A lire ce roman cubain, on traverse quatre décennies de l'histoire de l'île, du coup d'Etat du dictateur Batista à 1994. L'auteur a vécu toute cette période, depuis les premiers moments de la lutte armée jusqu'aux cours de génie civil donnés à l'université technologique de La Havane, en passant par la participation à la mise en place du régime de Castro.

Joaquin le Fou, poète à ses heures, est le principal narrateur. A travers ses paroles, on devine les événements et les sentiments de ses amis, des jeunes des classes populaires de La Havane. Mais l'auteur donne aussi la parole à d'autres personnages, qui développent souvent un autre point de vue ou expriment des sentiments différents. Sa participation à la révolution castriste, sans aveuglement mais avec toutes ses forces, reste son fil conducteur. Il sourit des " convertis " de dernière heure, mal dégrossis, comme des leaders des années soixante, " appelés à partager un pouvoir pour lequel ils n'avaient pas lutté ". S'il fait sien le slogan castriste " La patrie ou la mort ", c'est parce qu'il a choisi son camp, sans que ce choix l'aveugle ou lui fasse omettre les critiques du régime et de la société cubaine, en particulier au début des années quatre-vingt-dix.

Il s'agit là d'une longue histoire romancée plutôt que d'un roman historique, d'un livre un peu épais et non sans quelques longueurs. Il n'est pas toujours facile de suivre l'auteur au fil de ces quarante ans. Il navigue dans le temps à coups de retours en arrière et de bonds en avant d'un chapitre à l'autre. Mais c'est vivant, chaleureux et tout compte fait, sympathique.

Viviane LAFFONT

Le Temps qu'il nous a été donné de vivre de Jorge Oliva Espinosa- Hachette Littératures - 558 pages - 155 F