Lire : La gauche imaginaire et le nouveau capitalisme, de Gérard Desportes et Laurent Mauduit15/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1631.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Lire : La gauche imaginaire et le nouveau capitalisme, de Gérard Desportes et Laurent Mauduit

La politique menée par le gouvernement Jospin n'est pas une politique de gauche. Cette affirmation est couramment émise par nombre de commentateurs, soit pour s'en féliciter, soit pour s'en plaindre. Mais ça n'est pas une surprise pour ceux qui ont bien voulu ou ont fait semblant de le croire.

Le livre de Gérard Desportes et Laurent Mauduit, journalistes, l'un à Libération, l'autre au Monde, La gauche imaginaire précise cette thèse en rappelant des dizaines de promesses non tenues, avec nombre de citations fort opportunes qui illustrent les multiples renoncements du PS.

Premier exemple, et un des plus symboliques : le 16 mars 1997, Lionel Jospin manifestait aux côtés des syndicats contre la décision de fermer l'usine Renault à Vilvorde. Il jugeait cette décision " financièrement, industriellement et humainement aberrante ". Il expliquait encore, quelques jours plus tard, que " en tant qu'actionnaires de Renault, les représentants de l'Etat au Conseil d'Administration exigeraient que d'autres mesures soient envisagées ". Moins de trois mois après la manifestation, devenu Premier ministre, le même Jospin expliquait qu'il ne pouvait " apporter une réponse à une question industrielle ". Du coup Vilvorde était fermé. Jospin le manifestant était devenu impuissant en devenant ministre. Tout comme il l'est aujourd'hui devant Michelin.

La liste des retournements et renoncements qui ont suivi est fort longue. La comparaison entre les déclarations précédant les élections et celles qui les suivent sont édifiantes. Ainsi Lionel Jospin n'était-il pas l'un des signataires d'une pétition contre la privatisation de France Télécom, ce qui ne l'a pas empêché d'organiser cette privatisation ? Citons, pêle-mêle, les volte-face de Jospin et Strauss-Kahn concernant l'impôt sur la fortune, l'impôt sur les sociétés, les engagements sur la baisse de la TVA... Les auteurs rappellent que le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement figurait dans le programme électoral de Jospin, avant de passer à la trappe, comme bien d'autres mesures promises.

Remontant plus loin dans le temps, les auteurs retrouvent un Jospin soutenant, en 1979, dans une assemblée du PS, une motion rappelant que le but du PS n'est pas " de moderniser ou de tempérer le capitalisme mais de le remplacer par le socialisme ". Discours de jeunesse ? Plutôt celui d'un jeune loup avant qu'il n'accède à la mangeoire.

A propos des 35 heures, les auteurs rappellent entre autres, non sans malice, ces propos de Martine Aubry, prononcés devant une assemblée de militants CFDT : " Je ne crois pas qu'une mesure générale de réduction du temps de travail créerait des emplois ". C'était en 1991.

Mais ce livre n'est pas qu'un catalogue des retournements du PS. Il propose aussi son analyse des raisons des reniements de ces politiciens, classés par les auteurs parmi " les plus honnêtes ". Leur dérive serait une fatalité, sans que les responsabilités des grands patrons en France, qui sont pourtant ceux qui prennent les décisions, qui font les choix économiques et sociaux, soient vraiment évoqués.

Selon les auteurs, on serait passé de ce qu'ils appellent le capitalisme " rhénan " (modèle qui donnerait une place importante à la régulation et au contrôle par l'Etat et qui aurait été l'âge d'or du réformisme social-démocrate) à ce qu'ils appellent le capitalisme anglo-saxon (dans lequel l'Etat abdique devant les marchés).

De fait, ce livre est d'un côté un réquisitoire pertinent et féroce contre le PS au gouvernement, et en même temps il l'absout de ses responsabilités, expliquant que, sous les coups de boutoir d'un marché dominé par la mondialisation, le PS n'aurait pas d'autre choix. Opinion paradoxale qui revient à justifier les mensonges et les retournements de ces politiciens, et au-delà la dictature des " marchés " (c'est-à-dire du capital financier) sur l'économie de la planète.

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