De reprise en récession, l'économie capitaliste en crise ruine la société01/07/19931993Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1993/07/55.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

De reprise en récession, l'économie capitaliste en crise ruine la société

Au cours des douze mois écoulés, la France s'est donc installée dans une nouvelle récession. La plus grave depuis la guerre. C'est à peu près la seule chose évidente dans la jungle des chiffres statistiques qui masquent la réalité plus qu'ils ne l'éclairent.

Le Produit Intérieur Brut - notion dans une large mesure fantaisiste, car elle mêle production de biens réels, services et activités spéculatives - aura baissé de plus de 1 % dans l'année. La production industrielle, elle, de 3,4 %.

La situation est similaire, voire pire, dans tous les pays d'Europe occidentale. Pour la première fois depuis 1975, le Produit Intérieur Brut de l'ensemble de la CEE sera en baisse en 1993. On ne sait pas encore très bien de combien. Mais le recul de la production industrielle au cours des douze derniers mois donne une indication : recul de 5,8 % en Italie, de 6,6 % en Espagne, de 11,3 % en Allemagne - dans cette Allemagne, censée pendant longtemps être un modèle et surtout un moteur pour toute l'économie de l'Europe ! Et si la Grande-Bretagne fait relativement bonne figure dans les statistiques de cette année, c'est qu'elle a largement anticipé sur les autres en matière de chute de la production industrielle au cours des années précédentes. Comme, à une autre échelle, les États-Unis eux-mêmes. Car c'est à partir des États-Unis, et accessoirement de la Grande-Bretagne, que l'actuelle récession, commencée en 1990, s'est propagée vers l'ensemble des pays, Japon compris.

Les faits parlent plus que les indices. Hausse brutale du chômage. Fermetures d'entreprises. Capacités de production considérables qui sont inemployées. Aggravation des inégalités et pauvreté croissante des masses ouvrières.

L'économie en est à sa troisième récession internationale en vingt ans. En d'autres termes, c'est la troisième fois pendant cette période que la production de biens matériels n'en est pas seulement à stagner, mais qu'elle recule franchement. En 1974-75, la production industrielle a reculé dans tous les grands pays industrialisés sans exception, d'un pourcentage s'échelonnant de 0,2 % pour le Japon à 7,7 % pour les États-Unis. En 1980-1982, nouveau recul international de la production avec une chute de 9 % pour les États-Unis.

Cette fois, après avoir été les premiers à plonger en 1990, ce sont les États-Unis qui s'en sont sortis avec le moins de dégâts et plus vite que les autres (et, dans une large mesure, au détriment des autres). Mais personne n'ose vraiment pronostiquer que l'économie américaine tirera en avant le reste de l'économie mondiale, au lieu de finir par être elle-même tirée en arrière.

Et entre ces périodes de franc recul de la production, il y a eu les alertes monétaires, financières ou boursières : la crise boursière de 1987 qui a fait passer un moment le spectre du Jeudi Noir 1929 dans le monde de la finance ; ou tout récemment, la tempête monétaire commencée en septembre 1992 qui s'est prolongée par secousses spéculatives pendant plusieurs mois, avec une série de dévaluations en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, etc., et qui a démoli au passage ce Système monétaire européen laborieusement mis en place pendant des décennies et qui devait conduire à l'unification des monnaies européennes.

Chacune des récessions, même prise isolément, a représenté un immense gâchis pour la société. Un recul de 7 % ou de 9 % de la production industrielle aux seuls États-Unis représente quelque chose de colossal. Les États-Unis à eux seuls concentrent sur leur sol une part importante de la production industrielle de la planète. Une baisse de 9 % de cette production représente un recul des forces productives de l'humanité au moins aussi important que si, par suite d'une catastrophe planétaire, la production d'un continent entier comme l'Afrique ou encore celles du Brésil et de l'Argentine réunies, étaient complètement englouties. Mais il ne s'agit pas d'une catastrophe planétaire. Il s'agit du fonctionnement "normal" de l'économie capitaliste.

Une autre comparaison mérite d'être faite à ce propos. La bureaucratie en déliquescence est en train de conduire ce qui fut l'URSS vers une véritable débâcle économique (sans même parler des aspects politiques et sociaux de cette débâcle). Étant donné cependant les capacités de production industrielle respectives des États-Unis et de l'URSS, la chute de la production industrielle de l'URSS en 1992 - estimée à 20 % environ - représente un recul du même ordre dans la production industrielle mondiale qu'une année "d'anodine récession" aux États-Unis en 1980-82. Et - pour le moment en tout cas - avec un taux de chômage très nettement inférieur. Cela ne rend, bien entendu, en rien meilleure la gestion de l'économie par la bureaucratie en déliquescence. Mais cela devrait clouer le bec à tous ceux qui voient dans l'effondrement en cours de l'économie planifiée la justification du capitalisme - si quoi que ce soit pouvait les faire taire. Même à l'agonie, soumise au pillage effréné d'une caste bureaucratique débarrassée de tout contrôle, l'économie planifiée n'est pas pire que la triomphante économie de marché...

Mais le gâchis économique, social, humain ne se résume pas au franc recul de la production des trois périodes de récession internationale. L'ensemble de ces vingt dernières années, au-delà des fluctuations entre récessions et reprises, constitue une longue période de crise rampante.

Cette crise est due en dernier ressort, comme toutes les crises de l'économie capitaliste, à ce que le développement du capital s'est heurté, à partir d'un certain moment, au caractère limité du marché, c'est-à-dire de la consommation solvable. Le marché n'était plus en expansion pour assurer le maintien et l'accroissement du taux de profit. Voilà pourquoi depuis vingt ans, l'histoire économique comme l'histoire politique sont dominées par les efforts du grand capital aidé par la politique des États, en vue de rétablir et d'accroître le taux de profit, d'une part en limitant l'essoufflement des marchés par des artifices - commandes d'État, politique de crédit facile, etc. - et d'autre part, en réduisant la part de la classe ouvrière dans les revenus nationaux.

Ces efforts en eux-mêmes, qui ont conduit dans un premier temps à une hausse globale du taux de profit dont a profité l'ensemble de la bourgeoisie, ont des conséquences désastreuses pour la classe ouvrière, mais aussi pour l'économie. Quant aux artifices utilisés pour revigorer des marchés essoufflés, comme les expédients inventés pour faire face aux difficultés particulières d'un moment donné - menaces d'effondrement bancaire ou de crise boursière notamment - ils ont laissé dans l'économie autant de bombes à retardement qui n'ont pas fini d'exploser.

Par delà les fluctuations momentanées, toute l'économie mondiale a été marquée en profondeur par ces vingt années de crise rampante. Nombre des traits les plus néfastes de l'économie capitaliste ont été aggravés, nombre de ses contradictions exacerbées.

L'économie d'endettement

Rarement dans le passé la classe capitaliste a eu autant besoin de l'État ou, plus exactement, de ses finances, qu'en cette période de "libéralisme" triomphant, de déréglementation et de "capitalistes, enrichissez-vous !". Les dépenses des États ont joué partout un rôle majeur pour permettre à la classe capitaliste de compenser son manque à gagner du fait de la stagnation des marchés. Le déficit croissant des finances publiques en est partout la contrepartie. La récession actuelle a encore accéléré les choses. En Europe, les déficits publics se sont brusquement aggravés entre 1990 et 1992, passant par exemple, même dans l'ensemble des pays considérés comme monétairement stables - Allemagne, France, Benelux - de 3,1 % du Produit intérieur à 4,7 %.

Au moment des négociations du traité de Maastricht, il n'y a pas si longtemps, les dirigeants de la CEE ont annoncé présomptueusement une future monnaie européenne commune. Parmi les conditions posées aux États pour pouvoir faire partie d'une éventuelle Union monétaire, il y avait celle de contenir le déficit public à 3 % du Produit intérieur. Plus un seul des États européens n'est aujourd'hui dans cette situation - le seul Luxembourg, minuscule paradis fiscal européen, mis à part. Le déficit du budget avoisine le double de ce pourcentage en France, le dépasse en Belgique et atteint près du triple en Italie ou en Grande-Bretagne. C'est que sans les injections de l'État dans l'économie, sans les multiples formes d'aides à la classe capitaliste, sans tous les dégrèvements sur les impôts, les dépenses sociales, etc. qui sont autant de manque à gagner pour l'État, le capital ne pourrait pas réaliser le taux de profit qu'il réalise.

Mais cela signifie, aussi, que la charge et le niveau de la dette publique s'accroissent partout, inexorablement, non seulement en valeur absolue, mais aussi en pourcentage de la production. Les pays riches sont en passe d'atteindre et de dépasser les pays pauvres quant à leur niveau d'endettement. C'était déjà le cas des États-Unis, un des États les plus endettés du monde, pas seulement en valeur absolue, mais aussi en valeur relative. Mais les États-Unis ont de multiples moyens pour faire partager leur propre dette à d'autres, profitant du fait que leur monnaie est la monnaie internationale. Aujourd'hui, l'endettement de la Belgique ou de l'Italie dépasse toute leur production intérieure d'une année, et celui de l'Irlande ou même des prospères Pays-Bas ne sont pas loin d'en faire autant.

Et comme bien des États des pays pauvres, les États impérialistes eux-mêmes en sont réduits à emprunter simplement pour pouvoir payer le remboursement et les intérêts des dettes accumulées du passé. Comme bien des États de pays pauvres encore, ils en sont réduits à mettre à l'encan et à tenter de vendre les entreprises des secteurs nationalisés, propriétés de l'État.

Que signifie ce montant sans précédent de la dette publique partout dans le monde ?

Sur le plan économique, il reflète le parasitisme du capital. Les intérêts croissants payés par les États à leurs créanciers représentent une source de revenus de plus en plus importante pour la classe capitaliste. C'est aussi une source de revenus confortable : ces Messieurs les capitalistes n'ont même pas à se donner la peine d'investir dans la production et de se soumettre aux aléas du marché. Le capitalisme accentue son caractère usurier.

La dette publique ne rapporte qu'à la classe capitaliste. De ce seul fait déjà, et même si le financement de cette dette publique par le biais des impôts ou de l'inflation était correctement réparti entre toutes les couches de la société, l'endettement croissant des États avantagerait la classe capitaliste. De surcroît, la bourgeoisie est bien moins frappée que les classes populaires par les impôts sur la consommation, par l'inflation, sans même parler des dégrèvements fiscaux officiels et des multiples formes de fraudes, sport prisé par tout capitaliste normalement constitué.

Mais le poids croissant de la dette publique pèse sur la société encore d'une autre manière. Le paiement des intérêts de la dette est en passe de devenir un des principaux postes budgétaires dans la plupart des États. Mais l'accroissement de ce poste-là signifie inévitablement des coupes claires dans les autres. Voilà pourquoi les équipements collectifs régressent et toutes les formes de services publics - éducation, soins, etc. - se dégradent même dans les pays impérialistes les plus riches. Voilà pourquoi les systèmes de sécurité sociale cèdent la place aux systèmes de garanties payantes pour les couches aisées, et à la charité, privée ou institutionnalisée, pour les autres.

La demande d'argent croissante des États pour faire face à leurs échéances tire vers le haut les taux d'intérêt. C'est aujourd'hui un des principaux facteurs qui incitent les capitaux, qui répugnent de toute façon à aller vers les investissements productifs, à se tourner vers la finance.

Cette finance qui étrangle la production

Un des traits permanents des vingt dernières années de crise rampante a été d'accentuer l'importance du capital financier par rapport au capital industriel. La saturation des marchés, c'est-à-dire de la consommation solvable, a détourné les capitalistes des investissements productifs. La crise pétrolière, première phase de la crise présente, exprimait déjà la réaction des trusts pétroliers devant le ralentissement de l'expansion du marché pétrolier. Au lieu de chercher à augmenter la quantité vendue, ils ont choisi, au contraire, de freiner la production, de réduire les investissements, de procéder à des hausses brutales des prix et de faire plus de profit en vendant moins. Les capitaux accumulés grâce à cette recette, les fameux pétrodollars, ont été à l'origine du premier et brutal gonflement des masses d'argent en quête de placement que le système bancaire s'est mis en devoir de "recycler" sous forme de prêts. Les placements avantageux inventés par le système bancaire pour ces capitaux-là attirèrent à leur tour d'autres capitaux. La finance ouvrait devant les possesseurs de capitaux des perspectives d'enrichissement plus intéressantes qu'une production industrielle essoufflée.

Depuis, de crise en crise, de vague spéculative en vague spéculative, ces sommes n'ont pas cessé de s'accroître, d'alimenter un système financier mondial de plus en plus sophistiqué, de plus en plus hypertrophié, et, après avoir été un des sous-produits de la crise, d'en devenir un de ses plus importants facteurs de prolongation.

Détournées de la production, ces sommes ne vivent plus pour l'essentiel que pour et par les opérations financières et les spéculations de toutes sortes. Une anticipation réussie sur la dévaluation d'une monnaie par exemple, ou sur la réévaluation d'une autre, peut rapporter en quelques jours, voire en quelques heures, un bénéfice considérable. Mais plus les capitaux qui anticipent le changement du taux d'une monnaie sont importants, moins c'est de la simple anticipation. Les capitaux spéculatifs sont tellement importants qu'ils ne se bornent plus seulement à anticiper sur les futures dévaluations ou réévaluations : ils les provoquent.

La spéculation monétaire n'est sûrement pas le fait du petit industriel ou du notable de province passant subrepticement la frontière, la valise bourrée de billets - si tant est que cette image d'Epinal ait jamais eu un rapport avec la réalité. Même au temps des contrôles de change, les multinationales avaient une infinité de possibilités, parfaitement légales, de spéculer (ne serait-ce qu'en retardant ou en avançant le rapatriement de l'argent de leurs ventes ou de leurs achats à l'étranger). Mais depuis quelques années, c'est la déréglementation. La circulation des capitaux n'est soumise à aucune règle, à aucun contrôle.

L'entière liberté pour les capitaux de circuler - en tous les cas entre grandes puissances impérialistes et grandes places boursières de la planète - alors même que les frontières nationales subsistent, comme subsistent les monnaies nationales, est une des contradictions majeures du système financier de notre époque. Les possibilités de spéculation que cela offre constituent à la fois une des grandes sources de bénéfice pour le capital financier - mais en même temps, la raison principale des tempêtes monétaires qui, périodiquement, font vaciller tout le système.

Dans un article récent, évoquant le "chahut monétaire" de septembre 1992 qu'il qualifie "d'un des moments les plus dévastateurs de l'histoire du capitalisme depuis 1945", un article du mensuel Le Monde Diplomatique souligne qu'il "avait pour source un dualisme du capital financier, des sommes de plus en plus importantes filant vers les placements à court terme. Plus de 1 000 milliards de dollars sont échangés chaque jour sur les marchés internationaux, à comparer avec les réserves de changes des pays du G7 (les sept principales puissances impérialistes - NDLR) : entre 250 et 300 milliards de dollars. Or, le capitalisme financier peut, s'il le désire, jeter sur les places jusqu'à 600 milliards de dollars".

Entre le 17 et le 22 septembre 1992, en cinq journées seulement d'intense spéculation contre le franc, les réserves en devises de la Banque de France sont passées de + 143 milliards de francs à -23 milliards. Voilà la somme que la Banque de France a dû débourser pour racheter les francs dont les spéculateurs voulaient se débarrasser, en misant sur la baisse de sa parité. La Banque centrale allemande a dû venir au secours de la Banque de France. Le franc n'a finalement pas été dévalué, les spéculateurs n'ont rien gagné - rien perdu non plus. Mais ils venaient d'encaisser de substantiels bénéfices sur la livre anglaise et la lire italienne.

Autant dire que les États ne font pas le poids face à un mouvement spéculatif massif. D'autant moins que, contrairement aux balivernes auto-justificatives des gouvernements impuissants, ces sommes ne se mobilisent pas par l'intermédiaire d'un grand nombre de spéculateurs. L'article ci-dessus mentionné souligne que "les marchés monétaires sont de plus en plus concentrés géographiquement" - New York, Londres, Tokyo pour l'essentiel - "et entre les mains de colosses. Les dix plus importants opérateurs de devises de Londres ont en 1992 accaparé 44 % du marché contre 35 % en 1989"(seulement trois ans plus tôt !).

C'est dire la puissance de ces "opérateurs" financiers.

Et leur nuisance pour l'économie ! Car ce qui est bon pour la finance - taux d'intérêt élevés, "argent cher", brutales variations des taux de change qui rapportent gros - est mauvais pour l'industrie. Les taux d'intérêt élevés n'incitent pas à emprunter à sa banque pour investir. Les variations intempestives des taux de change rendent plus aléatoires les gains sur les ventes ou les achats à l'étranger.

La contradiction entre les intérêts de l'industrie et ceux de la finance ne reflète pas l'opposition entre deux catégories de capitalistes. La spéculation n'est pas le fait des seules grandes banques ou des officines spécialisées. Elle n'est même pas le fait seulement de ces grandes compagnies d'assurance, de ces "investisseurs institutionnels", fonds de pension ou caisses de retraites privées, qui détiennent des portefeuilles de plusieurs milliards de "produits financiers" et qui ont donc un poids suffisant non seulement pour profiter des mouvements spéculatifs, mais pour les provoquer. Elle est tout autant le fait des grandes entreprises qui, dans leurs activités productives ou commerciales, brassent des quantités colossales d'argent et disposent toujours de volants importants d'argent frais (sommes mises de côté pour les investissements ou les achats futurs, paie des salariés, etc.). Le placement financier, directement ou par l'intermédiaire du système bancaire, est une activité ordinaire pour les entreprises industrielles ou commerciales.

Voilà pourquoi les banques rivalisent d'autant plus dans l'invention de nouveaux "produits financiers" que la production de produits industriels stagne. Ces "produits financiers" vivent leur propre vie, de plus en plus détachée de la vie réelle et de l'activité productive. Les banques drainent vers elles-mêmes et transforment en capital financier une fraction croissante du capital industriel. Elles concentrent aussi ce que les statistiques appellent pudiquement "l'épargne des ménages" - l'argent de la bourgeoisie petite et moyenne. A travers les achats d'une grande variété de "produits financiers", les ruisseaux de cette "épargne" -là se transforment en capital financier, à la disposition du grand capital.

Jusqu'à présent, ce système a permis à l'ensemble de la bourgeoisie, y compris à ses couches les plus modestes, de participer au grand pactole des spéculations financières. Une frénésie de placement saisit périodiquement les classes moyennes qui, dans l'espoir de gains faciles, ont été successivement attirées vers les diverses formes de spéculation individuelle : monétaire, boursière, immobilière, etc. Quelques déconvenues aidant, comme le début de crise boursière de 1987 qui a enterré les rêves de fortune rapide d'un certain nombre de petits-bourgeois, lesdits "ménages" sont devenus plus prudents en matière de spéculation individuelle. Qu'à cela ne tienne : les banques ont eu vite fait d'inventer la spéculation collective. En France, cela prit la forme de ces SICAV monétaires dont la raison d'être fondamentale est de mettre l'argent de tous ceux qui veulent des placements sans trop de risques à la disposition de la finance.

Ce "collectivisme" en matière de spéculation a été une des formes concrètes au travers desquelles de larges couches bourgeoises ont pu puiser dans la cagnotte des profits de la bourgeoisie. Ce fait-là a permis, soit dit en passant, que de larges couches de la petite bourgeoisie aient pu maintenir jusqu'à présent un niveau de consommation qui a plus ou moins relayé la consommation de la classe ouvrière et en a masqué la grave diminution. Mais rien ne garantit que cela durera. Le grand capital s'est contenté jusqu'à présent de prélever sur la classe ouvrière. En cas de nécessité pour le maintien de ses profits, il ne sera pas tendre non plus pour la petite bourgeoisie ou pour les classes moyennes le cas échéant.

Dégradation des conditions d'existence de la classe ouvrière

La prédominance croissante de la finance sur l'activité productive ne change rien au fait fondamental que c'est en produisant des biens matériels que la classe ouvrière produit en même temps la plus-value appropriée par la classe capitaliste. Le maintien, voire l'accroissement du profit sur la base d'une production stagnante et par moments en recul, signifie une exploitation accrue de la classe ouvrière.

Même les années dites de prospérité qui ont précédé la crise n'ont pas réduit mais au contraire accru l'écart entre la bourgeoisie et la classe ouvrière. L'amélioration toute relative du niveau de vie de certaines couches de la classe ouvrière a cependant pu masquer ce fait, et donner un semblant de fondement à toutes les balivernes sur les bienfaits du progrès économique pour toutes les classes de la société. La crise a définitivement enterré sinon les illusions, du moins, tout prétexte pour les appuyer. Là encore, au-delà des fluctuations conjoncturelles, l'ensemble des vingt années de crise a conduit partout à un abaissement considérable de la part de la classe ouvrière dans le revenu national.

Pour les États-Unis par exemple, on estime que le pouvoir d'achat des travailleurs les moins qualifiés a été abaissé de 30 % au cours des vingt dernières années. Au fur et à mesure de la prolongation de la crise, les couches les plus protégées ou les plus privilégiées de la classe ouvrière ont été entraînées dans ce mouvement à la baisse. Aucune des catégories vivant du seul salaire n'est plus à l'écart : la bourgeoisie est en train de piétiner le niveau de vie même des cadres de ses entreprises.

Sans effondrement brutal de la production, comme lors du début de la grande dépression des années trente, le chômage est devenu, progressivement, le fléau le plus grave de ceux qui frappent la classe ouvrière. Dans certains pays comme les États-Unis le niveau du chômage suit, dans une certaine mesure, les fluctuations de la production, avec par moments des reculs du nombre de chômeurs (encore faut-il se méfier des statistiques de la bourgeoisie à cet égard). Mais dans la plupart des pays d'Europe, en France en particulier, le chômage augmente inexorablement, non seulement dans les périodes de récession, mais même dans les périodes dites de reprise. Le résultat de cette évolution est catastrophique : dix-neuf millions de chômeurs officiellement recensés - la réalité est sans doute plus proche des 30 millions, si l'on compte ceux qui n'ont qu'un travail temporaire ou précaire - dans la seule CEE, dans la partie riche de l'Europe. Cela représente 12 % de la population active, avec un sommet de 20 % (l'Espagne).

Cette tendance permanente à l'augmentation du nombre de chômeurs implique l'accroissement du nombre de ceux qui sont en chômage de longue durée. Une partie croissante de la classe ouvrière est définitivement écartée de la production.

Depuis vingt ans qu'elle dure, la crise présente n'a connu à aucun moment - du moins, pas encore - un effondrement aussi brutal de la production que les premières années de la grande dépression commencée en 1929. Le recul de la production est - là encore, pour le moment en tout cas - sans commune mesure avec celui des années 1930-32, durant lesquelles la production industrielle des États-Unis par exemple baissa de 50 %. Néanmoins, ce qu'en écrivait Trotsky à propos du chômage semble avoir été écrit pour les temps présents. "L'armée actuelle des chômeurs ne peut plus être regardée comme une armée de réserve, parce que sa masse principale ne peut plus espérer trouver du travail ; au contraire, elle est destinée à se gonfler d'un flot constant de nouveaux chômeurs. La désagrégation du capitalisme a engendré toute une génération de jeunes gens qui n'ont jamais eu d'emploi et qui n'ont pas d'espoir d'en trouver. Cette nouvelle sous-classe, entre le prolétariat et le semi-prolétariat, est forcée de vivre aux dépens de la société... Un régime social qui est ravagé par un tel fléau est mortellement malade."

Le coût du chômage en argent public - c'est-à-dire les sommes versées pour les allocations chômage et pour les différentes formes d'aide - est de l'ordre de 325 milliards de francs en France. C'est déjà une somme importante. Mais le coût véritable, le coût social, est incommensurablement plus grand. Il représente la mise à l'écart forcée d'une fraction considérable de la capacité de produire et de créer de la société. Un mécanisme aussi absurde qu'implacable transforme des femmes et des hommes capables non seulement de produire ce dont ils ont besoin mais d'enrichir la collectivité, en assistés vivant "aux dépens de la société."

Crise et concentration des richesses...

Paupérisation croissante d'un côté, concentration croissante de la richesse de l'autre : toutes les crises de l'économie capitaliste conduisent à une concentration du grand capital. La crise actuelle a considérablement accru la mainmise sur l'économie d'un nombre restreint de groupes financiers.

La première raison qui pousse à la concentration est générale à toutes les crises à l'époque de l'impérialisme, c'est-à-dire d'un capitalisme déjà dominé, et depuis presque un siècle, par des grands trusts. Malgré leur puissance, ces trusts n'ont pas le pouvoir de conjurer la crise, pas plus que les États. Ce n'est d'ailleurs pas leur problème. Mais ils se servent de leur puissance, de leur poids financier, de leurs avantages technologiques, de leur influence politique pour conquérir, pour asseoir, pour renforcer des positions dominantes sur un ou plusieurs marchés. Une position de monopole permet le jeu qui a été celui des trusts pétroliers : faire face à la saturation du marché avec une politique malthusienne ; limiter la production mais augmenter les prix. La recherche de positions de monopole devient un impératif.

La deuxième raison qui pousse à la concentration, plus particulièrement dans la crise présente, réside justement dans le volume des capitaux financiers. Sur des marchés déjà saturés, le véritable investissement productif, celui qui consiste à utiliser ses capitaux pour bâtir de nouvelles usines, faire fabriquer de nouvelles machines, embaucher des travailleurs supplémentaires, n'attire guère les groupes financiers. Au cours des dernières années, seules quelques productions nouvelles, promettant d'ouvrir des marchés nouveaux, ont donné lieu à des investissements nouveaux au sens véritable du terme (bien entendu, même les secteurs anciens sont amenés à renouveler et par la même occasion à moderniser leur matériel, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici). Mais l'électronique ou l'informatique n'ont pas pu, à elles seules, mettre fin à la stagnation ambiante, même si elles ont pu permettre l'émergence spectaculaire de quelques nouveaux venus dans le club fermé des grands trusts.

Acquérir en revanche des entreprises déjà existantes a de quoi charmer les grands groupes financiers. Une judicieuse politique d'achats-fusions a conduit un certain nombre de grands groupes à renforcer des positions de monopole. En rachetant des entreprises déjà existantes, on rachète en même temps des parts de marché. Ce type d'"investissement" - c'est le mot consacré, bien qu'il n'y ait nul accroissement des capacités de production de la société - a l'avantage d'être plus sûr, immédiatement rentable. Et de surcroît, l'intérêt présenté par cette forme d'investissement-là ayant donné naissance à une nouvelle forme de spéculation, l'heureux acquéreur d'une entreprise déjà existante a souvent la possibilité de revendre avec profit son acquisition, parfois en la dépeçant, "appartement par appartement". Et même quand l'entreprise n'est pas rentable, son achat suivi d'une revente peut l'être, ne serait-ce qu'en raison des aides et des subventions récupérées du côté de l'État, au nom du sauvetage d'entreprises en difficulté... Les plus grandes entreprises sont engagées dans une sorte de course pour s'agrandir ou plus exactement pour agrandir leur part de marché en rachetant leurs concurrents, de façon pacifique ou au travers d'OPA sauvages. Si les États-Unis demeurent encore de loin en tête du point de vue du gigantisme de leurs entreprises, c'est du côté des puissances impérialistes de seconde zone qui ont des prétentions sur les marchés mondiaux que la progression est la plus spectaculaire. En France par exemple, le chiffre d'affaires total des cent premières entreprises a été multiplié par 4,3 depuis le début de la crise. Les marchés les plus importants sont dominés par une demi-douzaine, voire par une ou deux grandes entreprises. Et la concentration des entreprises elles-mêmes ne donne qu'une idée floue des concentrations financières. Dans tous les pays impérialistes, quelques grands groupes financiers, aux activités mêlant la finance, l'industrie et le commerce, enserrent toute l'économie dans un réseau serré de relations de dépendance.

... à l'échelle du monde

L'intense mouvement de concentration des entreprises des années quatre-vingt s'est déroulé à l'échelle internationale. Si la "mondialisation" des monopoles les plus puissants est aussi vieille que l'impérialisme, la déréglementation de la circulation des capitaux a favorisé les fusions-acquisitions à l'échelle internationale. Par ailleurs, les progrès de la communication - les liaisons informatiques par satellites, l'amélioration des transports aériens et la baisse de leur coût - ont poussé dans le sens d'accords d'alliance ou de sous-traitance entre entreprises situées dans des pays différents et de plus en plus éloignés les uns des autres. Ces deux évolutions se sont conjuguées pour rendre plus denses les réseaux internationaux de sous-traitance et elles ont favorisé une production géographiquement de plus en plus dispersée.

Ce n'est pas pour rien que le commerce international continue à se développer, malgré des hauts et des bas, plus rapidement que la production. Et une part croissante - de l'ordre du tiers d'après l'ONU - du commerce international correspond tout simplement à des mouvements de produits, dans le cours même des processus de fabrication, entre des unités de production d'une même entreprise, ou entre une entreprise et une filiale.

Constatant cette évolution, un distingué économiste s'est plaint, dans un article publié par la revue Problèmes Economiques, de ce qu'on ne sait plus ce que peuvent signifier aujourd'hui des catégories traditionnelles qui prennent pour base la nation, comme par exemple le "déficit des échanges commerciaux". Il donne pour exemple le constat que "lorsqu'on mesure les échanges des États-Unis sur la base de la propriété par opposition à la résidence, le déficit commercial de 1986, de 114 milliards de dollars, se transforme en excédent de 57 millions de dollars".

Mais ce ne sont pas seulement les catégories économiques qui ne sont pas adaptées à la réalité. C'est la réalité elle-même qui est contradictoire.

D'un côté, jamais sans doute dans le passé les liens de l'économie internationale n'ont été aussi denses et dans d'aussi nombreux secteurs. Quelques groupes gigantesques organisent l'activité économique de centaines de milliers, voire de millions d'hommes dans un grand nombre de pays de la planète, et assurent l'approvisionnement de dizaines, voire de centaines de milliers d'hommes.

De l'autre côté, ces grands groupes continuent à s'appuyer sur leurs États nationaux. L'activité par exemple des grands trusts japonais bien engagés dans des conquêtes sur le marché mondial se déroule en symbiose avec l'État japonais. Et les pourtant puissants trusts de l'acier des États-Unis viennent d'illustrer la protection que leur vaut l'intervention de leur État contre la concurrence des trusts européens ou japonais.

L'interpénétration croissante des économies ne supprime pas le protectionnisme. Elle le rend surréaliste. Des équipes de juristes auprès de la CEE ou auprès du GATT sont engagées dans des discussions théologiques pour déterminer la nationalité de produits fabriqués dans des processus de production se déroulant dans deux pays différents ou plus encore, financés par des capitaux qui ont moins de nationalité encore que d'odeur. Si des organismes comme le GATT sont supposés favoriser le libre-échange entre les pays, rien n'est moins libre que les échanges internationaux. Le commerce international est une question de rapport de force, plus exactement, de rapports de forces - car il y a autant de situations qu'il y a de secteurs - entre grands trusts, entre États. Les négociations du GATT se limitent à codifier des rapports de forces, avec évidemment une prime pour le plus fort, pour les États-Unis. Les puissances de seconde zone sont d'autant plus désarmées devant le protectionnisme américain que leurs capitalistes ont en général infiniment plus besoin d'accéder au vaste marché américain que les capitalistes américains aux leurs.

Mais l'interpénétration des économies et la complexité des réseaux d'intérêts sont telles que les États eux-mêmes y perdent leur latin. La revue Problèmes Economiques rapporte comment "l'International Trade Commission, cherchant à protéger l'industrie nationale des écrans plats de visualisation a accusé l'industrie nipponne de dumping et a frappé les écrans importés du Japon d'une taxe de 63 %" Mais, patatras, "Les fabricants américains d'ordinateurs portables, tels IBM qui intègrent ces écrans dans leurs produits ont menacé de transférer leurs activités à l'étranger, si la mesure n'était pas annulée. Apple et Compaq sont même passés à l'acte".

Les exigences de protectionnisme des grands trusts se heurtent à la nécessité pour les mêmes grands trusts d'assurer le commerce international. Mais les contradictions qui en découlent contribuent encore à renforcer le caractère chaotique de l'économie mondiale.

Pillage du tiers monde

Parlant des relations entre puissances impérialistes et les autres, Lénine écrivait en 1917 : "Monopoles, oligarchie, tendances à la domination au lieu de tendances à la liberté, exploitation d'un nombre croissant de nations petites ou faibles par une poignée de nations riches ou puissantes... Toujours plus en relief apparaît la tendance de l'impérialisme à créer l''État rentier', l'État usurier, dont la bourgeoisie vit de plus en plus de capitaux exportés et de la 'tonte de coupons'."

Le constat reste tout à fait exact quelque quatre-vingts ans plus tard. L'inégalité entre "la poignée de nations riches" et la majeure partie de la planète ne s'est pas résorbée, elle s'est aggravée.

Les raffinements apportés par le système financier international au cours de la présente crise ont même perfectionné le système. Les "États rentiers" n'ont, dans certains cas, même plus à exporter des capitaux pour que leur bourgeoisie puisse "tondre les coupons". Si l'on en croit le Rapport sur le développement humain - 1992 de l'ONU, commenté par un professeur d'économie spécialiste des relations avec le tiers monde : "Les paiements du service de la dette exigés par les créanciers sont de loin supérieurs à la totalité de l'aide et des prêts : entre 1983 et 1990 les flux nets de capitaux en direction des pays riches ont atteint 150,5 milliards de dollars, montant équivalent (en termes réels) à deux fois le plan Marshall." Le montant de l'endettement des États des pays pauvres, conjugué aux taux d'intérêt élevés, font de l'usure le moyen privilégié dont la bourgeoisie des pays riches se sert pour piller les pays pauvres.

Il ne s'agit évidemment pas d'une opposition purement géographique entre Nord et Sud. A défaut de renouveler les méthodes de l'impérialisme, ses têtes pensantes renouvellent le vocabulaire. Il s'agit de l'antagonisme entre la bourgeoisie des pays impérialistes et le prolétariat particulièrement écrasé dans les pays pauvres.

Le développement des revenus usuraires tirés des pays pauvres, accéléré au cours des toutes dernières années de crise, n'a pas fait disparaître les autres formes de revenus. La plupart des pays pauvres restent pour l'essentiel des producteurs de matières premières. Durant les premières années de crise, le prix des matières premières a eu tendance à augmenter. C'est en spéculant sur le maintien de ces prix, sinon sur la poursuite de la hausse, que les dirigeants ou les dictateurs d'un grand nombre de pays pauvres, poussés par le système bancaire à la recherche de placements pour ses capitaux, se sont à l'époque engagés dans une politique d'emprunt à tout va. Mais depuis 1980 les prix des produits de base - pétrole compris - baissent, voire s'effondrent. En prenant pour base 100 les prix de l'année 1980, le pétrole s'est retrouvé en 1990 à 48, le thé, le café et le cacao à 52, les huiles et oléagineux à 63 et l'étain à 25. Pendant la même période, le prix des produits industriels est passé à 136. En dix ans, l'échange inégal s'est considérablement aggravé. C'est avec des revenus diminués que les pays pauvres doivent payer des intérêts usuraires. Sous la pression du FMI ou de leur propre initiative, les gouvernants qui ont engagé les emprunts et qui, seuls dans ces pays, en ont tiré profit, font payer les intérêts aux masses pauvres.

La tendance à la délocalisation dans un certain nombre de secteurs a nourri bien des discours stupides sur la "concurrence croissante" qui serait venue des pays pauvres. Outre le fait que ce sont évidemment les entreprises occidentales, c'est-à-dire leurs patrons, qui décident de ces délocalisations, ce genre de discours est vicié à la base. Ces délocalisations ne concernent qu'un nombre limité de secteurs et un nombre limité de pays. Il ne s'agit nullement d'une industrialisation croissante des pays pauvres. Au contraire. Il s'agit de la désindustrialisation croissante d'un très grand nombre d'entre eux. De la quasi-totalité de l'Afrique Noire dont la production industrielle, déjà faible, recule depuis plusieurs années. Mais il faut de plus en plus compter dans le bloc des pays pauvres les pays de l'Est de l'Europe où c'est au nom du "retour à la compétitivité" ou de "l'assainissement économique" qu'on ferme des usines et fait baisser la production. Le renforcement de la mondialisation des investissements et du commerce concerne les pays riches et pas les pays pauvres.Cette évolution des dernières années apparaît même dans les statistiques. En 1980, la part de marché des marchandises des 102 pays les plus pauvres du monde représentait 7,9 % des exportations mondiales et 9 % des importations. Dix ans après, ces pourcentages sont respectivement 1,4 % pour les exportations et 4,9 % pour les importations.

Les relations entre les pays impérialistes - États-Unis, Europe occidentale et Japon - représentaient, en 1970 déjà, 60,8 % du commerce mondial. Elles en représentent 73,6 % en 1990. Dans un article consacré à cette évolution, le rédacteur du journal Le Monde souligne que "A ce rythme, le décrochage du monde entre deux camps pourra être consommé vers 2020, lorsque la part totale des flux du camp pauvre (Afrique, Moyen-Orient, Amérique latine, Russie, Europe centrale et orientale) qui représentait 39,2 % du commerce mondial en 1970, puis 26,4 % en 1990, pourrait se réduire à 5 %".

Ce genre d'extrapolation vaut ce qu'elle vaut. Elle indique cependant une tendance. Enserrés dans les réseaux financiers, les pays pauvres continueront à être pillés par l'usure. Mais ils sont de plus en plus mis à l'écart de l'activité productive et des échanges. Le capitalisme en crise transforme les pays pauvres en ghettos sur le plan économique, comme il les transforme en ghettos sur le plan social, humain, avec les mesures policières en vogue dans les pays occidentaux pour se "protéger" de l'émigration des pays pauvres, pays de l'Est compris.

Accroissement des inégalités, misère pour les masses, malthusianisme dans la production : l'organisation capitaliste de l'économie n'est pas seulement un frein devant le progrès de la société humaine, c'est un facteur de régression.

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