Allemagne : après seize ans, la fin de l’ère Merkel

Qui va succéder à Angela Merkel ? Elle se retire, mais la CDU, son parti, reste à la chancellerie après les élections du 26 septembre : tel était jusqu’à récemment le scénario le plus probable. Aujourd’hui, avec l’impopularité croissante du candidat de la CDU (Union chrétienne-démocrate) et la baisse continue de ce parti dans les sondages, l’issue est ouverte, et on ne connaîtra sans doute pas le nom du nouveau chancelier au soir de la publication des résultats électoraux. En Allemagne, aux législatives chacun dispose de deux voix : on vote pour un candidat local et aussi pour une liste présentée par un parti. Si après les élections il ne se dégage pas de majorité claire, les partis arrivés en tête négocient, les députés élisant ensuite parmi eux le futur chancelier, dont l’élection est donc indirecte. Dans le contexte actuel, le mode scrutin ajoute à l’incertitude.

Un paysage politique éclaté

Le paysage politique est toujours plus émietté, ce qui se reflète aussi dans le nombre croissant des partis se présentant aux élections. Si la presse se concentre sur trois ou quatre d’entre eux, au total pas moins de quarante partis ou groupes présentent des candidats ! Dans un premier temps, la commission électorale fédérale n’avait d’ailleurs pas autorisé le Parti communiste allemand (DKP) à se présenter aux élections, lui reprochant de ne jamais envoyer ses rapports d’activité annuels aux dates prévues.

Le DKP fait peu de voix, n’ayant jamais dépassé 0,3 % depuis 1968, mais il a toujours été présent aux élections législatives en Allemagne de l’Ouest (sauf entre 1956 et 1968, puisqu’il était interdit). Cette décision a donc créé un peu de remous, le DKP l’a contestée et a finalement été autorisé quelques semaines avant les élections à présenter des candidats.

Pour avoir des élus au Bundestag, le Parlement, il faut obtenir au moins 5 % des voix à l’échelle nationale. Six partis y sont actuellement représentés : Die Linke (La Gauche), les Verts, le SPD (sociaux-démocrates), la CDU/CSU (chrétiens-démocrates, parti de la chancelière, et son parti frère en Bavière), le FDP (libéraux) et l’AfD (Alternative pour l’Allemagne, extrême droite) qui a fait son entrée au Bundestag lors des élections de 2017.

Déjà lors de ces élections, une fois les résultats connus, les tractations entre partis pour former une coalition gouvernementale avaient pris plusieurs mois. Cela pourrait être encore plus long cette fois-ci. Avec trois partis estimés autour de 20 %, on peut en effet imaginer beaucoup de coalitions, y compris des gouvernements à trois partis, ce qui promet des négociations compliquées.

Selon les sondages, trois partis, CDU, Verts et SPD, se détachent donc. Pendant plusieurs semaines, les deux premiers arrivaient toujours en tête, à plus de 30 % des intentions de vote pour le premier, entre 20 % et 28 % pour le second. Usé par douze années de gouvernement avec Merkel, le SPD stagnait, plusieurs points sous les 20 %, d’autant qu’il ne s’est jamais remis du passage au pouvoir de Schröder, qui avait introduit les lois Hartz stigmatisant et appauvrissant brutalement les chômeurs.

Depuis les inondations meurtrières de juillet, le candidat de la CDU a dévissé de plus de dix points, et les courbes se sont rapprochées jusqu’à se croiser. Ce n’est pas que le SPD suscite des espoirs, mais les deux autres ont, chacun dans son genre, affiché tant de mépris et d’arrogance sociale qu’ils sont en brutale perte de vitesse.

Les inondations meurtrières rebattent les cartes des élections

Les pluies diluviennes de la mi-juillet 2021, provoquant crues et inondations spectaculaires, coulées de boues et effondrements de terrains, inconnus jusqu’alors sous nos latitudes, emportant villages, petites villes et des centaines de kilomètres de voies ferrées et d’autoroutes, ont causé en Allemagne la mort d’au moins 183 personnes.

En cause, le réchauffement climatique bien sûr, mais rapidement la question est également devenue politique. Ainsi, les routes n’avaient pas été barrées préventivement, la population des zones à risques a été prévenue beaucoup trop tard du danger, et nombre d’habitants ont été évacués en pleine catastrophe, des heures après avoir trouvé refuge dans les étages supérieurs sinon sur les toits des maisons. Les sirènes d’alerte étaient bien entretenues pendant la guerre froide, quand il fallait maintenir dans la population un sentiment de menace, mais quand leur usage se limita aux catastrophes naturelles, leur entretien fut considéré comme trop onéreux et elles ne fonctionnèrent tout simplement plus dans bien des endroits.

Mais le pire est le manque de personnel. La plus grande partie de la protection contre les catastrophes est portée, non par l’État fédéral ou par les Länder (États fédérés), mais par les communes et cantons, qui manquent cruellement de moyens, d’argent et de personnel. Parfois, ce personnel reçut l’annonce du danger qu’il était censé relayer par simples e-mails, faute de personnel, pour passer des appels d’urgence. Aujourd’hui encore, aucun candidat de parti gouvernemental ne propose de permettre aux communes l’embauche de personnel en nombre suffisant.

Dans ce contexte, le candidat de la CDU, Armin Laschet, également ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, land particulièrement touché par les inondations, s’est révélé dans toute sa splendeur. omniprésent sur les lieux de la catastrophe, visiblement plus soucieux de la pêche aux voix que de l’aide aux sinistrés. Il a été filmé hilare, dans une région dévastée, pendant un discours du président de la République (F.-W. Steinmeier, SPD) en hommage aux victimes. Cette séquence est très mal passée, et l’a encore fait dégringoler dans les sondages. Quand les médias parlent de faux pas ou de maladresses, beaucoup dans les couches populaires sentent qu’il ne s’agit pas de cela, mais d’une profonde indifférence et de mépris social.

Parmi les trois partis qui font la course en tête : la CDU

Cela étant, la baisse de la CDU/CSU dans les sondages a commencé avant même les inondations, dès le printemps, quand plusieurs de ses députés ont été pris dans des scandales de corruption : ils avaient touché des pots-de-vin sur la fourniture de masques chirurgicaux et FFP2 au printemps 2020, au moment où les masques manquaient cruellement partout. Mais depuis, avec la baisse des Verts, la dégringolade de la CDU et la montée du SPD, les deux derniers se trouvent au coude à coude, et un vent de panique souffle sur les députés de la CDU.

Celle-ci a d’abord eu bien du mal à se donner un candidat. Il faut dire que, même après seize ans au pouvoir, Merkel reste de très loin la plus populaire de tous les hommes et femmes politiques allemands. Mais le problème actuel de la CDU/CSU tient aussi à son hétérogénéité, tiraillée selon les régions et les courants entre différentes tendances, certaines franchement réactionnaires. Des dirigeants, à l’Est, se verraient bien gouverner, au niveau régional au moins, avec l’AfD. Pour eux, le cours « socialiste » de Merkel est une vision d’horreur. Dans son propre parti il lui est ainsi reproché, pêle-mêle, la fin du service militaire en 2011 et l’arrêt des centrales nucléaires après la catastrophe de Fukushima, l’introduction, pour la première fois en Allemagne, d’un salaire minimum interprofessionnel (2014), l’accueil des réfugiés bien sûr (2015), le mariage des couples homosexuels (2017), des mesures dont la plupart ne figuraient dans aucun programme.

Quoi qu’il en soit, tous les candidats à sa succession se positionnaient plus à droite qu’elle. Après divers rebondissements, sont restés en lice Armin Laschet et Markus Söder, ministre-président (donc chef de gouvernement) de Bavière ; Laschet l’a emporté.

Il se veut avant tout le représentant du monde économique, ce qui est devenu très visible dès le début de la pandémie. Laschet faisait toujours pression pour des réouvertures rapides, notamment des grandes surfaces, lorsque les chiffres épidémiques redescendaient, et était toujours lent à prendre des mesures de restriction en début de vague. Son gouvernement régional a tenté de faire passer au Bundestag un texte de loi visant à supprimer l’obligation de 11 heures de repos entre deux jours de travail, tout comme le maximum de 10 heures de travail par jour. De même, il a essayé de faire passer l’ouverture des magasins le dimanche. Et dans son programme électoral figurent entre autres le plafonnement à 25 % de l’imposition des bénéfices ainsi que la suppression d’un impôt sur les revenus payé uniquement par les 10 % les plus aisés.

Et si Laschet occupe par ailleurs un créneau moins ouvertement conservateur que son rival Söder, son plus proche conseiller, un certain Liminski, est un réactionnaire ultra-catholique, aux relents homophobes. Actuellement, pour parer à sa chute d’une quinzaine de points dans les sondages, Laschet et l’ensemble de la CDU/CSU jouent la carte du scénario apocalyptique : agitant le spectre du communisme, ils prophétisent un avenir terrible si une coalition « rouge » (SPD, Verts, Die Linke) obtenait une majorité de voix et arrivait au pouvoir.

Cela n’a pratiquement aucune chance de se produire, car l’anticommunisme ambiant empêcherait certainement que Die Linke participe au gouvernement fédéral. Mais, même si cela se faisait, pareille coalition n’aurait de rouge que le nom.

Une certaine renaissance du SPD

Ces menaces sont également peu crédibles car, depuis son élection en 2005, Angela Merkel a gouverné la plupart du temps avec le SPD (il y a eu juste une parenthèse entre 2009 et 2013, quand elle s’est alliée aux libéraux).

Et le candidat du SPD, Olaf Scholz, qui appartient à son aile droite, n’est autre que le ministre des Finances de l’actuel gouvernement Merkel. Il se présente d’ailleurs comme son véritable successeur, sinon son dauphin. Au printemps, Scholz déclarait, vu le montant des nouvelles dettes contractées dans le contexte de la pandémie : « Les promesses électorales sont limitées par des bornes étroites. » Aujourd’hui, le même essaie de se présenter comme héraut d’une politique sociale.

Aussi le SPD, loin de faire peur aux bourgeois, est-il usé par le pouvoir pour avoir participé à toutes les attaques, acceptant de continuer à fermer des lits et même des hôpitaux entiers en pleine pandémie, décidant encore récemment de nouvelles subventions pour l’industrie automobile, alors même que celle-ci affiche des bénéfices insolents et annonce un plan de licenciements après l’autre. Le SPD était considéré comme moribond, et plafonnait jusqu’à l’été à 12-13 % des intentions de vote. Seule la dés­affection vis-à-vis de la CDU et des Verts expliquent sa relative remontée actuelle (relative, car l’estimation reste en dessous de ses presque 25 % des élections de 2017).

Les Verts peinent à apparaître comme parti du renouveau

Le mouvement pour le climat (Fridays for future), important en Allemagne, a marqué la campagne. Fatigués du tandem CDU-SPD, nombre d’électeurs pensèrent accorder leur suffrage à la jeune candidate des Verts, Annalena Baerbock, qui vit ses sondages s’envoler. Mais cela fit long feu. Alors que Baerbock commençait à se rêver succédant à Merkel à la chancellerie, les sondages chutèrent brutalement lorsqu’elle se mit à faire campagne pour des augmentations spectaculaires de prix des vols low cost, et surtout des carburants et du chauffage. Cette arrogance a soulevé l’indignation dans les couches populaires, à un moment où, avec la pandémie, elles ont déjà perdu du pouvoir d’achat, tandis que les prix de l’énergie augmentent sensiblement. Malgré tout, les 17 % à 20 % accordés aux Verts selon les sondages représentent encore le double de leur score de 2017, qui était de 8,9 %.

L’essentiel du programme des Verts se résume à pousser encore plus loin la politique de la grande coalition : au nom de la transition écologique, augmenter encore les subventions aux grandes entreprises, en les faisant payer par la population. Plusieurs représentants du patronat les soutiennent ouvertement, parmi lesquels l’ancien PDG de Siemens (Kaeser) ou encore Menne, membre du conseil de surveillance de BMW et de Henkel. Le syndicat patronal de la métallurgie, qui regroupe notamment Daimler, BMW, Porsche, Continental et Bosch, leur a versé un don électoral conséquent.

Derrière l’image de gauche que les Verts tiennent malgré tout à conserver, leur programme contient bien des mesures antiouvrières, aggravant la flexibilité du temps de travail ou visant à accélérer la privatisation de la partie Transport des chemins de fer (celle qui rapporte, l’infrastructure restant étatisée). En politique étrangère, les Verts, qui en Allemagne passèrent longtemps pour pacifistes, sont aujourd’hui parmi les plus va-t-en-guerre vis-à-vis de la Chine et de la Russie.

Ils font clairement comprendre qu’ils sont prêts à gouverner avec à peu près tout le monde : SPD, CDU, FDP, Die Linke… peu importe, pourvu qu’ils gouvernent !

l’AfD

L’AfD est créditée dans les sondages de 11 % à 12 %, à peine en dessous de son score des dernières élections (12,6 %), quand elle fit une entrée fracassante au Bundestag.

Dès le printemps 2020 et à l’été, se voulant le porte-parole politique des manifestations contre les mesures sanitaires, contestant le danger voire la réalité même du Covid, l’AfD avait espéré augmenter son audience. Mais ce mouvement, qui regroupa au maximum 45 000 participants, fut peu à peu marginalisé.

Ces dernières années, l’AfD a poursuivi son évolution à droite, et son aile qui s’affiche ouvertement avec les néonazis a pu imposer ses vues à plusieurs reprises dans le parti. L’actualité a été marquée par des attentats et projets d’attentats d’extrême droite, divers scandales liés à la présence de groupuscules nazis dans l’armée et la police, un simulacre d’invasion du Bundestag en marge d’une manifestation ­contre les mesures sanitaires. Tout cela a fini par être contreproductif et a stoppé son ascension électorale, en tout cas à court terme. Et l’AfD a ouvertement été mise sous surveillance du renseignement. Elle est désormais perçue comme trop radicale par un certain nombre d’électeurs, qui s’en détournent.

Malgré tout cela, l’AfD a réussi à fidéliser un socle électoral notable.

Au départ, lorsque la candidate écologiste semblait pouvoir l’emporter, l’AfD concentra ses attaques contre les Verts. Ses candidats s’adressèrent aux milieux réactionnaires, mais essayèrent aussi de profiter de la colère que l’arrogance sociale des Verts provoquait dans une partie des classes populaires. L’AfD lança ainsi une campagne d’affiches, plagiat de celles des Verts, qui portaient des slogans tels que « Destruction de l’industrie, des emplois, de la prospérité » « Socialisme, mise sous tutelle, interdits » ou encore « Augmentation des loyers, des prix de carburant, explosion des prix de l’électricité ». Tous les slogans étaient signés « Conneries des Verts ». Ces attaques portent, même si jusqu’ici cela ne conduit pas à un vote massif en faveur de l’AfD.

Mais la situation en Afghanistan est devenue le principal sujet de campagne depuis la mi-août. L’AfD essaye naturellement de faire campagne sur le sujet. Mais CDU, SPD et FDP lui coupent l’herbe sous le pied en affirmant tous que, cette fois, il ne faut accueillir que peu de réfugiés, la plupart devant rester dans les pays limitrophes. Laschet a tout de suite mis les choses au point, expliquant, alors que parvenaient les images les plus dures de l’aéroport de Kaboul, que « 2015 ne devait pas se répéter ».

L’AfD réussit donc à peser sur la vie politique. Et bien évidemment, même s’il n’y a pas cette fois de nouvelle montée de son audience, le danger de l’extrême droite n’est en rien écarté.

Et Die Linke ?

Quant à Die Linke, la gauche dite radicale, les sondages la créditent d’un score autour de 7 %, également en baisse.

Dans son programme, elle se contente de se positionner toujours un peu à gauche du SPD : quand par exemple il revendique l’augmentation du salaire minimum à 12 euros de l’heure, Die Linke renchérit à 13 euros… Elle parle aussi de l’imposition des riches, de la lutte contre la pauvreté, du désarmement ou du changement climatique, sans proposer aucun moyen ni point d’appui pour aller dans ce sens. Et Die Linke participe aux gouvernements de plusieurs Länder, Brandebourg, Thuringe, Berlin et Brême, où elle met en œuvre les mêmes politiques économiques  que les autres exécutifs régionaux.

Ce parti est donc bien en peine de donner des perspectives, qu’il est en proie à des divisions internes.

Die Linke est nettement plus implantée, et électoralement plus forte, en ex-Allemagne de l’Est. Or, ces dernières années, l’AfD a en partie pris sa place en tant que porte-parole des colères de cette région défavorisée. En réaction, une fraction de Die Linke, organisée autour de ses deux dirigeants les plus médiatisés, Sahra Wagenknecht et Oskar Lafontaine, court derrière ses électeurs partis à l’AfD.

Ciblant autant les réfugiés que les travailleurs détachés, cette fraction a fini par se prononcer contre la liberté de circulation des migrants. Wagenknecht a même pris exemple sur Mélenchon, vantant ses succès en 2017. Elle est allée jusqu’à dénoncer la solidarité de son parti, Die Linke, envers les réfugiés comme rendant objectivement service aux intérêts des capitalistes, puisque cela leur permettait de baisser les salaires !

Une majorité de Die Linke s’indigne des propos de Wagenknecht et réfute ses propositions. Celle-ci a fini par publier un livre contre la politique de Die Linke et ses militants, tout en étant leur candidate principale en Rhénanie du Nord-Westphalie.

Tout cela ne peut qu‘inspirer résignation et dégoût dans les rangs des militants et électeurs de Die Linke. D’autant plus que s’y ajoutent les disputes permanentes entre diverses tendances, au point que le parti doive être représenté par deux porte-parole. L’un, Dietmar Bartsch, veut convaincre les Verts et le SPD qu’il n’y a pas de risque à gouverner avec Die Linke au niveau fédéral, et veut pour cela notamment abandonner dès maintenant le veto de principe contre toute intervention de l’armée allemande à l’étranger. L’autre, Janine Wissler, est censée représenter ceux qui veulent maintenir ces principes… au moins jusqu’aux éventuelles tractations pour former un gouvernement.

Wissler fit longtemps partie du courant Marx21 de Die Linke, une ancienne organisation capitaliste d’État (liée au SWP de Tony Cliff en Grande-Bretagne) qui se décrit elle-même comme « trotskyste non dogmatique » et avait choisi d’entrer en tant que tendance dans Die Linke. Marx21 put vanter la nomination de Wissler en tant que porte-parole de Die Linke comme signe du succès de sa politique entriste : Marx21 allait ainsi influencer la politique de Die Linke ! Évidemment, c’était l’inverse. Pour devenir candidate, Wissler dut quitter Marx21, renier ses origines et au bout du compte conforter la fable selon laquelle de bons partis pourraient réaliser au gouvernement une politique favorable aux classes populaires.

Du côté de la classe ouvrière

Les sujets qui affectent le plus la classe ouvrière, à savoir les licenciements et la baisse du pouvoir d’achat, sont complètement absents de la campagne des partis gouvernementaux, sauf à considérer quelques lieux communs et phrases générales. Tandis que les classes populaires sont confrontées à une hausse considérable du coût de la vie (augmentations des loyers, des prix des produits alimentaires, des carburants – même officiellement, l’inflation est de 3,9 %), les ténors politiques ne proposent bien sûr pas la moindre mesure pour y faire face. Des travailleurs de quelques secteurs, chemins de fer ou grande distribution, font grève pour que leur salaire suive au moins l’augmentation des prix. Quand des prétendants à la chancellerie évoquent ces mouvements, c’est pour les désavouer.

La crise économique, qui s’était déjà nettement accélérée en 2019, s’est encore aggravée depuis 2020. Rien que dans la métallurgie, 200 000 emplois ont été supprimés ces deux dernières années. Le nombre des demandeurs d’emploi n’ayant pas retrouvé de travail après un an de chômage a augmenté de 42 %, de même que le nombre de travailleurs pauvres (ceux dont le salaire est inférieur à Hartz IV, l’équivalent du RSA). Dans différents secteurs, par exemple la métallurgie, bon nombre d’entreprises ont profité de la crise pour baisser les salaires. Et bien des ouvriers licenciés de l’industrie ne retrouvent d’emploi que dans des secteurs beaucoup plus mal payés, comme la logistique ou la livraison.

Dans un pays où seule une minorité possède son logement, l’augmentation brutale des loyers frappe de plein fouet les classes populaires. Dans les cités, les loyers ont augmenté en moyenne de 30 % sur les six dernières années. À Berlin, depuis de nombreux mois, des manifestations de protestation rassemblent régulièrement des dizaines de milliers de participants, et une partie du mouvement revendique non seulement le plafonnement des loyers, mais aussi l’expropriation des requins de l’immobilier.

Toujours dans la capitale, il y a actuellement un mouvement de grève dans les hôpitaux publics. Alors que le gouvernement régional de gauche avait promis avant les élections régionales d’embaucher du personnel dans les hôpitaux et d’augmenter les salaires, il avait ensuite au contraire, comme dans toutes les régions d’Allemagne, continué à supprimer des services, voire des hôpitaux, même en pleine pandémie. Le personnel hospitalier s’est mis en grève pour obtenir par la lutte la réalisation des promesses électorales.

Avec la crise, les économies sur le dos de la population laborieuse et les attaques contre le monde du travail ne peuvent que s’aggraver. Quelle que soit la coalition gouvernementale qui finira par sortir des élections, la question principale pour la classe ouvrière est de se préparer à se défendre avec ses propres armes.

1er septembre 2021