- Accueil
- Lutte ouvrière n°1630
- Espagne : Un an de trêve entre le gouvernement et l'ETA
Dans le monde
Espagne : Un an de trêve entre le gouvernement et l'ETA
Le 16 septembre marquait la fin de la première année de trêve illimitée décidée par l'ETA. Une année marquée essentiellement par le déroulement de diverses élections (européennes, régionales et municipales) et par l'approche des élections générales de l'an prochain.
Même si les commentaires concernant les " négociations du processus de paix " et les déclarations des politiciens concernant la recherche d'une issue démocratique sont nombreuses, la population est fort peu informée des tractations qui se déroulent entre le gouvernement et l'ETA.
Aujourd'hui, apparemment, les contacts sont rompus entre le gouvernement et l'ETA. Après une première réunion au mois de mai, au cours de laquelle les différents partenaires se sont accusés tantôt d'utilisation abusive des négociations à des fins électorales, tantôt d'immobilisme ou encore d'indiscrétion, dans les deux camps, les uns et les autres campent sur leurs positions.
Pour le gouvernement dirigé par le parti de droite, le Parti Populaire, la paix ne doit avoir aucune contrepartie politique, ni sortir du cadre de la légalité, la seule négociation devant porter sur la situation des prisonniers de l'ETA. Et même si Aznar, le chef du gouvernement, annonce qu'il est disposé à renouer immédiatement les contacts avec l'ETA, il ne manque aucune occasion d'affirmer sa position de force et les limites infranchissables de la négociation qui sont celles définies par l'ordre constitutionnel ; le seul geste qu'il ait fait concernant le transfert de prisonniers basques vers des prisons du pays Basque ou proches du pays Basque.
Par contre, pour l'organisation indépendantiste, il faut négocier le droit à l'autodétermination. Alors que l'ETA souffrait au sein de la société d'un progressif isolement, cette organisation a trouvé un nouveau souffle grâce à la trêve et à un certain rapprochement avec les partis nationalistes modérés de droite comme le Parti Nationaliste Basque (PNV) et Eusko Alkartasuna (EA), dans le cadre de ce qu'on appelle le Pacte de Lizarra. C'est cette politique qui a conduit Herri Batasuna (HB), liée à l'ETA, à appuyer au pays Basque le gouvernement régional qui est aux mains du PNV et de EA. Une politique dans le cadre de laquelle les groupes nationalistes impulsent ce qu'ils appellent la " construction nationale du pays Basque ", récemment concrétisée par la mise en place de l'Assemblée des élus basques qui se propose de regrouper les élus municipaux de la Communauté autonome basque, ainsi que ceux du pays Basque français et de la Navarre. Néanmoins la perte d'influence électorale du PNV dans les récents scrutins a accentué les divergences entre le PNV et Herri Batasuna, cette dernière défendant l'idée que l'Assemblée des élus doit prendre le pas sur les anciennes institutions dont le PNV défend la légitimité. C'est ainsi que, dans un communiqué, l'ETA accuse certains secteurs du PNV de tirer en arrière la construction nationale du pays Basque.
Mais tous ces calculs politiques ont bien peu à voir avec les intérêts de la population travailleuse. Et l'importance prise non seulement au pays Basque mais aussi dans d'autres régions d'Espagne par les problèmes nationalistes cache malheureusement les problèmes dont souffre l'ensemble de la classe ouvrière d'Espagne.
Un exemple : pendant que les médias se félicitent de l'amélioration économique qu'aurait favorisée la paix retrouvée au pays Basque, les travailleurs de Daewoo à Vitoria - entreprise qui a bénéficié de millions de pesetas de subventions grâce à la souveraineté fiscale basque - mènent depuis deux mois une grève pour réclamer des salaires décents. Et par ailleurs, licenciements et fermetures d'entreprises sont prévus au pays Basque comme dans le reste de l'Espagne, à Michelin par exemple, ou encore à la Fabrique de Tabac de Saint-Sébastien. Et pendant ce temps, les entreprises basques, espagnoles ou autres reçoivent des subventions aussi bien du gouvernement central que du gouvernement basque. Et s'il n'y a pas de frontières pour les affaires et les capitaux, il ne devrait certainement pas y en avoir pour les travailleurs.