fin de matinée, profitant d'un flottement et d'une arrivée massive de cadres, ce grand courageux s'éclipsa pour aller s'enfermer dans son «bunker».
L'après-midi un nouveau débrayage appelé par les syndicats CGT et CFDT, regroupant environ 150 travailleurs, dura jusqu'à 17h30.
Pour le moment la direction n'est pas revenue sur sa décision de licenciement. Lundi 6 décembre dans la soirée, la direction a même assigné 46 travailleurs de l'usine en correctionnelle le 7 janvier 2000 pour « séquestration ». Mais au département 85, pour une bonne partie des travailleurs, les choses ne sont pas finies: une lettre ouverte réclamant l'annulation du licenciement circule dans le département et est largement signée.