La loi Aubry, une loi réactionnaire19/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1636.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

La loi Aubry, une loi réactionnaire

L'examen du projet de la seconde loi Aubry sur les 35 heures va se poursuivre à la Chambre des députés après son passage devant le Sénat. Les réactions contre l'application de cette prétendue réduction du temps de travail touchent secteurs après secteurs.

C'est que la loi dite des 35 heures concoctée par Martine Aubry n'est aucunement une loi visant à réduire le temps de travail pour alléger la fatigue des travailleurs et leur donner un peu plus de temps pour vivre vraiment. Non, la loi Aubry est une loi réactionnaire au vrai sens du terme, c'est-à-dire une loi de régression sociale qui aggrave les conditions de travail et fait reculer la législation sociale des dizaines d'années en arrière. Le gouvernement de gauche qui l'a élaborée, et qui a le culot de la présenter comme une loi en faveur des travailleurs, a en fait ajouté une chaîne supplémentaire à celles qui entravent le monde du travail, en même temps qu'il en profite pour faire de nouveaux cadeaux au patronat.

Tout d'abord cette loi est l'occasion d'offrir encore des subventions au patronat, des dizaines de milliards supplémentaires, qui seront en partie financés par des taxes sur l'alcool, au détriment des retraites, et par la contribution sociale de 3,5 % sur les bénéfices des entreprises qui servira donc à faire du " social " pour les patrons, pas pour les assurés sociaux !

Les verrous limitant la durée légale du travail sautent

Mais le principal cadeau que le gouvernement fait au patronat avec la loi Aubry, c'est de faire sauter les verrous légaux limitant l'horaire de travail quotidien et l'horaire de travail hebdomadaire. Les horaires de travail qui jusque-là se comptaient sur la semaine pourraient être comptabilisés sur l'année voire sur trois ans comme chez PSA. C'est la liberté accordée aux patrons d'imposer les horaires de leur choix, d'obliger les travailleurs à régler leur vie sur les à-coups de la production, d'accepter de travailler 10 heures et plus par jour, 45 heures ou plus par semaine. Ce sont des rythmes de travail qui, même compensés par des repos imposés en fonction des impératifs de la production, c'est-à-dire au gré des patrons, sont dangereux pour la santé, usent prématurément les travailleurs. C'est une question vitale pour le monde du travail, et le mouvement ouvrier s'est battu tout au long de son histoire pour limiter le droit du patronat à imposer des horaires de travail inhumains. Aujourd'hui, la loi Aubry supprime ces limites que la classe ouvrière avait réussi à imposer, parfois au travers de durs combats, et offre au patronat la possibilité d'imposer aux travailleurs la flexibilité, c'est-à-dire la liberté pour les patrons d'imposer sans entraves les horaires qui les arrangent. Dans ce sens, la loi Aubry permet au patronat de faire revenir les travailleurs des dizaines d'années en arrière.

De très nombreux travailleurs, même s'ils ne subissent pas de perte de salaire avec l'application de la nouvelle loi - ce qui est loin d'être garanti - connaîtront des conditions de travail nettement aggravées.

Les travailleurs en situation défavorable

Car il est évident que les conditions d'application de la loi, qui seront négociées entreprise par entreprise, ne peuvent pas être favorables aux travailleurs car, isolés dans chaque entreprise, ils ne seront pas en situation de force - et c'est encore plus vrai dans les petites entreprises - face à des patrons qui profitent du chômage qui pèse sur l'ensemble de la population laborieuse pour imposer leurs conditions.

Ces accords d'entreprises, si défavorables aux travailleurs, suscitent bien souvent des réactions au moment de leur application, s'ils n'en ont pas suscité au moment de leur négociation. Les boniments sur la réduction du temps de travail font alors place à la réalité des attaques brutales du patron contre les conditions de vie et de travail, suscitant la colère et la révolte. Ainsi, depuis quelques mois, les travailleurs réagissent au coup par coup et de nombreux conflits éclatent ainsi un peu partout suite à la négociation ou à la mise en place des nouveaux horaires de travail.

Protestations, débrayages, grèves

C'est ainsi que des mouvements de protestation, manifestations, débrayages et parfois des grèves longues ont touché des entreprises diverses, que ce soit dans l'automobile, chez Peugeot par exemple, ou à General Motors, que ce soit chez Cezus à Grenoble, à la CSSI à Toulouse, aux Aéroports de Paris, aussi bien à Orly qu'à Roissy. Il y a eu des mouvements à La Poste, touchée paraît-il par quelque 200 préavis de grève depuis deux mois, en particulier la grève qui dure depuis plus d'un mois au centre de tri de Bordeaux. Il y a eu une grève des 4 500 salariés du champagne à la veille des vendanges, et ces jours-ci des mouvements à la SNCF à la radio et à la télévision.

Non à la flexibilité

35 heures, c'est 5 fois 7 heures, un point c'est tout. Le seul objectif valable pour le monde du travail pour contrer l'offensive patronale est à l'exact opposé de la loi Aubry : c'est l'interdiction faite au patronat de pratiquer la flexibilité et l'annualisation des horaires de travail. Les manifestations prévues dans les prochaines semaines contre le chômage et les licenciements et pour l'emploi, pourraient d'autant plus reprendre cet objectif du refus de toute flexibilité qu'il est bien difficile de contrer cette offensive patronale généralisée en se battant entreprise par entreprise. Là aussi le problème c'est de parvenir à changer le rapport de force entre la classe ouvrière et le patronat. Et si les manifestations à venir peuvent contribuer, par une participation allant grandissante, à redonner confiance aux travailleurs dans leur capacité à s'opposer collectivement au patronat, elles peuvent aussi désigner des objectifs clairs pour les luttes futures.

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