Une correspondance entre le NPA et LO

Courrier du Nouveau parti anticapitaliste à Lutte ouvrière

Montreuil, le 19 avril 2022

Cher·e·s camarades,

Les résultats de l’élection présidentielle sont particulièrement inquiétants. Ils expriment à la fois un rapport de force dégradé et une polarisation, certes déformée par un mode de scrutin particulièrement antidémocratique, dans la situation politique, avec l’arrivée au second tour du pôle d’extrême droite (dont le total des voix dépasse celui de l’ensemble des candidatures de gauche) et du pôle néolibéral-autoritaire autour d’Emmanuel Macron. Un troisième pôle, autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, s’est également affirmé. Incarnant un réformisme renouvelé, il s’agit d’un positionnement plus radical que ce qu’incarnait le PS depuis 1983, ce qui est positif.

Pour autant, le tableau est plus que jamais inquiétant, et la victoire de l’extrême droite est désormais une possibilité sérieuse. Elle serait une catastrophe pour l’ensemble de notre camp social. Pour notre part, nous pensons que l’urgence de l’heure est que pas une voix de notre camp n’aille à Le Pen car il est vital que l’extrême droite soit battue dimanche, et c’est aussi la raison pour laquelle nous avons participé aux manifestations qui se sont tenues dans cet entre-deux-tours.

Ceci dit, si c’est Macron qui sort vainqueur dimanche, son programme de casse antisociale a déjà été annoncé, à commencer la mise en place de la retraite à 65 ans, s’appuyant sur un autoritarisme que l’on imaginera exacerbé, vu la pression exercée par l’extrême droite depuis plusieurs mois.

Nous devons donc nous préparer plus que jamais à l’affrontement, et pour cela à regrouper le monde du travail autour des résistances à construire et de mesures d’urgence. Cela passe, pensons-nous, par la construction de structures unitaires de coordination et de mobilisation. L’enjeu est d’obtenir enfin des victoires significatives pour changer le rapport de force en faveur de notre classe.

Par ailleurs, nous avons pu mesurer durant cette campagne autour de notre candidat, Philippe Poutou, en particulier dans les meetings, que beaucoup sont orphelin·e·s d’une perspective politique pour le monde du travail, d’une gauche de combat et d’une force politique à construire pour l’incarner.

C’est dans ce contexte que se préparent les élections législatives. Il y a un enjeu réel à limiter le nombre de députés d’extrême droite ou pro-Macron, et à ce que s’y affirme une rupture à gauche avec la ligne sociale-libérale, ce qui serait aussi une bonne nouvelle pour les luttes. C’est pourquoi nous sommes favorables à ce que des candidatures d’union existent pour faire face à la droite et à l’extrême droite, sur la base d’un programme de contestation du macronisme, de rupture avec les politiques bourgeoises et les logiques capitalistes. C’est la raison pour laquelle nous avons répondu positivement à la proposition de rencontre que nous a envoyée l’Union populaire il y a quelques jours.

Nous savons qu’en ce qui vous concerne vous ne partagez pas cette démarche. Pour autant il nous semble important que nous échangions ces prochains jours sur notre appréciation de la situation et des tâches pour les révolutionnaires, tant en ce qui concerne la construction des luttes que sur le terrain électoral. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de nous rencontrer rapidement.

Salutations anticapitalistes
Le Comité exécutif du NPA

La réponse de LO au NPA au sujet des élections législatives

Courrier adressé en réponse au NPA le 28 avril 2022

Chers camarades,

Nous avons bien reçu votre courrier du 19 avril nous proposant une rencontre. Vous êtes en cours de discussions avec l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon pour faire exister, lors des législatives, « des candidatures d’union (…) sur la base d’un programme de contestation du macronisme, de rupture avec les politiques bourgeoises et les logiques capitalistes. » Vous écrivez dans votre courrier : « Nous savons qu’en ce qui vous concerne, vous ne partagez pas cette démarche. » C’est le moins que l’on puisse dire.

Considérer le programme de Mélenchon « en rupture avec les politiques bourgeoises et les logiques capitalistes », il faut oser ! Et comment trouver positif l’avènement « d’un réformisme renouvelé et plus radical que ce qu’incarnait le PS depuis 1983 », quand on connaît les ravages qui ont fait suite aux illusions suscitées par l’élection de Mitterrand en 1981 ?

Nous marchons depuis toujours sur des chemins séparés. Cela s’est vu clairement dans cette campagne présidentielle, où vous vous êtes refusés à toute critique sérieuse de l’ancien ministre et sénateur PS Mélenchon, défenseur de l’industrie de défense française et du Rafale. Et après le premier tour, vous avez expliqué qu’il fallait « que pas une voix de notre camp n’aille à Le Pen car il est vital que l’extrême droite soit battue dimanche », autrement dit, vous avez appelé à voter Macron.

Vous vous présentez comme « la gauche de la gauche », avec le projet de « reconstruire une vraie gauche » pour surfer à la fois sur les déçus de la gauche gouvernementale et sur les aspirations unitaires. Nous cherchons à construire un parti ouvrier communiste révolutionnaire, totalement indépendant des directions réformistes.

Si vous avez continué de dénoncer, même sous une forme édulcorée, le piège du réformisme et de l’électoralisme pour les travailleurs, si vous n’êtes jamais entrés dans une majorité gouvernementale, c’est que la situation ne s’était pas présentée. Aujourd’hui, La France insoumise de Mélenchon, parti vierge de compromission parce qu’il n’a jamais gouverné, est en situation de réaliser l’objectif que vous vous êtes fixé : « reconstruire une vraie gauche ». Votre participation à cette entreprise ne nous étonne donc pas.

En ce qui nous concerne, nous restons sur notre ligne politique et, plutôt que de cautionner une opération de rafistolage du réformisme, nous annoncerons, dans les prochains jours, notre présence aux législatives dans toutes les circonscriptions de la métropole, pour défendre le « camp des travailleurs ». Dans la continuité de notre campagne présidentielle, nous y affirmerons la nécessité pour le monde du travail de s’organiser pour défendre ses intérêts de classe, et pour renouer avec le combat contre le capitalisme, avec l’objectif ultime de mettre fin au pouvoir de la bourgeoisie.

Nous mesurons la gravité de la situation. Si la poussée de l’extrême droite reste, pour l’heure, sur le terrain électoral, elle n’en constitue pas moins un encouragement pour tous les individus et groupes fascisants, qui ont nombre de relais et de cadres potentiels dans l’appareil d’Etat, dans la police et l’armée. Loin d’être une protection, la réélection de Macron sera peut-être, pour certains d’entre eux, un motif supplémentaire pour passer à l’action directe, contre des immigrés, des travailleurs, des militants de gauche.

Ce sera vrai quelle que soit la composition de l’Assemblée nationale. Imaginons que votre souhait soit exaucé, c’est-à-dire qu’il y ait une arrivée en masse de députés de la « gauche radicale », comme vous avez choisi de l’appeler, ce ne serait pas le début de la victoire, mais le début de l’affrontement avec l’extrême droite. Si vous preniez au sérieux vos avertissements quant à la menace fasciste, vous réaliseriez l’importance qu’il y a à combattre résolument les illusions électorales et démocratiques.

Prétendre, comme vous le faites, que l’élection d’un nombre important de députés de cette gauche pourrait entraîner une dynamique de mobilisations relève de la méthode Coué. Mélenchon lui-même répète à l’envi que voter pour lui et son parti évitera d’avoir à lutter ! C’est là tout le piège du système politique bourgeois, qui consiste à substituer le combat électoral au combat de classe.

Nos divergences sont évidentes, sans être nouvelles. Elles sont ancrées dans les désaccords que nous avons sur le type de parti à construire et son rôle dans un contexte révolutionnaire.

Nous vous laissons donc à vos pourparlers avec l’Union populaire et nous vous proposons de débattre de la situation et de nos politiques respectives, publiquement, lors du débat prévu au moment de notre fête de Presles, c’est-à-dire samedi 28 mai. Ce sera l’occasion de revenir plus largement sur nos divergences.

Nous n’espérons pas vous influencer, surtout dans cette période de recul politique et de droitisation de toute la vie politique. Nous continuerons donc chacun sur la voie que nous nous sommes choisie. Pour l’heure, ni vous ni nous n’avons pu faire la démonstration de la validité de notre démarche politique. L’histoire ne nous a pas départagés devant le seul témoin possible : les masses exploitées.

Salutations révolutionnaires,
Le Comité exécutif
de Lutte Ouvrière