Les annonces de Jospin : De la poudre aux yeux sans effet sur les licenciements et le chômage01/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1629.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Les annonces de Jospin : De la poudre aux yeux sans effet sur les licenciements et le chômage

" Les patrons ne vont pas trembler devant les mesures annoncées ", a pu déclarer une journaliste à Europe 1, commentant le discours de Jospin fait devant les parlementaires socialistes le 27 septembreà Strasbourg. Indépendemment des déclarations tonitruantes des représentants du Medef, Ernest-Antoine Sellière en tête, qui protestent par principe même quand le gouvernement leur distribue des milliards par centaines, le patronat peut se rassurer, s'il en était besoin : Jospin n'est pas plus décidé après le 27 septembre qu'avant à s'en prendre à leur " liberté " de licencier à leur guise.

Certes le fait que, quinze jours après ses déclarations selon lesquelles " on ne peut administrer l'économie ", le Premier ministre se sente obligé de revenir sur ses perspectives sociales témoigne de la crainte que peut avoir ce gouvernement d'une réaction de la classe ouvrière sur son terrain à elle, celui de la lutte de classe, face au scandale du chômage et des licenciements. Il aura suffi d'une manifestation réussie des travailleurs de Michelin et de l'annonce d'autres manifestations, pour que Jospin se sente obligé de faire cette mise en scène. Mais les annonces faites ne sont encore une fois que de la poudre aux yeux.

Des mesures d'esbroufe

La première des mesures annoncées consiste à modifier le Code du travail dans le cadre de la loi sur les 35 heures en rendant " obligatoire une négociation sur les 35 heures préalablement à la présentation de tout plan social ". Mais ces négociations, là où elles ont eu lieu, consistent pour les patrons, dans le cadre même de la loi, à aggraver les conditions de travail par le biais de la flexibilté, de l'annualisation, de l'augmentation des heures supplémentaires (non rémunérées pour l'essentiel), bref à permettre aux patrons de pouvoir économiser sur le personnel nécessaire et donc de réduire les effectifs indispensables à la production. Alors on peut être certain du résultat d'une telle mesure, même si elle était réellement mise en place.

La seconde mesure annoncée consisterait " à ce que les fonds publics quels qu'ils soient ne puissent être alloués " à des restructurations comportant d'importantes suppressions d'emplois dans des entreprises disposant " de bénéfices substantiels ". Le flou et la pondération de cette menace laissent la porte ouverte à tous les arrangements et interprétations possibles. Mais surtout le seul terrain concret sur lequel le gouvernement a fait savoir qu'elle s'appliquerait est celui des préretraites du Fonds National de L'Emploi, pour lesquelles l'Etat finance la plus grande partie des licenciements par mise en préretraite des salariés âgés de plus de 56 ans et deux mois.

Certes il est scandaleux que les patrons fassent payer de telles opérations par l'Etat, mais en l'absence de mesure réelle et effective qui interdirait à tout patron de pouvoir mettre en route un plan de licenciement économique, en particulier dans les entreprises qui annoncent des bénéfices, et sous peine de voir réquisitionner sa société, cette mesure risque d'avoir des conséquences surtout pour les salariés. Car le patronat pourrait dans ce cas licencier purement et simplement, sans même devoir mettre un peu la main à la poche, comme il doit quand même le faire avec les préretraites FNE qui assurent une sécurité relative aux salariés les plus âgés.

La troisième mesure consisterait à établir " un lien entre le montant des cotisations à la charge des entreprises et leur comportement en matière de licenciement économique ". On peut déjà apprécier le caractère totalement indéfini du " lien " en question ; quant à le concrétiser, ce sera encore une autre affaire. Au mieux cela aboutirait à une taxe... que de toute façon les sociétés sanctionnées répercuteraient sur le prix de vente et feraient donc payer à la population au bout de la chaîne, à l'image de " l'éco-taxe " dont les fabricants de lessive viennent d'annoncer qu'elle entraînerait... une hausse des prix dans les magasins.

Enfin Jospin a annoncé comme " nouvelle mesure ", ce qu'il avait une première fois fait annoncer il y a plus d'un an : une éventuelle taxe sur le recours au travail précaire. Le gouvernement proposera " un système de correction financière qui s'appliquera à défaut d'accord conventionnel agréé ". Donc d'abord place aux accords de branches, qui justement ont permis dans la période passée, sous la dictée des patrons, de faire avaliser la remise en cause de nombreux acquis sociaux, comme dans les assurances, la métallurgie, etc. De plus, juste avant l'allocution de Jospin, Martine Aubry avait tenu à préciser dans la presse que l'éventuelle taxation ne s'appliquerait que pour les entreprises qui utiliseraient " 10, 15 voire 20 % d'emplois précaires ".

Les patrons ont aujourd'hui même de multiples façons de passer outre la loi qui réglemente l'utilisation du travail précaire, la première étant d'ailleurs de la violer ouvertement, sans dommages pour eux. C'est ce que font depuis des années les plus grandes entreprises du pays, parmi elles Renault ou même La Poste qui est un des premiers employeurs publics. Et si par le plus grand des hasards il y avait une taxe à payer après tout ce parcours, celle-ci ne serait pas supportée par les employeurs mais par les consommateurs.

Voilà donc comment Jospin a répondu aux " attentes qui restent fortes ", " aux inquiétudes et aux impatiences " dans le monde du travail à propos des licenciements et du chômage : au mieux du vent, rien que du vent, en réalité la même politique propatronale qu'auparavant. A la classe ouvrière de faire savoir qu'elle n'entend pas se contenter de mots de compassion, mais qu'elle exige les mesures radicales seules capables d'apporter une solution au drame du chômage de masse : l'interdiction des licenciements collectifs et le contrôle des travailleurs et de la population sur la comptabilité des grandes sociétés.

Partager