Texte du discours d'Arlette Laguiller lors du meeting des listes LO-LCR, au Zénith à Paris, le 6 juin 200401/07/20042004Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2004/06/LdC_ete_2004.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Texte du discours d'Arlette Laguiller lors du meeting des listes LO-LCR, au Zénith à Paris, le 6 juin 2004

Travailleuses, travailleurs, camarades,

Aujourd'hui, autant sinon plus que jamais, on touche du doigt le fait que la société est vraiment divisée en deux groupes sociaux fondamentalement différents. D'un côté, il y a ceux qui dirigent l'économie, qui font et défont les emplois, qui pèsent par le biais du chômage sur les salaires et l'intensité du travail et qui dictent leur loi à toute la société - la loi du profit devant laquelle tout doit s'incliner.

D'un autre côté, il y a le monde du travail, ceux sans lesquels la société ne pourrait vivre et fonctionner.

Les ouvriers bien sûr, ceux qui produisent les biens matériels, ceux qui travaillent dans l'industrie. On dit qu'ils ont disparu - ce qui n'est pas vrai car ils sont toujours des millions, presque 20 % des salariés. Et aussi ces travailleurs sans emploi que sont les chômeurs. Et puis, il y a tous ceux qui vivent avec des salaires d'ouvriers, même s'ils font des tâches qui auraient été considérées il y a un siècle comme réservées à des intellectuels. Aujourd'hui, il y a des manoeuvres dans les bureaux, devant des claviers d'ordinateur.

Il y a des manoeuvres à l'Éducation nationale. En plus des enseignants, il y a tous les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service.

Dans les hôpitaux, il y a des médecins, bien sûr, mais aussi des infirmières, des aides-soignantes et tout le personnel ouvrier ou manuel sans lesquels les hôpitaux ne fonctionneraient pas.

Et puis, dans toutes ces petites entreprises dont on nous dit que c'est la " plus grande entreprise de France ", l'artisanat, combien y a-t-il d'ouvriers, qu'ils soient boulangers, plombiers, électriciens, livreurs, routiers ou réparateurs en tous genres ?

C'est tous ceux-là, le monde du travail !

C'est pourquoi, depuis toujours, lorsque je prends la parole, je m'adresse essentiellement à ce monde-là, sans les associer à leurs exploiteurs et aux profiteurs.

Et c'est pourquoi je vous dis encore aujourd'hui : " Travailleuses, travailleurs, camarades ".

Raffarin et Sarkozy ont fait marcher leur imagination pour rendre, ici en France, le mode de scrutin de ces élections encore moins démocratique que précédemment.

Officiellement, c'est un scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Proportionnel devrait signifier que le nombre de députés d'un courant politique correspond au nombre de voix qu'il recueille. Mais cela n'a jamais été tout à fait le cas car, dès le début, a été établi un seuil de 5 % en dessous duquel une liste n'a aucun élu même si, à la proportionnelle véritable, elle devrait en avoir trois ou quatre avec 5 %. Au total, pour peu que plusieurs listes n'atteignent pas les 5 % fatidiques, les opinions de plusieurs millions d'électeurs - peut-être 10 ou 20 % au total - ne seront pas représentées. Il suffit que cinq listes frôlent les 5 % et n'aient pas d'élu pour que presque le quart des électeurs soit écarté.

Et voilà qu'en plus, pour augmenter le quotient électoral, c'est-à-dire le nombre de voix nécessaire pour avoir un élu, le gouvernement a eu la riche idée de découper le pays en 8 circonscriptions. Elles n'ont rien à voir avec rien, mais tout est bon pour falsifier la représentation populaire sous le prétexte mensonger de rapprocher les élus des électeurs !

Ce qui est proprement comique s'agissant de la 8e circonscription qui regroupe les électeurs de tous les départements et territoires d'outre-mer ! Ainsi donc, les électeurs de Saint-Pierre-et-Miquelon, à côté du Canada, éliront les mêmes députés que ceux de Wallis-et-Futuna, à côté de l'Australie, à quelque 20 000 kilomètres les uns des autres ! Et comme l'ensemble des 9 départements ou territoires d'outre-mer n'a droit d'élire que trois députés, vous voyez comment ce système débile facilite la relation des électeurs avec les élus... Mentir à ce point-là devient de la franchise.

Derrière le prétexte invoqué, l'intention a été, évidemment, de garantir la représentation aux grands partis qui se relaient au pouvoir.

Chirac en a exprimé très clairement l'idée cette semaine, en se plaignant de la dispersion des députés européens entre trop de groupes alors qu'il faut défendre dans ce Parlement, dit-il, " les intérêts de la France ". Et de conclure en demandant aux électeurs " de prendre conscience (...) de la nécessité d'être bien représentés au sein des grands partis où se prennent les décisions au Parlement européen ".

C'est une variante nouvelle du " vote utile " si prisé des grands partis. Mais les " intérêts de la France " défendus par le parti de Chirac-Raffarin au Parlement européen sont les mêmes que ceux qu'il défend ici, en France, les intérêts du grand patronat, les profits des grands groupes industriels et financiers.

Dans les institutions européennes, comme dans les institutions nationales, les partis qui soutiennent le gouvernement Chirac-Raffarin sont cyniquement et ouvertement la voix du Medef.

Pourtant, n'oublions pas que le Parti socialiste, lorsqu'il était au pouvoir, a mené presque exactement la même politique, avec juste un peu moins de cynisme mais beaucoup plus d'hypocrisie.

Alors, dans ces élections européennes, comme dans les autres, les travailleurs n'ont pas à voter pour des partis qui sont les exécutants politiques des volontés du grand patronat !

La composition du Parlement européen ne changera pas fondamentalement le sort des travailleurs. D'une part, parce que ses pouvoirs sont limités. D'autre part, parce que l'essentiel des discussions du Parlement européen et les décisions qui y sont prises tournent principalement autour des affaires, des marchés, de la circulation des marchandises et des capitaux.

Le Parlement européen est un décor démocratique pour cautionner des décisions prises ailleurs. Il n'est élu au suffrage universel que depuis 1979. Pendant plus d'un quart de siècle, au moment précisément où le Marché commun se mettait en place, ses initiateurs se sont passés de la caution des électeurs.

L'Union européenne s'est construite sans même faire semblant de consulter les populations concernées. Elle s'est faite dans les tractations secrètes entre représentants politiques de trusts allemands, français, italiens, puis britanniques. Ces trusts avaient, tous, le même besoin vital de s'adosser à un vaste marché intérieur pour faire face à la concurrence internationale. Mais aucun ne voulait abandonner ses prérogatives et chacun voulait que les règles du jeu communes le favorisent.

L'Union européenne n'a pas été le fait d'idéalistes, inspirés par le désir de mettre fin aux guerres et de fonder les relations inter-européennes sur l'amitié entre peuples. Elle est l'oeuvre de banquiers, d'industriels, de marchands, obsédés par la concurrence et par la recherche de toujours plus de profits.

Non, l'histoire de l'Europe n'est pas ce conte de fées pour enfants crédules que racontent les hommes politiques les plus pro-européens. C'est une histoire de froids calculs et de sordides marchandages, où l'intérêt des peuples n'est pas entré en ligne de compte et n'a même pas été évoqué.

Et comment l'Union européenne pourrait-elle être plus démocratique que les États qui la composent ? Car, si l'Europe est l'Europe du capital, qui peut oublier que la France, c'est aussi la France du capital ? Et ceux qui croient ou prétendent que les politiques d'austérité imposées aux travailleurs viennent de Bruxelles, des institutions européennes ou de tel ou tel traité qui a jalonné leur histoire, ne font, consciemment ou non, que dégager la responsabilité de " nos " gouvernements et de " notre " classe de possédants.

Bruxelles ne prend aucune décision qui ne soit voulue, ou au moins avalisée, par les gouvernements nationaux, dont le gouvernement français. Et, par-dessus tout, ces gouvernements nationaux, comme la Commission européenne, ne sont que les commis du grand capital.

Oui, l'histoire de la construction européenne, c'est une histoire écrite par les groupes capitalistes et leurs représentants. C'est cette histoire qui continue aujourd'hui encore, même si le rôle du Parlement européen s'est un peu accru et si un nombre croissant de tractations se déroulent en public. Mais, pour avoir été présents pendant cinq ans dans ce Parlement, les députés sortants de Lutte ouvrière et de la Ligue communiste révolutionnaire peuvent témoigner que les députés sont surtout conviés à discuter des affaires qui concernent la bourgeoisie.

Sur des milliers de votes qui ont eu lieu, nous avons voté " pour " dans quelques centaines de cas, lorsque la résolution proposée allait un tant soit peu dans le sens de telle ou telle catégorie de travailleurs, de telle ou telle catégorie écrasée par la société, comme les handicapés, dans le sens des intérêts des femmes ou des opprimés. Nous avons en général soutenu des textes qui visaient à protéger même un peu la santé des êtres humains ou l'environnement contre le capitalisme sauvage.

Nous nous sommes associées à la défense, même modérée, des droits de l'homme, comme nous avons soutenu les chercheurs contre les blocages basés sur des préjugés réactionnaires.

Mais même là où il y avait des raisons de voter " pour ", nous avons dû presque toujours exprimer des réserves ou dénoncer des insuffisances. Nous avons voté contre tout ce qui était préjudiciable aux travailleurs. On nous a souvent accusées de voter contre tout, ce qui est un mensonge. Mais nous ne sommes pour rien dans le fait que la grande majorité des prises de position du Parlement européen concernait plus le marché que les hommes.

Ce n'est pas pour rien qu'au Parlement européen, s'il y aura à l'issue des prochaines élections 732 députés, ils y seront accueillis par plusieurs milliers de représentants accrédités des " lobbies " capitalistes, de ces groupes de pression chargés par une branche industrielle ou par un groupe capitaliste de convaincre, s'ils ne l'étaient déjà, les députés de " bien voter ", c'est-à-dire pour des intérêts privés.

Quant au reste, concernant les hommes et les femmes, leur vie, leurs emplois, leurs salaires, il en est rarement question. Et quand il en était question, il eût mieux valu que le Parlement ne légifère pas, en tout cas pas dans le sens dans lequel il a légiféré. Une des mesures-phare votées par le Parlement a été ce pas formidable dans le sens de l'égalité des hommes et des femmes qu'a été l'autorisation du travail de nuit pour les femmes, y compris dans l'industrie ou dans les secteurs où il n'y en avait aucune nécessité ! D'ici qu'au nom du droit des enfants, on en revienne à l'Angleterre du début du XIXe siècle faisant travailler les enfants de 10 ans, il n'y a pas loin.

La seule différence peut-être entre le fonctionnement du Parlement européen et celui de l'Assemblée nationale, c'est qu'au Parlement européen, les partis ne font même pas mine de s'affronter, entre une droite qui est ouvertement le porte-voix du grand patronat et une gauche prétendant se préoccuper des classes populaires. Ce n'est de mise que le temps d'une campagne électorale. Au Parlement européen, les grands partis cherchent le consensus.

Alors, il faut être persuadé que le seul vote utile dans ces élections, c'est de rejeter les représentants politiques des possédants, qu'ils soient ouvertement pour le patronat ou qu'ils se prétendent du côté des classes populaires.

Mais l'électorat populaire peut faire plus qu'exprimer le rejet des grands partis de gouvernement. En votant pour les listes LO-LCR, les électeurs voteront contre la droite qui les opprime aujourd'hui, et cela, sans remettre moralement en selle une gauche qui les a opprimés hier et qui se prépare à en faire autant demain. Ils se prononceront, aussi, sur des objectifs que les travailleurs ont intérêt à fixer, comme lors des indispensables luttes à venir pour se défendre.

Les coups portés aux travailleurs sont multiples et divers, mais l'objectif est le même : réduire la part des travailleurs dans la richesse produite pour accroître de plus en plus celle de la bourgeoisie.

On ne peut qu'être révolté lorsque les journaux financiers publient les revenus des gros actionnaires ou des PDG qui gèrent leurs affaires. On ne peut qu'être révolté à la fois par le montant mais aussi par la variation d'une année sur l'autre des augmentations à deux chiffres pour la plupart d'entre eux. Quand ce n'est pas l'augmentation de 146 % qu'Édouard Michelin, PDG en même temps que principal actionnaire de son entreprise, s'est accordée cette année ! Juste avant d'annoncer la suppression de 2 900 emplois !

Oui, on ne peut qu'être révolté par ces chiffres. Pas seulement par un sentiment d'injustice, mais aussi parce que la richesse de ces gens vient de la pauvreté des autres !

Toute l'économie fonctionne comme une immense pompe, prélevant sur le monde du travail ce qui se transforme en profit pour les entreprises et en fortune pour leurs propriétaires.

Cela se fait directement par l'aggravation de l'exploitation elle-même. Plus les salaires sont bas, du fait du blocage des salaires ou de la précarité, plus les profits sont élevés. Les licenciements collectifs, sous prétexte de compétitivité ou de délocalisation, aboutissent à faire le même travail avec moins d'ouvriers. Pendant que les uns sont jetés à la rue et privés de salaire, les autres doivent travailler plus, plus intensément. Faire crever les uns de misère, pendant qu'on fait crever les autres d'usure et de fatigue, voilà ce qu'il y a derrière la sécheresse des statistiques sur le profit !

Et après, on ose accuser les travailleurs de prendre des arrêts de travail parce qu'ils sont accablés de fatigue et de maux divers. Si les arrêts de travail ont augmenté, c'est parce que la fatigue au travail dépasse toutes les limites.

Au lieu de chercher à compenser un tant soit peu les injustices de l'exploitation, l'État les aggrave.

Au lieu de prendre sur les profits patronaux pour assurer une retraite correcte aux vieux travailleurs, on fait travailler plus longtemps pour une retraite amputée, afin de pouvoir consacrer une part plus importante du budget de l'État au patronat.

Au lieu de faire payer au grand patronat ce qu'il doit à la Sécurité sociale, on taxe les malades eux-mêmes en les accusant au passage de vouloir profiter de l'assurance maladie.

Au lieu d'aider les travailleurs poussés au chômage par les entreprises, on rogne l'allocation chômage pour pouvoir donner plus de subventions au patrons qui licencient.

Il ne faut pas les laisser faire !

Il faut les empêcher de nuire ! On ne peut pas laisser les conseils d'administration des grandes entreprises prendre, en fonction du seul profit, toutes les décisions économiques, c'est-à-dire en fait toutes les décisions concernant toute la vie sociale ! On ne peut pas laisser la spéculation boursière décider de l'emploi et de la vie des hommes.

Pour se défendre contre le chômage et contre la misère, le monde du travail doit contrôler les finances des grandes sociétés.

Mais il doit contrôler aussi leurs projets à long terme. Car il faut voir venir les mauvais coups, les projets de fermeture ou de délocalisation.

Il faut exproprier les entreprises qui font du profit et vont licencier quand même.

Ce ne sont pas les grands partis qui le feront.

Cela ne se fera pas non plus à travers les élections. Cela ne se fera que par la lutte collective des travailleurs, par des grèves, par des manifestations, par un mouvement embrassant des couches de plus en plus larges du monde du travail, par un mouvement qui fasse craindre au grand patronat de risquer de tout perdre s'il ne cède pas.

La manifestation d'hier a montré que les salariés n'acceptent pas les réformes proposées par Douste-Blazy. Cette manifestation était bien sûr nécessaire. Mais quel est le plan des syndicats pour la suite ? Que proposent-ils aux travailleurs ? Ce n'est pas une manifestation-alibi qui suffit pour redonner confiance aux travailleurs et les amener à faire pression sur le gouvernement jusqu'à ce qu'il cède et qu'il retire un projet inacceptable !

Oui, il faut des grèves, des grandes grèves, jusqu'à une grève générale, qui leur fassent peur et les fassent reculer sur toutes les attaques.

Pour cela, il faut que les confédérations syndicales aient un plan de mobilisation affiché publiquement. Il faut que les travailleurs puissent savoir jusqu'où la CGT, la CFDT, FO, SUD, l'UNSA, la FSU, sont prêtes à aller. Il faut que ces syndicats se servent de chaque étape de la mobilisation pour redonner confiance aux travailleurs.

Ce n'est pas quand une usine ferme qu'on peut se battre, c'est bien avant, c'est dès maintenant. Pour cela, il faut se fixer des objectifs qui changent réellement le rapport de forces entre la classe ouvrière et le grand patronat. Et l'objectif principal doit être de contester aux conseils d'administration des grandes entreprises le pouvoir dictatorial qu'ils exercent sur la société. Le pouvoir de produire ce qu'elles veulent, comme elles veulent, quand elles veulent et où elles veulent. Il faut contester leur pouvoir de licencier, leur pouvoir de fermer une entreprise ou de la délocaliser, sans même que les principales victimes de ces décisions en soient averties, sans même qu'elles puissent se défendre.

Et, pour tout cela, nous devrons faire pression sur les syndicats, sur les Bernard Thibault, François Chérèque et Jean-Claude Mailly. Nous devrons les mettre au pied du mur. Nous devrons essayer d'entraîner les travailleurs les plus conscients de cette nécessité, à leur demander, à exiger des comptes. S'ils prétendent que les travailleurs ne veulent pas agir, il faut nous inscrire en faux. Car, si cela est vrai, c'est parce que les dirigeants syndicaux, par leurs hésitations et parfois par leurs trahisons, n'ont rien fait pour convaincre les travailleurs que ce qui compte, c'est leur force, et pas les parlottes syndicales avec les ministres, qui débouchent toujours sur des accords néfastes.

Alors, dans ces élections, il faut rejeter les grands partis qui demandent nos suffrages pour n'obéir ensuite qu'au grand patronat. Mais il faut aussi se retrouver en se comptant sur un programme.

Voter pour les listes LO-LCR, c'est se prononcer contre la dictature du grand capital sur la société, en France comme en Europe.

C'est se prononcer pour l'interdiction des licenciements collectifs sous peine d'expropriation. Dans les grandes entreprises qui se prétendent en déficit, le maintien de l'emploi avec répartition du travail entre tous doit être assuré en prenant l'argent nécessaire sur les profits accumulés et, le cas échéant, sur la fortune privée des grandes actionnaires.

Voter pour les listes LO-LCR, c'est se prononcer contre la généralisation de la précarité et pour une augmentation de tous les salaires.

C'est se prononcer pour l'annulation de toutes les lois et décrets qui repoussent la durée de la cotisation pour la retraite et pour une retraite équivalente au salaire pour tous.

C'est revendiquer que le déficit de la Sécurité sociale, lorsque déficit il y a, soit intégralement payé par le grand patronat et en particulier par les trusts pharmaceutiques qui s'enrichissent en vidant les caisses de l'assurance maladie.

C'est se prononcer pour que plus aucune subvention ne soit versée au grand patronat et pour que l'argent public serve aux services publics, aux hôpitaux, aux maisons de retraite, aux transports collectifs, aux écoles, à la construction de logements pour les classes populaires.

Et ces élections européennes doivent servir aussi pour faire entendre une autre voix dans le concert de tous ces partis, dont les uns défendent l'Europe du grand capital et dont les autres fouillent dans les poubelles du passé de quoi alimenter un langage chauvin et xénophobe.

Passons sur la démagogie de l'extrême droite, variante châtiée à la De Villiers, variante vulgaire façon Le Pen ou variante café du commerce façon Pasqua. Mais tous se retrouvent autour de l'axe qu'il faut fermer l'Union européenne à la Turquie. Ils visent l'électorat de l'UMP. Ils le connaissent et ils savent qu'il y trouveront des oreilles complaisantes.

Tous les discours, de droite ou de gauche, affirmant que l'unification de l'Europe est un danger, à cause des délocalisations, disent les uns, à cause de l'afflux de travailleurs venant de pays de l'Est européen, disent les autres, sont doublement nuisibles. D'abord parce que ce sont des mensonges. Et surtout parce que c'est dresser les travailleurs des différents pays les uns contre les autres, au lieu de chercher à les unir pour qu'ils s'opposent, ensemble, aux groupes capitalistes qui les exploitent tous.

Les responsables des délocalisations, ce ne sont pas les travailleurs, ce sont ceux qui les décident, et ceux-là sont chez nous !

Alors, nous voulons faire entendre dans cette campagne électorale une autre voix, celle du mouvement ouvrier, celle de l'internationalisme.

Oui, l'unité de l'Europe, c'est l'avenir.

Nous, les communistes révolutionnaires, sommes même les seuls à souhaiter l'unification complète de l'Europe, d'un bout à l'autre du continent, sans exclusive. Nous sommes pour que disparaissent les frontières, les douanes, les barbelés, qui séparent les peuples, que disparaissent ces drapeaux que les dirigeants brandissent pour jeter les peuples les uns contre les autres.

Il y a un siècle déjà, le mouvement communiste parlait de la nécessité d'États-Unis socialistes d'Europe. Aujourd'hui, avec la multiplication encore plus grande des liens économiques, culturels, humains, entre les différents pays d'Europe, l'Europe elle-même serait trop étriquée si elle se repliait sur elle-même.

C'est dire que nous sommes opposés aux frontières dites de Schengen qu'on est en train d'élever autour d'une petite Europe. Le progrès, ce n'est pas enlever quelques barrières pour en dresser d'autres. L'avenir n'est pas aux isolements, il est à l'entente fraternelle entre peuples pour gérer en commun ce qui doit être géré à l'échelle du monde.

Le Parti socialiste a choisi pour thème de campagne l'Europe sociale. Mais qu'est-ce donc, leur Europe dite sociale ? La reproduction à l'échelle européenne de la France de Jospin ? Quel avantage y aurait-il donc à ce que le Parti socialiste soit un peu plus représenté au Parlement européen ? Quel avantage y aurait-il même à ce que le Parlement soit à majorité socialiste ? Il y a cinq ans, quand nous avons été élus au Parlement européen, 13 des 15 pays de l'Union étaient dirigés par les socialistes. Qui pourrait croire que l'Europe est devenue plus sociale pour autant durant ces années-là ?

Quelle que soit la majorité au Parlement, leur Europe se préoccupe infiniment plus du capital que du social !

Mais cet avenir-là, l'avenir d'une Europe totalement unifiée, cherchant à satisfaire au mieux les besoins de sa population, est incompatible avec la domination des groupes industriels et financiers. Même si leur Europe se réalisait, avec des institutions communes, avec une armée commune, avec une diplomatie commune, c'est-à-dire avec un État commun, ce serait, comme les États-Unis d'Amérique, un super-État protégeant les intérêts de sa bourgeoisie en opprimant ses propres classes laborieuses et en écrasant les peuples de la plus grande partie de la planète.

Alors, bien sûr, nous défendrons au Parlement européen un certain nombre de revendications immédiates, comme un salaire minimum unique à l'échelle de l'Union européenne, correspondant au salaire minimum le plus élevé aujourd'hui, comme l'alignement des protections sociales pour tous sur le pays d'Europe où elles sont les plus évoluées.

Nous nous élèverons aussi au Parlement européen contre toutes les restrictions à la circulation ou à l'installation des personnes à l'intérieur de l'Europe et nous revendiquerons les mêmes droits pour tous les travailleurs, qu'ils soient nés dans l'Union européenne ou qu'ils soient immigrés ! Nous nous opposerons aussi aux multiples survivances de pratiques rétrogrades à l'intérieur de l'Europe, comme l'interdiction de l'interruption volontaire de grossesse dans plusieurs pays, ou encore, parce que cela existe encore, l'interdiction du divorce !

Les institutions européennes pourraient jouer un rôle progressiste au moins dans quelques domaines. Elles pourraient balayer un peu la crasse réactionnaire accumulée, héritée dans certains pays d'Europe directement du Moyen Âge. Mais elles ne jouent pas ce rôle du tout. Issues d'une entente entre dirigeants, les institutions européennes sont tolérantes vis-à-vis de tout ce qui est réactionnaire et rétrograde. Comment l'Europe pourrait-elle jouer un rôle progressiste quand ses dirigeants, paraît-il éclairés, en sont à discuter gravement s'il faut donner à la religion chrétienne une valeur fondatrice pour l'unité européenne ?

Dans toutes les discussions au Parlement européen, nous prendrons position systématiquement pour les intérêts des travailleurs contre les intérêts patronaux. Dans les quelques rares discussions concernant les droits des travailleurs, nous défendrons ce qui unit les travailleurs des différents pays, en nous opposant à toutes les décisions qui peuvent les séparer ou les opposer les uns aux autres. Pour s'opposer à un capital qui agit à l'échelle internationale, il faut la solidarité internationale des travailleurs !

Et l'Union européenne, faite par et pour les possédants, peut se retourner contre eux. Car elle peut contribuer à redonner aux travailleurs de tous les pays d'Europe la conscience qu'ils constituent, à eux tous, une seule et même classe ouvrière ! Et même la petite Europe actuelle, avec ses 200 millions de travailleurs, peut redevenir la citadelle du mouvement ouvrier !

Au-delà des objectifs visant à unifier les travailleurs dans leur luttes pour se défendre et qui se situent sur le terrain de l'Europe telle qu'elle est, c'est-à-dire telle qu'elle a été partiellement unifiée dans l'intérêt des industriels et des banquiers, nous défendrons l'idée qu'une Europe véritablement unifiée et au service des peuples doit être débarrassée de la domination du grand capital. Dans notre siècle, la renaissance de la conscience communiste, la renaissance des luttes des travailleurs pour leur émancipation collective aura au moins pour cadre l'Europe.

Alors, travailleuses et travailleurs, aidez-nous à surmonter les barrages établis par le nouveau mode de scrutin pour nous empêcher d'avoir des députés au Parlement européen. Si les près de 3 millions d'électeurs qui ont voté, en 2002, pour Olivier Besancenot et pour moi-même, réitèrent leur vote, il y aura, malgré tous les barrages, des députés révolutionnaires au nouveau Parlement européen.

Mais presque autant que le nombre de députés, qui dépend plus du mode du scrutin que des électeurs, ce qui compte, c'est le nombre de voix qui se porteront sur les listes LO-LCR. Ceux qui se seront prononcés pour les objectifs que nous défendons dans cette campagne seront forcément une minorité. Mais c'est cette minorité qui comptera dans les luttes futures.

Alors, votez et faites voter pour les listes Lutte Ouvrière - Ligue Communiste Révolutionnaire !

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