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Tunisie : Derrière les élections faussées, un vrai régime policier
Le président tunisien Ben Ali a donc été réélu dimanche dernier par plus de 99 % des voix. C'est peu dire qu'il s'agit d'un score sans surprise. En 1989 il en avait eu 99,27 %, et 99,91 % en 1994.
Cette fois-ci, il avait bien deux adversaires, mais ceux-ci avaient quasiment été choisis par lui. Ils n'envisageaient nullement de le gêner. " La situation serait inquiétante si nous n'étions confiants dans le président Ben Ali ", déclarait l'un, Abderrahmane Tlili. Quant à l'autre, Mohammed Belhadj Amor, il affirmait se présenter uniquement " pour déverrouiller le système ". Tous deux ne cherchaient aucunement à cacher qu'ils n'étaient là que pour faire de la figuration. Quant aux élections législatives qui se déroulaient le même jour, la fraude y a atteint un tel niveau que le gouvernement préfère fixer à l'avance un nombre minimum de sièges réservés à l'opposition légale, de crainte que les membres du parti gouvernemental, le RCD, ne laissent même pas à celle-ci, dans la fièvre des dépouillements à huis-clos, les quelques miettes censées servir de caution au régime. Ben Ali a donc décidé que pour cette fois elle aurait 32 députés.
En Tunisie, les véritables opposants sont depuis bien longtemps réduits au silence par un régime policier et tatillon. C'était déjà le cas sous Bourguiba, dont l'actuel président dirigea longtemps la police. C'est lui qui en janvier 1978 fit tirer sur les militants du syndicat UGTT, tuant une centaine d'entre eux. C'est lui aussi qui en 1984 dirigea la répression contre les émeutes populaires qui obligèrent Bourguiba à reculer sur l'augmentation du prix du pain.
En novembre 1987, Ben Ali, devenu ministre de l'Intérieur, débarqua Bourguiba. Il libéra les prisonniers politiques et, pendant quelque temps, parla de multipartisme, ce qui lui valu le ralliement d'une partie de la gauche, dont plusieurs personnalités devinrent ses ministres et lui servirent de caution. A l'époque, la presse française parlait de la " révolution de jasmin " avec les mêmes accents laudateurs qu'elle a aujourd'hui pour le Maroc de Mohammed VI. Mais rapidement la réalité se révéla beaucoup moins reluisante. La lutte contre les intégristes, menée brutalement surtout à partir de 1991, servit de prétexte au renforcement de l'appareil policier, qui intervint, du coup, y compris contre les militants de gauche et d'extrême gauche. Aujourd'hui, ceux qui n'ont pas choisi de se taire sont en butte à de sordides campagnes de calomnie, aux pressions visant leurs familles et leur entourage, quand ils ne sont pas en exil ou dans des prisons où se pratique la torture. La presse, si elle veut paraître, doit chanter les louanges du régime, et le syndicat UGTT est depuis longtemps mené par un proche du président.
Voilà ce qui se cache derrière ce " miracle tunisien " dont parlait Chirac en 1992. Et si le niveau de vie est peut-être plus élevé à Tunis qu'à Rabat ou à Alger, surtout à vrai dire pour toute une petite bourgeoisie, le chômage y est quand même massif. La réussite de l'économie tunisienne en est d'abord une pour les clans de la famille présidentielle, qui mettent le pays en coupe réglée. Elle profite aussi largement aux entreprises européennes, dans le domaine de la confection par exemple, et aux banques pour lesquelles ce pays est un " bon risque ".
Autant de réalités que des élections aussi manifestement truquées ne parviendront certainement pas à dissimuler.