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Tribune de la minorité
Quelle suite au 16 octobre ?
Les dirigeants du Parti Communiste ont manifesté le 16... et voté la loi Aubry le 19.
Mauvais début pour qui, comme Robert Hue, prétend vouloir continuer à regrouper autour de lui le " mouvement populaire ".
Et pourtant il est indispensable que la manifestation du 16 octobre qui a été un succès par le nombre de manifestants que le PC comme l'extrême gauche ont réussi à mobiliser, ait des suites. Mais lesquelles ? Avec quelles perspectives ?
Il faut un plan de mobilisation de l'ensemble du monde du travail.
D'abord sur des objectifs clairs, qui permettent aux travailleurs de tous les secteurs économiques de s'unir contre les attaques actuelles du patronat comme du gouvernement : contre l'application de la loi Aubry qui légalise et impose la flexibilité au profit du patronat ; pour imposer des mesures coercitives comme l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits ; pour l'utilisation des centaines de milliards de subventions destinés au patronat à la création massive d'emplois dans les services publics.
Ensuite selon des modalités qui permettent aux militants politiques et syndicaux, aux travailleurs combatifs, de rassembler leurs forces, de mesurer les étapes de la mobilisation, d'unifier le mécontentement et de faire converger les différentes luttes défensives qui se déroulent au fil des mois, éparses, éclatées, cloisonnées, en une lutte d'ensemble offensive.
La prochaine étape pourrait être, oui, une nouvelle journée de manifestations dans toutes les villes du pays sur les objectifs précédents, avec appel des organisations syndicales à une grève interprofessionnelle de 24 heures. Après tout, le conflit de l'hiver 1995, contre le plan Juppé, avait été précédé par une campagne des principales organisations syndicales sur les retraites et la sécurité sociale et plusieurs journées d'actions réussies. Ce qui avait été possible contre un gouvernement de droite ne le serait-il pas quand c'est la gauche qui mène la même politique ?
La classe ouvrière a plus que jamais besoin d'un véritable plan de mobilisation pour reprendre confiance en elle-même, en son unité, en sa force. Mais c'est pourquoi de telles initiatives doivent s'adresser autant aux travailleurs du secteur privé qu'aux salariés de l'Etat, travailleurs des hôpitaux, des transports, de La Poste... Autant aux travailleurs à statut précaire, qu'aux autres. Autant aux travailleurs qui sont contraints de se défendre, dans leur entreprise, contre les applications des lois Aubry, qu'à ceux qui veulent faire obstacle à des plans de licenciements et de réduction d'effectifs.
Bien sûr, une telle journée de manifestations n'aurait de sens que si elle visait à mobiliser au-delà des 50 000 militants venus manifester à Paris le 16 octobre.
Cela suppose d'abord de ne pas tergiverser sur les objectifs. Ce n'est pas le double langage du Parti Communiste disant lutter pour l'emploi dans la rue tout en annonçant qu'il va voter une loi pro-patronale qui désarmera les préventions de bon nombre de militants, à commencer par celles des militants et sympathisants communistes qui ne sont pas venus le 16 octobre précisément à cause de cela. A moins que ces mêmes militants, plutôt que de s'en tenir à leur réserve amère et silencieuse, se décident à l'avenir, aux côtés de l'extrême gauche, à donner le ton qui convient à une telle mobilisation. Et il n'est pas forcément besoin d'être toujours majoritaire pour donner le ton. 5 000 manifestants aux slogans clairs et déterminés, traduisant les sentiments de la plupart des travailleurs y compris contre les mesures gouvernementales, peuvent avoir plus d'échos que 40 000 reprenant mollement de vagues rengaines, plus d'échos au-delà des manifestants comme auprès de l'ensemble des manifestants eux-mêmes.
Cela suppose ensuite un certain type de préparation. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour déclencher une lutte d'ensemble. Ni même pour réussir une journée de manifestations dans tout le pays. Le rassemblement des forces militantes du mouvement ouvrier en vue d'une lutte d'ensemble, autrement dit la constitution d'un front uni de la classe ouvrière, cela se prépare. Cela suppose aussi la constitution d'organes militants unitaires visant les mêmes objectifs précis. Aujourd'hui, dans ce pays, pas une ville, pas une région, qui, l'année écoulée, n'ait connu différents mouvements souvent confidentiels, parfois moins, mais qui tous se sont épuisés les uns après les autres contre des restructurations, la fermeture de services, un plan de licenciements, l'application des 35 heures, et cela dans les différents secteurs économiques : l'hôpital, la grosse entreprise d'appareils ménagers, les sous-traitants de la restauration, du nettoyage, de l'automobile... la grande distribution, les transports publics ou privés, une école ou un lycée... Mais pas de liens militants, pas de contacts, aucune concertation à l'occasion de ces mouvements. Tous ont les mêmes problèmes, et tous sont isolés.
Une mobilisation nationale ? Au niveau de chaque région ? Cela peut aussi s'organiser à partir de comités unitaires contre les licenciements, les suppressions d'effectifs et la flexibilité. Unitaires en ce qu'ils unissent les travailleurs des différentes entreprises et les militants ouvriers de toute appartenance syndicale et politique. Des comités qui centralisent les informations et les rendent publics, et centralisent également les protestations, voire les ripostes.
Voilà à quoi peut ressembler les différents volets d'un plan de mobilisation ouvrier. Pour que la classe ouvrière redonne à nouveau la mesure de sa combativité, il faut que ses militants sortent de leur propre isolement, de leur propre manque de perspectives et commencent à constituer les organes de front unique pour un plan d'urgence en faveur de la classe ouvrière. Les militants, ils existent. On l'a vu le 16 octobre à Paris. Or il sont cinq ou dix fois plus nombreux sur l'ensemble du pays. De quoi reconstituer les réseaux militants qui redonnent enfin le moral aux travailleurs.