Election présidentielle : leurs campagnes et la nôtre01/04/20072007Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2007/04/104.png.484x700_q85_box-24%2C0%2C571%2C792_crop_detail.png

Election présidentielle : leurs campagnes et la nôtre

Douze candidats sont donc présents dans la campagne pour l'élection présidentielle du 22 avril. Pendant toute une période, les médias ne se sont occupés que du duel entre le candidat de l'UMP, Nicolas Sarkozy, et la candidate du PS, Ségolène Royal, les deux étant considérés comme qualifiés d'office pour le deuxième tour, le seul qui intéresse vraiment ces médias.

Ils continuent toujours à s'intéresser surtout au deuxième tour, à ceci près que la certitude d'y retrouver Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal s'est ébréchée avec la montée de François Bayrou dans les sondages.

Quelle est la signification de la montée de François Bayrou ? Y a-t-il d'ailleurs une montée réelle ou seulement un emballement momentané, simplement accentué par le petit jeu entre les sondages et la presse : le candidat montant dans les sondages attire davantage de commentaires dans la presse, ce qui, à son tour, le fait grimper dans les sondages ? Bien difficile de savoir pour le moment s'il s'agit de déplacements des intentions de vote ou de simples emballements. Il semblerait que François Bayrou exerce une certaine attraction aussi bien sur une partie de l'électorat de droite que, tout autant sinon plus, sur une partie de l'électorat socialiste.

Pour une partie de l'électorat de droite, plaide en faveur de François Bayrou sa qualité - si on peut dire - d'homme de droite. François Bayrou incarne politiquement et son parti, l'UDF, organisationnellement, ce courant qui a été représenté dans le passé par Lecanuet, puis Giscard, Raymond Barre et d'autres gens du même acabit.

François Bayrou lui-même a toujours fait partie de la majorité de droite lorsque celle-ci était aux affaires. Il a été ministre de l'Education nationale de Balladur avant d'être celui de Juppé. Il est donc parti lorsque Juppé a été écarté du pouvoir à la suite du mouvement de grèves de 1995 se concluant par la dissolution de l'Assemblée par Chirac.

Pendant les cinq ans de législature marqués par la domination de l'UMP et surtout par une politique particulièrement réactionnaire et particulièrement anti-ouvrière, François Bayrou et sa formation - réduite aux élus après le ralliement à l'UMP d'une bonne partie des caciques de son parti - ont voté les mesures les plus ouvertement anti-ouvrières des gouvernements Raffarin et Villepin. Et lorsque, tout en votant ces mesures, l'UDF de François Bayrou les critiquait, c'était parce qu'elle ne les trouvait pas assez radicales. C'est ainsi, par exemple, que tout en votant les lois Fillon contre les retraités, l'UDF reprochait au gouvernement de ne pas s'attaquer aussi aux cheminots ou aux travailleurs d'EDF-GDF. Quant à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'UDF en aurait souhaité le plafonnement.

C'est dire que, si François Bayrou a choisi de prendre son propre chemin, c'est par ambition individuelle ou collective de son parti, mais certainement pas par envie de rompre avec le reste de la droite. Ce qu'il pourrait d'autant plus difficilement faire qu'aux différents niveaux électifs des institutions de l'État, des conseils généraux aux conseils régionaux, l'UDF et l'UMP constituent un tissu inséparable. Et, plus important encore, l'UDF ne peut espérer avoir le nombre d'élus qu'elle a qu'avec le soutien au moins au deuxième tour de l'électorat UMP.

Sur cette base-là, le plus de François Bayrou est de passer pour un politique plus modéré, plus mesuré, que Nicolas Sarkozy. L'avenir dira si le choix stratégique de Nicolas Sarkozy de viser l'électorat du Front national avec un discours réactionnaire, copiant les slogans lepénistes, se révélera électoralement payant. Même si, au premier tour, l'électorat préfère « l'original à la copie », pour reprendre l'expression de Le Pen, il y a le problème de la mobilisation de l'électorat du Front national, au deuxième tour, en faveur de Sarkozy. Il se peut cependant que ce langage éloigne de Sarkozy la fraction la plus modérée de l'électorat de droite. En outre, Nicolas Sarkozy aura au moins réussi à attirer sur lui une telle haine dans certaines parties des classes populaires que l'électorat de la droite modérée peut estimer que, pour reprendre une expression employée dans une interview d'un petit patron dans Le Monde, « si Sarkozy arrive au pouvoir, on risque d'avoir six mois après des centaines de milliers de personnes dans la rue ».

François Bayrou semble cependant exercer une certaine attraction plus encore dans l'électorat de gauche ou, plus précisément, dans l'électorat du PS lui-même. Là encore, seule l'élection elle-même confirmera ou infirmera, par exemple, si cette composante importante de la base électorale du Parti socialiste que sont les enseignants est réellement attirée par le vote Bayrou.

Talonné sur sa droite par la montée de François Bayrou, le PS remet ça avec le vote utile. Ses dirigeants, François Hollande en particulier, vont répétant l'importance du premier tour pour assurer la place de Ségolène Royal au second tour. En somme, concurrencé sur sa droite, le PS voudrait bien faire taire tous ceux qui le critiquent sur sa gauche. Mais, ce faisant, il participe lui-même à l'évolution vers la droite dont le PS risque d'être la principale victime, en tout cas sur le plan électoral.

L'argument du vote utile, si fréquemment manié par le PS contre tout ce qui est sur sa gauche, se retourne contre lui. A en croire les sondages, aux yeux de la partie la plus modérée de l'électorat de gauche, François Bayrou a plus de chances de battre Nicolas Sarkozy au deuxième tour que Ségolène Royal. Blanc bonnet devient ainsi le meilleur moyen de combattre bonnet blanc. Mais il est vrai que les partis de gauche dans leur ensemble sont déjà entrés dans ce petit jeu, en 2002, lorsque, comme un seul homme, ils ont proclamé au deuxième tour de la présidentielle que, pour sauver la République et la démocratie, il fallait s'aligner derrière le sauveur Chirac ! A ceci près que, si l'on peut discuter des chances respectives de Nicolas Sarkozy et de François Bayrou en cas de confrontation au deuxième tour, en 2002 il n'y avait aucun risque que Le Pen soit élu, Chirac l'emportant largement avec les seules voix de l'électorat de la droite parlementaire.

La campagne d'Arlette Laguiller

Le seul sondage « valable » étant l'élection elle-même, on saura au soir du 22 avril ce qu'il en est de la partie triangulaire où se joue la participation au deuxième tour.

Pour notre part, c'est évidemment le premier tour qui compte. C'est pendant la campagne du premier tour que nous avons la possibilité de nous expliquer, de dénoncer la politique qui est menée et les raisons pour lesquelles elle est menée. Et ce sont les résultats du premier tour qui nous indiqueront quelle est l'importance numérique de cette fraction de l'électorat qui, en votant pour la candidature d'Arlette Laguiller, se sera prononcée pour les objectifs qu'elle défend pendant la campagne.

Ces objectifs se résument à ceci : les trois problèmes majeurs des classes populaires sont la persistance du chômage à un niveau inacceptable, la dégradation continue du pouvoir d'achat des classes laborieuses et l'état catastrophique du logement populaire. Ils nécessitent une solution urgente. Cette solution urgente exige une autre utilisation des profits élevés réalisés par les entreprises depuis plusieurs années. C'est sur les profits ainsi que sur les cadeaux accordés par l'État à fonds perdus aux entreprises qu'il faudrait prendre les sommes nécessaires pour financer le maintien des emplois dans le secteur privé et en créer de nouveaux, utiles à la population, dans le secteur public : dans les services publics déjà existants, mais qui diminuent leurs effectifs et remplissent de moins en moins leur fonction, comme dans les services publics à créer, en particulier dans le domaine de la construction de logements pour les classes populaires.

Rien qu'en supprimant toutes les aides directes et indirectes aux entreprises, que l'on peut estimer à quelque 100 milliards d'euros, complétées par le remplacement de l'actuel taux de 33 % d'impôt sur les bénéfices des sociétés par les 50 % en vigueur il y a une trentaine d'années, on mettrait à la disposition de l'État quelque 120 milliards d'euros (un tiers environ du budget de l'État, un peu plus d'un cinquième si on y ajoute les budgets des collectivités locales). Cette somme permettrait de créer des emplois utiles pour 500 000 personnes et de construire chaque année un million de logements sociaux. On pourrait ainsi surmonter en trois ans la crise du logement en mettant fin par la même occasion à la spéculation immobilière et en même temps assurer du travail à un demi-million de chômeurs.

Quant à l'augmentation des salaires, indispensable ne serait-ce que pour rattraper le pouvoir d'achat perdu au cours des deux dernières décennies, les entreprises diront évidemment que c'est utopique, car elles n'auraient pas les moyens de le faire. Mais qu'elles montrent donc leurs comptes pour que leurs travailleurs et la population puissent vérifier leurs dires !

Les profits sans précédent accumulés par les entreprises ne servent pas à des investissements réels, c'est-à-dire à la construction de nouvelles usines, à la fabrication de nouvelles machines, à l'élargissement des capacités de produire avec des emplois en conséquence. La raison essentielle de la crise actuelle de l'économie réside là. Au lieu d'élargir la base de la production, l'argent accumulé est de plus en plus financiarisé et ne sert qu'à ces faux investissements que sont les rachats d'entreprises les unes par les autres.

Incapables d'élargir le marché avec un taux de profit suffisant, le principal objectif des entreprises est de disputer aux autres leurs parts de marché. La compétition entre elles pour surenchérir les unes sur les autres entretient une spirale spéculative qui, par ailleurs, menace l'économie d'une nouvelle crise boursière ou monétaire.

La seule façon d'arrêter cette course à l'abîme est que les classes populaires, la population, imposent leur contrôle sur les entreprises, sur les choix faits par leurs directions. Il faut que la population puisse contrôler les entreprises au jour le jour, leurs finances, leurs stratégies, leurs choix, leurs projets à court et à long terme, afin de pouvoir s'opposer aux projets qui vont manifestement à l'encontre des intérêts de la société.

L'élection présidentielle, plus que tout autre élection, donne des moyens de toucher l'électorat populaire bien plus largement que d'ordinaire. Les idées qu'une organisation comme la nôtre développe et cherche à populariser tout au long de l'année, dans cette petite fraction du monde du travail que les moyens artisanaux permettent d'atteindre, peuvent être défendues à une échelle bien plus grande, malgré l'indifférence ou l'hostilité des médias et le filtre qu'exercent les journalistes eux-mêmes.

Ce que l'électorat populaire fera de ces idées, dans quelle mesure il exprimera son accord en votant pour la candidature d'Arlette Laguiller, dépend d'une multitude de facteurs qui nous échappent. En outre, même un certain degré d'approbation de nos idées ne se traduit pas nécessairement par des votes en faveur d'Arlette Laguiller. Il y a, par ailleurs, la crédibilité d'une petite organisation, et cette crédibilité ne s'acquiert pas uniquement à travers les élections.

L'écho que rencontrent, dans la population laborieuse, les objectifs correspondant aux intérêts politiques de la classe ouvrière ne dépend donc que très partiellement de nous. Mais les défendre le plus clairement possible, les populariser, cela c'est de notre responsabilité.

24 mars 2007

Rectificatif

Dans l'article intitulé « France : l'approche de l'élection présidentielle, paru dans le numéro 103 (mars 2007) de Lutte de Classe (page 2 - second paragraphe), les résultats électoraux ont été donnés par rapport au nombre d'inscrits et non par rapport à celui des votants.

Il faut lire : « Le mécanisme a joué ensuite pleinement contre le PC qui, d'élection présidentielle en élection présidentielle, est tombé de 21,27 % des voix en 1969 pour Jacques Duclos (alors que Gaston Deferre, candidat socialiste, en était à 5,01 %) à 3,37 % pour Robert Hue en 2002 (à côté de Jospin, dans les basses eaux pourtant, à 16,18 %). »

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