Élection présidentielle aux États-Unis : la classe ouvrière n’avait pas la parole18/12/20162016Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2016/12/180.jpg.484x700_q85_box-0%2C0%2C1383%2C2000_crop_detail.jpg

Élection présidentielle aux États-Unis : la classe ouvrière n’avait pas la parole

Nous traduisons ci-dessous un article de la revue Class Struggle (n° 91, novembre-décembre 2016), éditée par les militants trotskystes américains du groupe The Spark.

Donald Trump, qui a promis de créer 25 millions d’emplois, est président, remportant le vote des grands électeurs alors qu’il a perdu le vote populaire de peut-être deux millions de voix. Un certain nombre d’États qui votent souvent contre le parti du président en place ont voté républicain cette année : l’Ohio et l’Iowa, par exemple. Mais ce qui a assuré l’élection de Trump, ce fut la défection de trois États du cœur industriel qui ont longtemps été des pare-feu pour le Parti démocrate : le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie. Le Michigan et la Pennsylvanie n’ont soutenu qu’une fois un républicain lors des six précédentes élections ; le Wisconsin, pas même une fois.

Trump a remporté le Michigan avec une très faible marge, environ treize mille voix, moins de 0,3 %, sur les 4,8 millions de personnes qui ont voté à l’élection présidentielle dans cet État. La dernière fois, Obama a gagné avec 450 000 suffrages de plus, environ 9,5 %.

Douze comtés qui avaient voté précédemment pour Obama ont basculé vers Trump. Tous, à une exception près, sont des comtés qui ne sont pas particulièrement prospères. La plupart sont des comtés où les usines ont fermé, et beaucoup sont des comtés ruraux appauvris. À une exception près, leur population est très majoritairement blanche, avec une grande proportion de travailleurs. Le passage d’Obama à Trump dans un seul de ces comtés, Macomb, avec environ 64 000 voix d’écart, couvre plus que largement la marge de victoire de Trump.

Dans le même temps, les comtés de Wayne, Genesee et Saginaw, traditionnellement des comtés démocrates avec de larges proportions de travailleurs noirs et hispaniques, ont connu une baisse de participation par rapport à 2012. Il y eut 48 632 votants en moins dans ces comtés, à comparer avec la marge de 13 000 voix de ­Trump pour l’ensemble de l’État. À Saginaw, où la participation est tombée de 66 % à 60, le vote a même basculé en faveur de Trump, avec une très faible marge.

Des schémas similaires ont pu être observés en Pennsylvanie et dans le Wisconsin, où Trump a gagné avec des marges très faibles. En 2012, le comté d’Erie en Pennsylvanie, où est basée une énorme usine de General Electric, a donné à Obama une avance de 16 %, plus qu’il ne lui fallait pour remporter l’État dans son ensemble. En 2016, Trump a remporté ce même comté de 2 %. Le Wisconsin, que Trump a remporté simplement par 27 000 voix, a connu une grande baisse de participation, les plus fortes baisses venant des secteurs de Milwaukee qui sont majoritairement noirs.

Le traditionnel pare-feu ouvrier du Parti démocrate s’est effondré. Si seulement ces trois États, le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie, étaient restés démocrates, Clinton aurait aussi remporté le vote des grands électeurs, et donc la présidence. Mais des résultats semblables se sont produits ailleurs : simplement, ils n’apparaissaient pas avec une telle évidence.

Trump a conservé la plus grande partie de la base habituelle du Parti républicain parmi la population aisée et les chrétiens fondamentalistes. Mais, mis ensemble, ils sont loin d’approcher la majorité de l’électorat. Trump a gagné à cause d’un basculement de l’électorat ouvrier. Il est important de rappeler que, même si c’était plus fortement un glissement des travailleurs blancs vers Trump, il a aussi recueilli le soutien d’une petite partie des ouvriers noirs, et d’une proportion un peu plus grande d’ouvriers hispaniques.

Alors, la question qui se pose est : qu’est-ce qui a amené ce changement chez les électeurs de la classe ouvrière ?

Huit ans de présidence Obama : la continuation de Bush

Il y a huit ans, Obama a été élu, et beaucoup de travailleurs avaient placé leurs espoirs en lui. La nation était prise dans une crise financière liée aux prêts immobiliers, qui avait décimé de vastes quartiers de grandes villes et fait tituber les banques. L’économie productive avait chuté.

Pendant huit ans, Obama a agi pour atténuer la crise, en défendant les intérêts des banques, des entreprises, des grandes sociétés d’assurance et de la classe des riches qui les contrôle.

Les banques ont été renflouées de sommes énormes aux dépens des contribuables, ce qui a conduit à une expansion de la dette publique à un niveau auparavant inimaginable, qui a servi de justification à des coupes budgétaires et des restrictions dans les services sociaux, les services publics et l’éducation.

Les compagnies du secteur automobile ont été renflouées aux dépens des salaires et des emplois des ouvriers. Les conditions du renflouement exigeaient que les travailleurs de l’automobile lâchent d’importantes concessions sur les salaires et les avantages acquis, et que les usines « non rentables » ferment. Les changements drastiques opérés dans le secteur automobile ont ensuite été répercutés dans la plupart des autres secteurs industriels. En moins d’une décennie, les salaires dans l’industrie, jusqu’alors relativement élevés, sont devenus faibles.

Des écoles de quartier prenant en charge des enfants d’origine ouvrière ont été fermées, et des enseignants expérimentés poussés hors des quartiers pauvres, sous prétexte du programme d’essai, inspiré par les entreprises, mis en place par l’administration Bush mais poursuivi sous Obama. Ce programme était une sorte de cheval de Troie au sein de l’école publique, œuvrant à drainer l’argent destiné à l’éducation vers des comptes privés, et même à privatiser les écoles.

Les remboursements de la sécurité sociale ont stagné, sous l’œil vigilant du gouvernement fédéral, dont les statisticiens déclaraient qu’il n’y avait pas d’inflation, même quand les prix payés par les personnes âgées pour les soins médicaux montaient en flèche.

De jeunes hommes, à qui la société était incapable de fournir un emploi, étaient arrêtés, parqués dans des prisons suivant des programmes dits de « justice criminelle » qui transformaient de petits délits, voire des suspicions de délit, en crimes majeurs ; un programme qui a conduit à un extraordinaire niveau d’incarcération, jamais vu auparavant dans un pays prétendu démocratique. Cela a conduit aussi à l’augmentation des assassinats par des policiers de gens dans la rue, dont beaucoup, mais pas tous, sont noirs. Bien sûr, ce vaste projet d’incarcération n’a pas commencé sous Obama. Il remonte à George W. Bush, avant lui à Bill Clinton, et encore avant à Ronald Reagan. Mais Obama l’a poursuivi, et a jugé bon durant la plus grande partie de sa présidence de sermonner les hommes noirs, leur reprochant ne pas s’occuper de leurs enfants, ces mêmes hommes noirs condamnés à la prison par un système judiciaire qui échappe à tout contrôle.

Même les droits de la femme, que les démocrates ont prétendu défendre durant la campagne électorale, ont été mis en veilleuse pendant les huit ans de la présidence d’Obama, tout comme ils l’avaient été sous Bill Clinton. Si la plupart des attaques contre l’avortement sont venues d’États dirigés par des républicains, les démocrates ont peu fait pour s’opposer à cette offensive sauvage. Et la réforme de l’assurance santé d’Obama l’a légitimée. Il a pris soin d’exclure la couverture de l’avortement et a limité l’accès au contrôle des naissances, en particulier pour les adolescentes. L’argument avancé par les démocrates pour exclure l’avortement est typique des subterfuges démocrates : nous devons renoncer à l’avortement pour pouvoir faire passer le reste du programme. C’était en 2010, quand les démocrates contrôlaient non seulement la Maison-Blanche mais aussi les deux assemblées du Congrès, et ainsi auraient pu faire passer ce que voulait la direction démocrate.

Obama a présenté la loi pour l’accès à des soins abordables (Affordable Care Act) comme un programme permettant aux gens d’accéder aux soins. En fait, c’était un programme obligeant les gens à souscrire une assurance médicale auprès de compagnies privées, qui pour la plupart sont à but lucratif. Rien de surprenant dans tout cela, puisque le programme a été littéralement rédigé par des représentants des sociétés d’assurance et de l’industrie pharmaceutique, comme l’a reconnu par la suite l’administration démocrate. Certes, les gens dont les revenus étaient inférieurs à un certain niveau pouvaient demander une subvention. Mais cette subvention, en réalité, est constituée de versements aux sociétés d’assurance. Et elle ne couvre pas la large franchise associée aux contrats les moins coûteux, qui s’élevait à plus de 6 500 dollars par famille en 2015. Cela veut dire qu’une famille devait payer 6 500 dollars de sa poche avant que l’assurance ne commence à payer : c’est la raison pour laquelle beaucoup de gens n’allaient pas chez le médecin. Les franchises seules ont augmenté en moyenne de 63 % depuis que la loi « soins abordables » a été mise en place en 2011. En outre, les contrats abordables pour les gens sont souvent associés à un cercle très restreint de médecins ou d’établissements médicaux.

Finalement, les guerres américaines au Moyen-Orient et en Afrique ont été poursuivies et étendues, fournissant d’énormes profits aux industries de matériel militaire et de construction, sans même parler de la défense des intérêts des grandes compagnies pétrolières dans la région, mais en ponctionnant les crédits destinés aux services publics et à l’éducation. Ces guerres ont aussi eu pour conséquences la mort ou la destruction mentale et physique de beaucoup de jeunes gens qui se sont engagés dans l’armée pour échapper au chômage omniprésent auquel ils étaient confrontés.

Les politiques menées sous la présidence d’Obama ont été essentiellement la continuation des politiques mises en place sous la précédente administration républicaine de George W. Bush.

Hillary Clinton a promis durant sa campagne de « se fonder sur le progrès que le président Obama a réalisé » en développant l’économie.

Progrès ? Il est vrai que le produit intérieur brut a augmenté durant les sept dernières années et demie, et que la richesse a augmenté rapidement. Mais 95 % de l’accroissement des revenus durant les années Obama ont été accumulés par ces 1 % les plus riches, tandis qu’Obama a maintenu la plupart des politiques fiscales de Bush qui ont contribué à ce processus.

Oui, il y a des emplois, environ neuf millions de nouveaux emplois créés depuis 2009. Mais cette augmentation de neuf millions du nombre des emplois correspond pour la quasi-totalité à des emplois partiels, temporaires, ou à des emplois à plein temps avec de très bas salaires ou à des emplois pour des gens déjà bien nantis.

Même s’il y a eu une légère augmentation des effectifs des ouvriers d’industrie au cours des deux dernières années, il y a toujours aujourd’hui près d’un million et demi d’ouvriers d’industrie de moins que lors de la prise de fonctions d’Obama, et près de cinq millions de moins qu’en l’an 2000. La disparition de ce qui constituait la base de l’emploi dans le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin est ce sur quoi Trump a joué et rejoué pendant l’élection.

Obama et Clinton ont mis l’accent sur les améliorations régulières du taux de chômage officiel. Ils ont omis de mentionner dans leurs propos optimistes le fait que moins de gens en âge de travailler occupent un emploi aujourd’hui : moins de 63 %, contre 66 % quand Obama est entré en fonctions en 2009. Cette différence de 3 % représente 15 millions de personnes supplémentaires qui ont été exclues d’un marché du travail qui ne leur offre aucune issue. Au total, il y a maintenant 95 millions de gens qui sont en âge de travailler, mais qui ne travaillent pas.

Le revenu familial moyen continue de chuter en deçà de ce qu’il était il y a seize ans, en tenant compte de l’inflation. Le revenu de ceux qui n’ont pas de diplômes a chuté au plus bas.

Au lieu de prendre en compte la désastreuse situation à laquelle la classe ouvrière est confrontée, Clinton s’est contentée d’affirmer que « les choses s’améliorent ». Et cela a scellé le sort de cette élection.

Les choses s’améliorent ? Peut-être que c’était le cas pour ce que les démocrates appellent la classe moyenne libérale, c’est-à-dire la couche privilégiée des professions libérales, des professions artistiques, des résidents de la Silicon Valley, etc., sur laquelle a reposé la campagne de Clinton.

Mais pour la grande majorité de la classe ouvrière et pour les pauvres des campagnes, pour les petits commerçants et artisans, non, ce n’était pas le cas. Les choses ne vont pas mieux. Et bon nombre d’entre eux ont donné leur voix à Trump pour le faire savoir.

Un vote pour le changement ?

Le New York Times a cité un retraité de General Electric en Pennsylvanie qui a dit avoir voté Trump pour le changement. Il a ajouté : « C’est pour cela que j’avais voté Obama. Je pensais qu’il allait faire quelque chose. Il n’a rien fait. »

Les gens qui ont voté pour Trump ont peut-être cru ainsi faire un pied de nez aux banques, aux lobbyistes et à l’establishment, ils ont peut-être cru voter pour le changement. Mais ils votaient aussi pour autre chose : le racisme virulent, le mépris des femmes et la condamnation venimeuse des immigrés, que Trump a faits siens et banalisés. Peut-être certains d’entre eux ont-ils voté pour lui volontairement à cause de ces idées. Probablement, un plus grand nombre a pensé qu’ils pouvaient simplement ignorer cet élément fondamental de son message, parce qu’il parlait des emplois.

Mais Trump est une offre globale : un milliardaire, qui s’est vanté de tricher sur ses impôts ; un propriétaire de casino qui a recherché des travailleurs immigrés, forcés de travailler pour le salaire le plus bas ; un arnaqueur qui a monté une université dont le but était de vider les poches de jeunes travailleurs qui espéraient un meilleur emploi ; et un ignoble animateur qui s’est vanté de licencier des gens.

Croire que son objectif serait des emplois bien rémunérés, c’est refuser de voir ce qu’il a montré qu’il était réellement : un spéculateur véreux ne visant que son propre intérêt, un démagogue qui joue perfidement sur un préjugé après l’autre, comme moyen pour accéder à la Maison-Blanche, et un homme qui croit que son argent lui donne le droit de poser les mains sur n’importe quelle femme qu’il convoite.

Il n’y a pas d’autre moyen d’aller de l’avant pour les travailleurs que de s’organiser ensemble, d’affronter leurs problèmes de façon collective, de lutter pour le seul changement qui pourrait bénéficier à tous, à savoir : mettre la main sur l’argent qu’on leur a volé depuis des décennies sur le fruit de leur travail ; lutter contre la classe cupide dont Trump est un excellent spécimen.

Les mois qui viennent pourraient bien voir une progression de ces idées et de ces actes réactionnaires, mais ce n’est pas uniquement dû à Trump ou à sa campagne. Le même type de nationalisme d’extrême droite, lié au racisme sur lequel Trump s’est appuyé, est apparu dans presque toutes les sociétés prétendues avancées. Tous ces pays ont été frappés par la même crise économique qui a ravagé les États-Unis. Dans chacun d’eux, la classe capitaliste, cherchant à assurer son emprise sur les richesses de la société, a poussé à la division de la population laborieuse en segments ethniques isolés les uns des autres, et même opposés les uns aux autres, parfois violemment – une classe ouvrière affaiblie face à une attaque accrue de la part d’une classe capitaliste avide.

La situation n’aurait pas été meilleure aujourd’hui si Clinton avait été élue. Le fait qu’elle était prête à saluer en Trump le nouveau président, le fait qu’elle a appelé ses supporters à se rassembler maintenant derrière lui « pour le bien de la nation », montre exactement comment elle aurait agi en tant que présidente face à la montée du racisme. Elle aurait conseillé la patience à ceux qui s’y seraient opposés. Elle aurait demandé à son ministre de la Justice d’examiner ça, d’étudier ça, de faire des suggestions sur la manière de traiter le problème, tout en adressant des reproches à ceux qui ne veulent pas attendre.

Au sens premier du terme, cette élection de 2016 est marquée par une profonde démoralisation de la classe ouvrière, qui n’a pas trouvé le moyen de lutter pour ses propres intérêts au milieu de cette crise, qui n’a pas trouvé le moyen de rassembler et organiser ses forces depuis des décennies. Un vote pour Trump, dans l’espoir qu’il agisse à leur place, a été un signe de cette démoralisation, mais c’était aussi le cas du vote pour Clinton, qui n’a fait que promettre un peu plus de continuité.

Rénover Le Parti démocrate ?

Au lendemain de l’élection, une conférence de presse programmée par l’AFL-CIO a été annulée. « Tout le monde est abasourdi », a dit un dirigeant de l’USWA (syndicat de la métallurgie). Les sondages syndicaux ont montré que la moitié seulement des syndiqués, parfois moins, ont voté pour Clinton dans les swing states[1].

Et pourquoi tant d’eux ont-ils voté pour Trump ? « Cela fait trente ans qu’on se fait baiser par les deux partis, les démocrates et les républicains. Ils voulaient tenter leur chance avec n’importe quoi. » Ainsi s’est exprimé le dirigeant du Conseil des syndicats du bâtiment de l’AFL-CIO, Sean McGarvey.

Richard Trumpka, le président de l’AFL-CIO, l’a confirmé : « Les électeurs des primaires et des élections générales ont délivré un message clair : Ça suffit. »

Caractérisant les résultats de l’élection comme « un rejet de la structure de pouvoir américaine », Robert Reich, qui a servi en tant que secrétaire d’État au Travail dans la première administration de Bill Clinton, a affirmé : « Il fut un temps où le Parti démocrate a représenté la classe ouvrière. Mais pendant les trois dernières décennies, le parti a été pris en main par des collecteurs de fonds basés à Washington, des quêteurs, des analystes et des sondeurs, qui se sont plutôt focalisés sur la collecte de fonds de campagne auprès de grosses sociétés et de dirigeants de Wall Street, et sur les suffrages gagnés parmi des ménages de la classe moyenne supérieure dans des banlieues décisives. »

Sam Riddle, un autre démocrate souvent cité en tant que consultant politique bien connu de Detroit, a dit ceci : « Les enfants de Detroit et de l’Amérique urbaine ont souffert de la négligence funeste du Parti démocrate, auquel nous avons aveuglément donné nos suffrages, qui ne nous ont rien valu en retour. […] Les démocrates ont eu ce qu’ils ont cherché, et maintenant nous devons reconstruire le Parti démocrate. »

Bernie Sanders, qui a mené une campagne des primaires qu’il a présentée comme une tentative de reprendre le Parti démocrate des mains de l’élite au pouvoir, a répété la même idée, cinq jours après l’élection de novembre : « Je suis issu de la classe ouvrière blanche, et je suis profondément humilié du fait que le Parti démocrate soit incapable de s’adresser aux gens du milieu d’où je viens… Je pense que beaucoup de gens ne croient pas que le Parti démocrate est à leurs côtés. Il faut que ça change. »

D’une façon ou d’une autre, ces démocrates de gauche proposent tous la même chose : transformer le Parti démocrate. Ils prétendent tous qu’un parti qui a défendu systématiquement des politiques dans l’intérêt de la classe capitaliste pourrait être transformé en un parti de la classe ouvrière. Tout ce qu’il leur faut, c’est une baguette magique et un bréchet[2] de la dinde de Thanksgiving !

Le Parti démocrate qu’ils dénoncent n’a pas émergé sous Bill Clinton et Barack Obama. Et la défaite cette fois-ci ne s’est pas simplement produite parce que Hillary Clinton n’a pas senti la douleur que les travailleurs ressentent. Le Parti démocrate a toujours été partie intégrante de cette structure du pouvoir. Et il a rendu son plus grand service envers la classe capitaliste en détournant la classe ouvrière et d’autres gens ordinaires de la mobilisation et de la construction de leurs propres organisations politiques, et c’est exactement ce que tous ces démocrates de gauche essaient de faire actuellement.

Un élément manquait dans cette élection, et dans tant d’autres si l’on remonte de près d’un siècle : la classe ouvrière n’a pas son propre parti, pas de moyen pour exprimer ses propres intérêts de classe. C’est le problème fondamental de notre époque. C’est à cela qu’il faut s’attaquer. La classe ouvrière a besoin de sa propre organisation politique : une organisation qui donnerait aux travailleurs une voix qui soit la leur, qui parlerait de leurs problèmes de leur propre point de vue de classe, qui proposerait des politiques fondées sur ce qui sert leurs intérêts et ceux de la majorité de la population, qui œuvrerait à construire et renforcer la solidarité humaine au sein de la classe ouvrière et des autres couches de la population, qui serait aux côtés des travailleurs dans les luttes qu’ils commencent à mener.

20 novembre 2016



[1]  Swing states : États indécis ou décisifs qui font basculer l’élection dans un sens ou un autre.

 

[2]  Le bréchet est traditionnellement cassé lors de la fête de Thanksgiving : celui qui a le morceau le plus long est censé voir ses vœux se réaliser !

 

 

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