La voiture électrique, ses enjeux économiques et politiques14/05/20232023Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2023/05/232.jpg.484x700_q85_box-0%2C0%2C1383%2C2000_crop_detail.jpg

La voiture électrique, ses enjeux économiques et politiques

Après bien des rebondissements, l’Union européenne (UE) a entériné fin mars l’interdiction en 2035 de l’immatriculation des voitures fonctionnant avec un moteur thermique, essence ou diesel. Avec toutefois une exception pour les véhicules utilisant du carburant de synthèse, lequel n’est produit pour l’instant que dans une seule usine au Chili et sera surtout destiné, en raison de son coût, aux détenteurs de Porsche et autres Ferrari.

D’ici 2035, certes, bien des choses peuvent changer. En 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), plus de dix millions de voitures électriques ont été vendues dans le monde, sur un total de 82 millions de véhicules. Ce nombre encore modeste devrait augmenter de 35 % cette année. Les États-Unis veulent arriver à une proportion de 50 % de véhicules électriques vendus en 2030. En Chine, c’est déjà un sur quatre aujourd’hui.

En tout cas, au moins sur une partie de la planète – Europe, États-Unis et Chine – le tournant est pris vers l’électrification des voitures. Pour les habitants du Bangladesh ou de la République centrafricaine, qui ne disposent que d’un véhicule à moteur pour 250 habitants, le problème n’est pas celui du type de motorisation…

Une production mondialisée et une spéculation effrénée

Le passage à l’électrique ne s’explique évidemment pas par une volonté des industriels de lutter contre la pollution. En fait, derrière les problèmes bien réels d’environnement, se cachent une guerre commerciale entre les constructeurs automobiles et une guerre économique entre les grandes puissances. Les intérêts des uns et des autres sont entremêlés, mais ils s’opposent bien souvent, ce qui est la règle dans la production capitaliste dominée par les intérêts privés.

La production automobile est largement mondialisée et les fabricants n’ont plus qu’un lointain rapport avec leur pays d’origine. La Renault Clio est produite en Slovénie, la Peugeot 208 en Slovaquie et au Maroc. Aujourd’hui, l’usine qui produit le plus grand nombre de voitures en France est… Toyota à Valenciennes, avec la Yaris. Volkswagen a longtemps été le plus gros constructeur de Chine, et Toyota était celui des États-Unis en 2021.

C’est dire que les discours vantant les mérites du protectionnisme n’ont guère de sens et ne sont pas une réponse aux suppressions d’emplois liées à l’électrification du parc automobile. En revanche, ils justifient l’octroi de subventions par les pouvoirs publics aux groupes automobiles, et ils divisent les travailleurs. Pourtant, partout dans le monde, l’heure est aux suppressions d’emplois, comme en témoigne l’annonce par Stellantis d’un nouveau plan de départs « volontaires » pas encore chiffré mais qui s’adresse aux 35 000 salariés du groupe aux États-Unis.

Dans un courriel adressé aux employés, le directeur de l’exploitation pour l’Amérique du Nord de Stellantis, Mark Stewart, cité par l’agence Reuters, explique : « La compétition est féroce, et nous ne pouvons pas faire reposer tout le coût de l’électrification sur le consommateur. » Ni sur les actionnaires, mais c’était inutile de le préciser. C’est sur les travailleurs que Stellantis et les autres constructeurs veulent faire porter le coût de la transition énergétique. Une transition énergétique qui a un coût, mais qui rapporte et qui alimente la spéculation boursière, comme l’illustre l’histoire de Tesla.

Créé en 2003, Tesla Motors a été introduit en Bourse en 2010. C’était la première introduction en Bourse d’une société produisant des voitures aux États-Unis depuis celle de Ford en 1956. En octobre 2021, la firme d’Elon Musk valait en Bourse plus de mille milliards de dollars, alors qu’elle produisait moins d’un million de voitures par an. Elle valait quatre fois plus que Toyota, qui produisait dix fois plus de voitures. L’an dernier, le cours de Tesla a fondu, alors que l’entreprise a produit plus de véhicules, 1,369 million, en étant extrêmement rentable. Et cette année, afin de conforter sa position sur le marché, l’entreprise s’est lancée dans une guerre des prix sur le marché de la voiture électrique plutôt haut de gamme.

Essence, diesel ou électrique ?

La production mondiale de voitures n’a pas cessé d’augmenter au cours du 20e siècle, entraînant des problèmes inextricables de circulation et de pollution dans les grandes villes. La production annuelle, d’environ dix millions en 1950, puis 41,2 en 2000, a atteint plus de 90 millions avant la crise sanitaire1. Pour l’année 2022, à cause de l’augmentation du prix des carburants, du manque de puces électroniques et de l’incertitude liée à la transition énergétique, elle s’est établie à plus de 82 millions. Il y a aujourd’hui plus de 1,4 milliard de voitures en circulation dans le monde, quatre fois plus qu’en 19762.

Les industriels occidentaux ont développé le moteur à combustion, inventé dans la deuxième moitié du 19e siècle, dont le rendement est, malgré les progrès réalisés depuis son invention, toujours relativement faible, autour de 40 % : une grande partie de l’énergie développée par l’explosion est dissipée sous forme de chaleur. Ces moteurs utilisent des carburants à base de pétrole, fournis par les trusts, occidentaux eux aussi, qui dominent ce marché. Ils ont l’inconvénient d’émettre de nombreux polluants : oxydes d’azote, composés organiques volatils, benzène, dioxyde de soufre, CO2 et particules fines. Des particules fines sont aussi émises par l’usure des pneumatiques et des plaquettes de frein. Autre inconvénient : étant à explosion, ces moteurs font du bruit.

Le scandale du Dieselgate, qui a éclaté en septembre 2015, a montré que les constructeurs – Volkswagen d’abord, mais en fait tous – truquaient les résultats des tests de pollution. Cela a achevé de déconsidérer l’utilisation des moteurs diesel, à l’évidence plus polluants, même si PSA a longtemps expliqué que, grâce au filtre à particules qui équipait ses moteurs, l’air sortait plus pur du pot d’échappement qu’il n’était entré dans le moteur. Présenter un moteur diesel comme un purificateur d’air, il fallait oser !

Selon Santé publique France (SPF), les particules fines, émises autant par les moteurs que par l’usure des pneumatiques, seraient responsables de 40 000 décès par an, et de la perte de près de huit mois d’espérance de vie. Mais la pollution générée par le développement de la voiture individuelle n’a pas empêché les gouvernements d’en généraliser l’usage, au détriment des transports collectifs.

La Chine, premier producteur mondial

En Chine, on produisait à peine plus de deux millions de voitures en 2000. Mais, avec 27 millions de véhicules produits l’an dernier, le pays est devenu, de loin, le premier producteur mondial, devant les États-Unis (14 millions), l’UE (12 millions) et le reste du monde (29 millions, essentiellement au Japon, en Inde et au Mexique)3. La Chine compte plus de 1,4 milliard d’habitants. La production automobile y est récente, et s’est d’abord faite par des associations entre industriels chinois et fabricants occidentaux et japonais, très intéressés par ce marché en développement depuis une trentaine d’années, avec l’apparition d’une petite bourgeoisie nombreuse à l’ombre du développement économique du pays.

Dès les années 2000, les constructeurs chinois se sont lancés dans la fabrication de voitures électriques. Sur les marchés mondiaux, les trusts occidentaux, coréens et japonais occupaient la place pour les voitures équipées d’un moteur à explosion. La voiture électrique était un nouveau marché, sur lequel les capitalistes occidentaux s’étaient peu aventurés, plus intéressés à rentabiliser au maximum leurs installations. Plusieurs entreprises chinoises ont pignon sur rue. Certaines sont contrôlées par l’État, comme Dongfeng, FAW ou Changan, d’autres par les autorités régionales, comme SAIC et BAIC, ou encore par des capitaux privés, tels Geely et BYD. Ces entreprises ont racheté des usines qui n’intéressaient plus leurs actionnaires européens. SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation), fondé en 1997, est connu en France pour les véhicules vendus sous l’ancienne marque britannique MG. Un autre grand groupe, Geely, de son côté, a racheté les marques Volvo et Smart.

BYD (Build Your Dreams), fondé en 1995, fabriquait au départ des batteries et s’est lancé dans la voiture électrique en Chine en 2003, dix ans avant la sortie de la Zoe de Renault. Les ventes de BYD ont augmenté de 90 % en un an, elles ont dépassé ­Volkswagen sur le marché chinois au premier trimestre 2023. Le bénéfice, lui, a été multiplié par cinq l’an dernier ! Et BYD est sur les rangs pour racheter l’usine Ford de Sarrelouis en Allemagne, qui produisait la Focus. Bien après Renault, Peugeot, Volkswagen, Mercedes, Ford ou GM, les entreprises originaires de Chine se font une place sur le marché mondial, avec la même logique capitaliste que leurs prédécesseurs.

Aujourd’hui, le discours sur la transition écologique et le réchauffement climatique, ajouté à la concurrence des fabricants chinois, fait que tous les groupes automobiles du monde se lancent dans la construction de voitures électriques. Renault et Stellantis ont annoncé que tous leurs véhicules seraient électriques dès 2030 en Europe. Cela se fait à coups de subventions directes aux industriels et de l’installation, financée en grande partie par les pouvoirs publics, de bornes de recharge pour les véhicules électriques.

Les États-Unis à l’offensive contre leurs concurrents européens

Le président américain Joe Biden a annoncé, à l’été 2022, un vaste plan de 450 milliards de dollars, l’Inflation Reduction Act (IRA), afin d’aider à relocaliser l’industrie aux États-Unis. C’est un véritable pont d’or qui est offert aux industriels, quelle que soit leur nationalité. Du coup, le fabricant suédois de batteries Northvolt envisage de franchir l’Atlantique. Ses dirigeants ont calculé que, s’ils choisissent de construire leur prochaine usine géante aux États-Unis plutôt qu’en Allemagne, ils pourraient bénéficier de huit milliards de dollars d’aides, soit 70 % de leur investissement. Cela mérite d’y réfléchir à deux fois, surtout que les contrats de fourniture d’énergie à long terme y sont quatre à cinq fois moins chers qu’en Europe.

Le Canada s’est aligné sur les aides données par les États-Unis. Ainsi, Volkswagen vient de conclure un accord avec le gouvernement canadien pour une grande usine de batteries dans l’Ontario, avec des subventions à la production entre 8 et 13,2 milliards de dollars canadiens pour la prochaine décennie. « Du jamais-vu dans l’histoire du Canada », selon Le Monde (6 mai). Volkswagen aurait également abandonné son projet d’usine de berlines 100 % électriques qui devait se faire au siège du groupe, à Wolfsburg en Basse-Saxe, au profit de la production d’un modèle aux États-Unis.

Ceux-ci sont lancés dans une guerre économique – avec comme armes le dollar et la puissance de l’État le plus riche du monde – pour faire venir des usines sur le sol américain. Depuis le 21 avril, un décret d’application de l’IRA impose que, pour bénéficier d’un crédit d’impôt de 7 500 dollars pour l’achat d’une voiture électrique, celle-ci doit comporter au moins la moitié de ses composants venant d’Amérique du Nord. C’est encore une façon d’appâter les capitalistes de l’auto à fabriquer du « made in USA ». On l’a dit, le gouvernement américain vise 50 % d’électrique dans les ventes de voitures en 2030. Pour ce faire, il a fait voter trois lois sur les infrastructures, les semi-conducteurs et les technologies « propres », avec à la clef des subventions de 135 milliards de dollars aux industriels.

Si le berceau de l’industrie automobile américaine est situé dans la région des Grands Lacs, au nord, les États du Sud, à la suite de l’État fédéral, déploient aussi leurs aides et tentent d’attirer les industriels avec une énergie moins chère, notamment au Texas où s’est installé Tesla. Dans une tribune, Cindy Estrada, vice-présidente du syndicat United Auto Workers (UAW), s’inquiète de « voir les fabricants profiter de la transition vers l’électrique pour désyndicaliser » (Les Échos, 24 novembre 2022). Les salaires sont plus bas dans le Sud, dans les usines sans syndicat, et dans les États pauvres comme « l’Alabama par exemple, l’un des principaux États producteurs [où] 40 000 travailleurs sont employés dans des usines non-syndiquées comme Mercedes, Honda, Toyota et Hyundai, de même que les fabricants de pièces détachées ». Des salaires plus bas, des conditions de travail plus dures… tous les capitalistes courent après.

Cette offensive des États-Unis n’a pas laissé sans réaction l’UE, la principale visée par les mesures de Biden.

La politique du gouvernement français et de l’UE

Face à l’IRA, l’Union européenne s’est dite prête à mettre 350 milliards sur la table. « Il a fallu soulever des montagnes et aligner tout le monde, mais l’Europe tient sa réponse à l’IRA, s’est vanté le commissaire européen Thierry Breton. Nous allons enfin pouvoir jouer à armes égales. »

Cela reste à voir. D’abord, l’UE n’est pas un seul marché. Les constructeurs y ont des intérêts différents, voire contradictoires, et il leur est difficile d’avoir une politique commune. Par exemple, le gouvernement allemand ne veut pas se fâcher avec la Chine, un débouché essentiel pour Volkswagen, Mercedes et autres. De même, l’industrie allemande a subi de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, parce qu’elle était très dépendante du gaz russe et que de nombreux sous-traitants des usines allemandes étaient installés en Ukraine, ce qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement.

Mais dans l’UE comme dans les pays qui la composent, le robinet des subventions publiques est ouvert en grand. En visite en décembre 2022 à l’usine de moteurs Stellantis de Trémery en Moselle – qui fut selon PSA la plus grande usine de moteurs diesel au monde – le ministre français de l’Industrie Roland Lescure a annoncé la création d’un appel à projets doté de 1,1 milliard d’euros pour soutenir les projets d’investissements de la filière auto. Des fonds dont va pouvoir profiter même un groupe comme Stellantis, qui a programmé la disparition de 2 000 emplois directs d’ici 2025 sur ses deux usines du pôle Metz-Trémery – celle de Metz produisant des boîtes de vitesses.

La transition énergétique est prétexte à de nouvelles aides pour les constructeurs et les équipementiers, mais pas seulement. Par exemple en France, Imerys, une société qui compte 170 mines et usines dans le monde, avec un chiffre d’affaires de plus de quatre milliards d’euros et 14 000 salariés, a un projet d’exploitation du lithium, indispensable à la fabrication des batteries. L’exploitation de cette mine, située à Échassières dans l’Allier, demande des investissements de l’ordre d’un milliard d’euros, dont la moitié devrait venir d’aides publiques, transition écologique oblige !

Pénurie d’électricité… et surtout de planification

Le monde entier, et pas seulement les pays pauvres, souffre d’une pénurie de courant électrique. Et c’est le moment que les États des grandes puissances ont choisi pour promouvoir l’électrification des voitures individuelles.

Aux États-Unis, à l’automne 2022, cette pénurie a conduit la Californie à interdire le rechargement des voitures électriques aux heures de pointe. En France, l’hiver dernier a été marqué par des alertes sur le risque de manque de courant. Du fait du matraquage gouvernemental et de l’explosion des prix, la consommation a baissé de 10 %, éloignant le risque de black-out, si tant est que la menace était bien réelle. En Afrique du Sud, le gouvernement a déclaré l’état de catastrophe nationale devant la pénurie de courant électrique qui impose des coupures de plusieurs heures par jour, du fait de centrales à charbon vieillissantes.

Partout, la cause est la même : une gestion privée de la production et du transport d’électricité qui ne peut qu’aboutir à des catastrophes, tant il est évident que produire cette énergie devrait être planifié et organisé en fonction des besoins sociaux, pas des spéculateurs. En 2001, la spéculation avait créé une panne géante dans l’un des États les plus riches des États-Unis, la Californie, du fait de la remise en route trop tardive de centrales thermiques : les spéculateurs avaient attendu quelques secondes de trop afin de profiter au mieux de l’envolée du prix du courant électrique sur les marchés. Mais dès qu’il manque du courant sur le réseau, celui-ci s’effondre, ce qui peut provoquer des pannes affectant des millions de personnes. Or partout dans le monde, production et distribution ont été livrées au marché.

En France, le gouvernement, qui avait la haute main sur EDF, a lancé la construction de centrales nucléaires dans les années 1970. Elles arrivent maintenant en bout de course, avec de nombreux et longs arrêts de réacteurs pour maintenance, sans que rien n’ait été vraiment prévu pour les remplacer hormis l’EPR de Flamanville, dont la construction accumule les retards et les dépassements de coûts.

Rentabiliser au maximum les installations existantes et investir au minimum, tous les groupes capitalistes font cela. EDF, entreprise publique créée après-guerre pour fournir du courant bon marché à l’ensemble des industries, est devenue en 2004 une société anonyme, dont une partie du capital a été cotée en Bourse. Le monopole d’EDF pour la fourniture d’électricité a fait place au marché, obéissant non pas à l’intérêt de l’ensemble des capitalistes, mais à ceux des différents opérateurs privés et à la spéculation. Cela finit par poser tellement de problèmes au fonctionnement même de la société capitaliste que l’État a envisagé de la renationaliser.

Électrifier l’ensemble du parc automobile entraînerait une augmentation de 10 % de la consommation annuelle d’électricité en France, selon le gestionnaire du réseau RTE, avec des pics importants de consommation lors de la recharge des véhicules qui rentrent au domicile le soir. Autant dire que cela pose des problèmes non résolus pour l’instant.

Électrique rime-t-il avec écologique ?

Les avocats de la voiture électrique expliquent qu’elle ne rejette pas de CO2 en roulant, ce qui est incontestable. Mais le bilan carbone d’une voiture ne se jauge pas à sa seule utilisation : la production d’une voiture électrique émettrait deux fois plus de CO2 que celle d’une voiture thermique, du fait de l’énergie nécessaire pour la production des batteries (Reporterre, septembre 2020). Ensuite, en roulant, elle n’en émet pas… si l’on oublie que l’électricité produite dans le monde est à 60 % à base de combustible fossile. Le courant électrique est le principal émetteur de CO2 au niveau mondial. C’est dire que, si le CO2 n’est pas dégagé par la voiture, il l’a été dans la centrale électrique à fuel, à charbon ou à lignite.

Par ailleurs, le poids du véhicule ainsi que la taille des batteries influent nettement sur son bilan carbone. Certains gros SUV pèsent jusqu’à deux tonnes. Des batteries lourdes, comme celles d’une Audi e-Tron qui pèsent 700 kg – contre 305 kg pour celles d’une Renault Zoe – augmentent beaucoup la production de particules fines liées à l’usure des pneumatiques.

Reste aussi le recyclage des batteries qui n’existe quasiment pas, sans compter toutes les pollutions liées à l’extraction des métaux nécessaires à leur fabrication dans le monde et au travail des enfants dans les mines de cobalt au Congo. En Serbie, la population s’est révoltée contre un projet d’exploitation d’une mine de lithium par le trust Rio Tinto, projet finalement abandonné en 2022.

En fait, il n’y a pas d’énergie miracle. Toute source d’énergie pose des problèmes d’environnement ou de conditions de travail. La révolution industrielle a transformé le sous-sol de bien des régions en gruyère, avec l’exploitation charbonnière qui a fait mourir de silicose des générations de mineurs. L’extraction du pétrole a pollué des régions entières. Il en est de même des mines qui fournissaient à l’industrie les métaux dont elle avait besoin, ou l’uranium pour les centrales nucléaires. Mais à chaque fois, le choix de telle ou telle ressource s’est fait en fonction des intérêts privés des capitalistes.

Par exemple, si la France a longtemps été le pays du diesel, c’est parce que, dans les années 1970, la mise en service des centrales nucléaires avait entraîné une surproduction de gasoil dans les raffineries, du fait de l’arrêt des très nombreuses centrales à fuel. Un problème pour les trusts de pétrole, qui se retrouvaient avec du gasoil dont ils ne savaient que faire. Les pouvoirs publics ont alors fait le choix de favoriser fiscalement le diesel, ce dont les constructeurs, en particulier Renault et Peugeot, ont bien profité. Et tant pis pour la santé des populations !

Sous l’alibi de l’électrique, des suppressions d’emplois

Jusqu’à récemment, la plupart des patrons de l’automobile n’étaient pas favorables au tournant vers l’électrique. Ils préféraient continuer à s’enrichir avec leurs installations archi-rentabilisées. Carlos Tavares, PDG de Stellantis, pointait du doigt tous les défauts et problèmes que pose le passage à l’électrique. Mais face à ses concurrents sur le marché mondial, il s’est fait une raison et a obtenu des subventions conséquentes. Allié à TotalEnergies, Stellantis a créé en 2020 une société, Automotive Cells Company (ACC). Mercedes les a rejoints. Les trois sociétés détiennent maintenant chacune un tiers du capital d’ACC, qui va produire des batteries avec force aides de l’État et de l’Union européenne. Celles-ci concentrent près de la moitié de la valeur du véhicule, d’où l’intérêt des trusts pour ce genre d’usine !

Selon Les Échos, un demi-million d’emplois seraient menacés en Europe d’ici à 2040 par le passage à l’électrique, car une voiture électrique demande 40 % de main-d’œuvre en moins. Les emplois supprimés sont loin d’être compensés par la création d’usines de batteries, comme à Douvrin dans le Pas-de-Calais, et de moteurs électriques, comme à Trémery en Moselle. D’ailleurs, l’industrie automobile et les équipementiers suppriment massivement des emplois depuis des années, indépendamment de l’électrification. L’usine PSA-Stellantis de Sochaux produisait en 2021 le même nombre de voitures – 265 000 – qu’en 2000. Le nombre de salariés, toutes catégories comprises, a quant à lui fondu, passant en vingt ans de 23 036 emplois à 9 581. Accroissement des rythmes de travail, recours massif à la sous-traitance : les suppressions d’emplois sont le fruit pourri de l’exploitation capitaliste.

Les travailleurs n’ont aucune raison d’accepter de voir les emplois et les salaires attaqués au nom de la transition énergétique, face à des patrons de l’automobile gavés de profits et de subventions publiques. Maintenir tous les emplois ne peut se faire qu’en imposant la répartition du travail entre tous sans perte de salaire, en prenant sur les profits. Ceux de Stellantis culminent à 16,8 milliards d’euros pour 2022. Les actionnaires de Stellantis ont empoché 5,7 milliards sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Cela représente de quoi payer un salaire de 2 000 euros net, cotisations sociales comprises, à 118 750 salariés. C’est dire que l’argent ne manque pas. Carlos Tavares, qui a gagné pour l’an dernier 23,5 millions d’euros, soit 2 682 euros chaque heure de la journée, nuit comprise, en sait quelque chose.

Le profit, seul moteur des capitalistes

Toute activité humaine a des conséquences sur l’environnement. Les groupes de chasseurs-cueilleurs, quand ils avaient épuisé un territoire, se déplaçaient. Mais au 21e siècle, l’action de l’humanité sur son environnement entraîne des conséquences tout autres. Les activités humaines devraient être organisées rationnellement, en tenant compte de l’ensemble des problèmes qu’elles posent. Produire selon les besoins de l’humanité en respectant la nature, chose impossible dans le cadre d’une économie dominée par la logique du profit privé viscéralement opposée à toute planification, ne sera possible que dans une société libérée de l’exploitation, de la dictature du marché et du profit capitaliste.

Le protectionnisme, les frontières, le « produisons français » dressent entre les travailleurs des barrières qui font qu’au lieu de se considérer comme une seule classe internationale, chacun est appelé à se solidariser avec « son » patron, « son » entreprise. Au contraire, la seule manière de sortir l’humanité des catastrophes annoncées se trouve dans l’internationalisme que seule la classe ouvrière peut porter.

8 mai 2023

1Chiffres de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles, sur le site https://www.oica.net/production statistics. Pour 1950, il s’agit d’une estimation. Pour 2022, chiffre de l’IFP Énergies nouvelles https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/marche-automobile-mondial-se-redresse-en-fin-dannee

 

2Chiffres de https://www.transitionsenergies.com/combien-voitures-monde/

 

3Chiffres fournis par IFP Énergies nouvelles.

 

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