Haïti - À l'heure du remplacement d'Aristide par le nouveau président Préval01/03/19961996Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1996/03/18.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Haïti - À l'heure du remplacement d'Aristide par le nouveau président Préval

L'élection présidentielle qui s'est déroulée en Haïti au mois de décembre 1995, dans l'indifférence générale, a abouti à l'élection de René Préval, un ancien Premier ministre d'Aristide. Ce dernier n'avait pas le droit de se représenter, en vertu de la constitution haïtienne qui interdit au président en exercice de se représenter pour un deuxième mandat dans le prolongement du premier. Il n'a pas pu, non plus, prolonger son mandat de trois ans, durée qu'il a dû passer en exil, chassé par le putsch militaire du général Cédras. Cette fois, la constitution n'y était pour rien : ce sont les dirigeants américains, dont les troupes ont permis le retour d'Aristide, qui ont obligé ce dernier à se contenter des deux ans effectifs qu'il a pu passer au Palais national, au lieu des cinq pour lesquels il avait été élu.

Le 7 février 1996, René Préval a donc pris la place d'Aristide en présence des représentants des puissances tutélaires, des États-unis en premier lieu. Ces derniers sont en droit de considérer qu'ils ont réussi la transition. Grâce à l'intervention massive de leurs troupes en septembre 1994, ils ont pu écarter sans difficulté Cédras et sa clique militaire corrompue, et remettre en place le président légal Aristide. Grâce à la collaboration d'Aristide, qui avait conservé un prestige certain dans les classes pauvres, ils ont réussi non seulement à éviter une explosion populaire, mais encore à réduire les masses au rôle de spectateurs passifs d'une "démocratisation" octroyée. Ils ont réussi à faire accepter pour une période transitoire - mais qui dure encore - la présence de troupes d'occupation, présentées par Aristide comme amies, alors que la raison principale de leur présence a été d'éviter que les masses pauvres cherchent à régler leurs comptes avec les exécuteurs des hautes et basses oeuvres de la dictature et surtout avec ceux qui les avaient commandités et financés. La présence d'Aristide à la présidence a enfin donné une onction - démocratique - à la nouvelle police, recrutée, mise en place, encadrée, entraînée par des militaires américains, et accessoirement français ou canadiens, créée pour se substituer à l'ancienne armée en voie de décomposition par suite de la corruption, des trafics et du commerce international de la drogue.

Cela fait, Aristide a rempli son rôle, et les États-unis ont préféré passer à la deuxième transition, prolongeant la première : remplacer l'ex-prêtre rouge, qui les a certes bien servis, mais que ses sursauts populistes et son crédit dans les masses pauvres rendent peu fiable. Là encore, l'opération s'est déroulée avec la caution d'Aristide, qui a fini par appeler à voter pour Préval, bien que du bout des lèvres et en laissant entendre qu'il le considérait comme un usurpateur.

Mais pendant que la presse internationale glose sur "le processus démocratique en Haïti" et souligne que c'est la première fois dans l'histoire d'Haïti qu'un président élu est remplacé par un autre, élu lui aussi, le sort des masses pauvres ne s'améliore en rien. Les hausses de prix provoquées par la spéculation rendent problématique la simple survie quotidienne pour une partie croissante de la population. Les quelques entreprises industrielles existantes demeurent fermées ou fonctionnent au ralenti car leurs propriétaires trouvent plus rentables le négoce et la spéculation. Dans les campagnes, on meurt de faim. La prétendue "aide internationale", de toute façon dérisoire, est détournée par une bourgeoisie, aussi vorace quand elle est petite que quand elle est grande, et le contraste est croissant entre l'aisance ou le luxe des différentes couches de la bourgeoisie et la misère des couches populaires.

Derrière la toute nouvelle façade démocratique, l'arbitraire et l'oppression règnent toujours dans les campagnes. Les notables - les grandons et leurs bandes armées, les chefs de section, les ex-militaires établis sur les terres des paysans... - font toujours la loi. Et dans les quartiers pauvres des villes, de nouvelles menaces se dessinent contre les masses pauvres avec la multiplication et le renforcement des gangs armés.

Les articles suivants, abordant ces questions, sont extraits du numéro 80 du 2 février 1996 de La Voix des travailleurs, publication de nos camarades de l'Organisation des Travailleurs Révolutionnaires (UCI) d'Haïti.

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