Indonésie : Une armée menaçante01/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1629.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Indonésie : Une armée menaçante

L'armée indonésienne, qui vient de s'illustrer au Timor-Oriental, va-telle perturber l'installation du prochain parlement indonésien et manipuler, voire empêcher, l'élection présidentielle qui doit suivre ? C ,est ce que semble indiquer la tentative de lui donner encore davantage de ouvoir légal qu'elle n'en possède déjà.

En effet, jeudi 24 septembre, l'armée obtenait l'accord de l'Assemblée pour le vote d'une « loi sur la prévention du danger ». Cette loi devait permettre, sur décision du président de la République, entre autres - et le président actuel Habibie a montré à quel point il était sensible aux pressions des militaires-de donner des pouvoirs étendus à l'armée en cas de troubles. Or cette loi est passée grâce au vote du Parlement élu en 1997, sous la dictature de Suharto, avant la chute de celui-ci en mai 1998, lequel Parlement se réunissait pour son avant-dernière session et devrait en principe laisser la place le 1 er octobre à une nouvelle chambre élue déjà depuis le 7 juin de cette année, mais pas encore en fonction.

Le vote de cette loi a donc soulevé un tollé dans les milieux étudiants et même plus largement. Deux jours d'émeutes, les plus violentes depuis le début de l'année, ont eu pour résultat d'amener le président Habibie à surseoir à la signature de la loi. La presse a rapporté que les affrontements qui se sont déroulés à Djarkarta, à Surabaya et dans d'autres villes du pays, et qui ont fait 7 morts et plus de 100 blessés, avaient vu se rejoindre, dans la capitale, des étudiants mais aussi des jeunes, venus des banlieues industrielles, des lycéens et des gens de tous horizons.

Cette épreuve de force a finalement obligé le pouvoir à reculer, mais la menace reste suspendue. Le ministre de la Défense, le général Wiranto, continue à affirmer que la promulgation de la loi dépendra du « taux de compréhension de la population », après une «campagne d'explications ».

Comme les événements au Timor-Oriental avaient déjà commencé à le montrer, rien n'est donc réglé en Indonésie au sujet du pouvoir de l'armée et du risque de retour à une dictature aussi ouverte que celle de la période de Suharto. Les changements depuis la chute de Suharto sont très limités et le pouvoir de l'armée toujours exorbitant.

Ainsi, les réformes promulguées fin janvier 1999, neufmois après la chute de Suharto, prévoyaient par exemple que les fonctionnaires, qui avaient jusque-là pour obligation d'appartenir au parti gouvernemental, le Golkar, se verraient désormais interdire d'appartenir à un parti, sous prétexte de « neutralité »...mais ce sont les mêmes qui sont restés en place !

Le nombre de siège attribués légalement à l'armée dans les différentes assemblées a été réduit, mais pas supprimé, loin de là. Ce nombre passe, au Parlement de 75 à 38 sièges (sur 500 parlementaires), et dans les assemblées régionales l'armée a droit à 10% des sièges. De même, les nembres désignés de l'assemblée chargée d'élire le président de la République n'étaient plus que... 200 sur 700. Cette assemblée est composée des 500 députés du Parlement, de 135 représentants des régions et de 65 représentants des groupes socio-politiques, ce qui en fait une assemblée désignée à 34% et non plus à 65%. En d'autres termes, même sous des apparences « réformées » et plus ou moins démocratiques, tout est fait pour que l'armée reste l'épine dorsale du régime.

Autre aspect, l'extrême lenteur du pouvoir héritier de la dictature à accepter le moindre changement : Suharto a dû quitter le pouvoir en mai 1998, mais ce n'est qu'en juin 1999, un an après, que des élections ont eu lieu, et ce n'est qu'en octobre 1999 que la nouvelle Assemblée devrait pouvoir siéger.

Certains diront peut-être, comme on l'entend parfois à propos des régimes qui ravalent un peu leur façade, que « la démocratie est en marche ». Mais si la population veut que ce soit autre chose qu'une nouvelle marche militaire, elle ne pourra compter que sur ses propres forces, en espérant que les étudiants, qui sont à la pointe du combat, soient rejoints par les travailleurs qui ont subi depuis le début de la crise économique une aggravation terrible de leur sort.

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