La Réunion - Le Parti Communiste entre les émeutes et la majorité présidentielle01/04/19911991Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1991/04/39.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

La Réunion - Le Parti Communiste entre les émeutes et la majorité présidentielle

La Réunion a connu aux mois de février et mars plusieurs semaines d'émeutes. L'île de la Réunion située dans l'Océan Indien, à 700 kilomètres à l'Est de Madagascar, d'une superficie de 2 500 kilomètres carrés et d'une population de près de 600 000 habitants, est une vieille colonie française. Elle a, depuis 1946, le statut d'un département français, c'est-à-dire théoriquement le même régime politique et administratif que Paris ou les Bouches-du-Rhône, et ses habitants sont des citoyens français à égalité de droit, théoriquement toujours, avec ceux de Lyon ou de Bretagne.

Les émeutes du mois dernier, la cause immédiate comme les raisons profondes qui ont précipité dans la rue une partie de la jeunesse pauvre, sont révélatrices de la véritable situation. Une situation qui a certes beaucoup changé depuis cinquante ans, mais qui, derrière le masque de la départementalisation, n'en garde pas moins de lourdes séquelles de son passé colonial.

Les premières manifestations avaient pour but de protester contre l'interdiction d'une chaîne de télévision, Télé Free DOM, et de s'y opposer. Télé Free DOM, faite d'ailleurs sans gros moyens financiers, n'était pas d'une qualité exceptionnelle. Les indices d'écoute montrent qu'elle venait loin derrière les chaînes publiques de RFO. Mais celles-ci étant officiellement dans les mains, et du coup considérées comme aux ordres, du gouvernement français, et Télé Free DOM donnant largement la parole à ses auditeurs populaires, dans leur langue quotidienne, le créole, elle était considérée par beaucoup de gens du peuple comme un peu « leur » télé. Y compris sans doute par beaucoup qui regardaient davantage RFO. Et si elle ne l'avait pas été, les attaques d'une certaine droite réactionnaire contre son propriétaire-animateur, Camille Sudre, un z'oreille, c'est-à-dire un Français d'origine, installé là-bas il y a vingt ans, et surtout les interdictions du gouvernement français montrant qu'il entendait décider de la télé à laquelle auraient droit ou pas droit les Réunionnais (au même moment où Télé Free DOM était interdite une troisième chaîne était autorisée, mais codée et payante) auraient suffi pour qu'elle le devienne.

Cela a donc commencé par une protestation contre l'arbitraire d'un gouvernement qui, siégeant à 12 000 kilomètres de l'île, entend imposer ses vues contre l'avis des habitants.

Et puis, très rapidement, les manifestations n'ont plus été simplement des attaques dirigées contre les défenseurs ou les symboles du pouvoir, policiers, siège des impôts ou celui de RFO. Elles sont devenues des émeutes où toute la population, jeunes et moins jeunes, de la banlieue de la capitale, Saint-Denis, s'en est pris aux magasins et les a mis à sac.

La manifestation en faveur de Télé Free DOM s'est transformée en révolte de la population pauvre et sans travail d'un petit pays qui garde certaines caractéristiques du Tiers-Monde, en tout cas par rapport à la France. Le taux de chômage est officiellement de 33 % dans l'île, mais certainement la majorité de la population de ces quartiers, qui se sont construits ces vingt dernières années avec une population arrivant de la campagne, est au chômage ou au mieux doit se contenter de petits boulots très mal payés, non déclarés et aléatoires.

 

Des changements... dans la continuite

 

Depuis que la Réunion s'est vu octroyer le statut d'un département français, en 1946, en même temps que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, la situation de l'île a considérablement changé.

A l'époque l'île, qui comptait 230 000 habitants, à peine plus du tiers de la population actuelle, avait une situation sociale et économique qui correspondait tout à fait à son statut politique de colonie.

Quelques très riches et souvent vieilles familles, qui possédaient beaucoup de terres et les usines à sucre, ainsi que, alliées avec quelques compagnies de transport maritime de la métropole, le monopole du commerce avec cette dernière, accroissaient leur fortune par l'exportation de quelques produits agricoles, essentiellement la canne à sucre. La majorité de la population était faite de petits paysans ou de travailleurs agricoles, misérables, analphabètes et surexploités par les gros propiétaires.

Cinquante ans plus tard, le tableau est bien différent.

L'agriculture, qui regroupait encore 54 % des actifs en 1954, en regroupe aujourd'hui moins de 10 %. Même si ce chiffre est légèrement sous-estimé, du fait qu'une bonne partie des travailleurs agricoles, saisonniers, ne sont pas déclarés, il indique clairement que la population réunionnaise n'est plus la population paysanne de jadis.

La production de sucre a plus que doublé depuis 1940. Pourtant les exportations, dont ce sucre représente entre 80 et 90 %, couvrent moins de 10 % des importations, alors que jadis la balance commerciale ne connaissait pas de déficit (pour des volumes bien inférieurs, évidemment).

Cet énorme déficit de la balance commerciale est comblé par... l'État français. De différentes manières.

D'abord par les salaires qu'il verse à ses fonctionnaires dont il a multiplié le nombre, en renforçant l'administration, la police ou l'armée comme l'éducation ou la santé. Aujourd'hui les salaires des fonctionnaires et employés de l'État forment 50 % de la masse des salaires versés à la Réunion. On ne compte pourtant que 3 agents de l'État pour 100 habitants contre 4 en métropole. Mais les salaires sont supérieurs de plus de 50 %, augmentés de primes diverses, à ceux de métropole. Par contre les salaires du privé, en particulier ouvriers, sont, eux, bien inférieurs (officiellement le SMIC est de 20 % moindre à la Réunion). Rappelons aussi que, à l'origine, ces primes pour les fonctionnaires ont été instituées pour inciter les métropolitains à aller passer quelques années en Outre-Mer. De quelques centaines à la fin de la guerre le nombre des z'oreilles est monté à une vingtaine de mille aujourd'hui. Même s'il y a un début de créolisation des emplois dans la fonction publique, cette prime n'était donc au départ nullement un cadeau aux Réunionnais. D'ailleurs il est symptomatique que maintenant le gouvernement français envisage de la supprimer.

Ensuite par les aides sociales de toutes sortes, dont la dernière créée est le RMI. 60 % de la population réunionnaise relève d'une manière ou d'une autre de l'aide sociale. Un quart des ménages réunionnais touchent le RMI. 10 % du volume du RMI distribué en France va à la Réunion, qui ne fait que le centième de la population. Pourtant, toutes ces aides sociales, qui auraient dû s'étendre de droit à la Réunion à partir du moment où elle était devenue département français, ne l'ont été qu'avec retard, et surtout toujours dans des proportions moindres. Ainsi le RMI est, lui aussi, de 20 % moindre là-bas qu'en métropole.

Enfin, par la distribution de subventions, de toutes sortes aussi, pour les travaux publics, l'agriculture, des entreprises diverses,etc.

Il semblerait donc que la Réunion, loin d'être encore une colonie, exploitée par la France, soit aujourd'hui un pays qui vive au contraire à ses crochets. A propos des départements et des territoires d'Outre-Mer, Giscard d'Estaing, l'ancien président de la République, dans son langage de noceur, avait parlé des danseuses entretenues de la République. Et Gilbert Aubry, le très réactionnaire et anticommuniste évêque de la Réunion, n'a rien trouvé d'autre à dire aux jeunes du Chaudron en révolte que « i fo pa mal-parl bann zorey, sé zot i donn larzan RMI » ( « il ne faut pas mal parler des z'oreilles, ce sont eux qui donnent l'argent du RMI » , Monseigneur se rappelle ses origines réunionnaises pour tenter de dissiper la colère des pauvres).

Derrière cette apparence, il y a la réalité.

Cet argent, distribué d'une manière ou d'une autre par l'État, finit en fait dans la poche de quelques grands capitalistes réunionnais ou métropolitains (pas toujours facile de faire la différence). Les garanties d'écoulement de la production de sucre, les subventions à l'agriculture, prétendument pour aider les petits planteurs, servent essentiellement aux profits de quelques industriels sucriers de l'île. Le marché créé par les salaires et même les aides sociales versées par l'État permet à quelques gros importateurs d'imposer, à des prix bien supérieurs à ceux de la métropole, leur monopole commercial. Les travaux publics, routes, port, ouvrages d'art, sont confiés à des grandes entreprises françaises.

Les bénéfices de tous ceux-là sont pour une bonne part rapatriés en France, ou investis ailleurs dans le monde, aujourd'hui à Madagascar par exemple. Même lorsqu'ils le sont à la Réunion, c'est toujours dans le seul intérêt desdits capitalistes. « A la limite, les DOM-TOM ne sont plus que des relais financiers permettant une transmutation de l'argent public en bénéfices privés » écrivait J.-C. Guillebaud en 1976. C'est toujours vrai pour la Réunion en 1991.

Pendant ce temps, une bonne partie de la population demeure dans la misère, malgré les aides qui sont bien trop insuffisantes pour l'en sortir. Elle qui est en expansion et qui ne peut plus vivre sur la campagne comme il y a quelques décennies (une vie d'ailleurs encore plus misérable qu'aujourd'hui) est sans travail. Il ne s'est créé aucune véritable industrie, évidemment. Et même les productions alimentaires que l'île pourrait produire sont entravées par les intérêts des gros commerçants qui font plus de bénéfices en important de métropole. Au besoin par le dumping, momentané, que leur monopole commercial leur permet. On cite l'exemple, au début des années 1980, d'une tentative de production d'huile de table, coulée net par la baisse de 30 % sur le prix de vente des huiles importées, qui retrouvèrent leurs prix scandaleux, dès que la production locale abandonna la partie. Et le chômage ainsi étendu permet de maintenir les salaires de ceux qui travaillent bien en dessous de ceux de métropole.

L'aide de la France à la Réunion est donc une aide à quelques gros capitalistes, réunionnais ou français. L'exploitation et l'oppression de type colonial passent peut-être aujourd'hui par des voies plus sophistiquées, mais elles demeurent.

Ce sont elles qui expliquent les émeutes.

 

De la departementalisation a l'egalite en passant par l'autonomie

 

Le Parti Communiste Réunionnais est incontestablement le parti de la population pauvre de l'île. Pas au sens où il défend réellement les intérêts de ces classes populaires, mais au sens où la plus grande partie, et la partie la plus consciente ou la partie la plus combative, de cette population le considère comme le parti qui lui est le plus favorable.

C'est vrai au moins depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, quand, dans les premières élections qui ont suivi, ce qui n'était pas encore le Parti Communiste Réunionnais mais simplement la Fédération de la Réunion du Parti Communiste Français emporta deux sièges de députés sur trois et la majorité des 26 mairies.

C'est vrai encore aujourd'hui où le PCR détient deux sièges de député sur quatre, même si le Parti Socialiste, qui a le vent en poupe depuis une décennie, lui a taillé quelques croupières électorales et s'est installé à la tête de quelques-unes des mairies les plus importantes, comme celle de Saint-Denis. Mais ce Parti Socialiste, à la Réunion comme en France, n'est qu'un regroupement politique de notables. Le PCR est encore un parti organisant des ouvriers, des paysans et des pauvres, même si là aussi, comme le Parti Communiste Français, il a perdu bon nombre d'adhérents, et si bon nombre de ses anciens militants sont maintenant inactifs. Et même si le PCR tend, lui aussi, à se transformer en un parti de notables, en s'appuyant plus sur les mairies ou les positions qu'il peut tenir ici ou là, comme dans la Chambre d'agriculture par exemple, que sur sa base militante.

Cette hégémonie, il l'a conquise par sa présence à la tête de toutes les luttes sociales importantes. Ce sont de ses militants qui furent les dirigeants de toutes les luttes des petits paysans comme de toutes les grèves des travailleurs, non seulement depuis 1945 mais déjà entre les deux guerres mondiales.

Il l'a conquise aussi par ses démêlés avec l'administration coloniale française, qui lui fut longtemps extrêmement hostile. C'est ainsi que le PCR put traverser, sans perdre son influence parmi les pauvres et les travailleurs, la période de répression des années soixante. Alors, la fraude électorale ouvertement organisée par l'administration aboutit à lui faire perdre pendant un temps tous ses députés et toutes ses mairies. Une partie de ses militants en vue, qui étaient enseignants, postiers ou fonctionnaires, furent froidement exilés en France. Paul Vergès lui-même, son secrétaire général, traduit devant les tribunaux et condamné pour avoir défendu les thèses autonomistes, dut passer deux ou trois ans dans la clandestinité, dans laquelle d'ailleurs il continua à militer et à diriger le PCR, protégé par la complicité de la population.

Pourtant, ce parti est loin de défendre les intérêts des pauvres et des travailleurs, dont il a conquis l'estime et le respect.

Depuis 1981, depuis la victoire de Mitterrand aux élections présidentielles, le PCR est en fait rallié au pouvoir, au gouvernement et au président de la République française.

Ce ralliement, le PCR l'annonçait dans une déclaration solennelle dès le 12 mai 1981, deux jours après l'élection de Mitterrand, pour lequel il avait fait voter au second tour, à l'exemple du Parti Communiste Français. Et avec ce ralliement, le PCR abandonnait la revendication d'autonomie, qui était la sienne depuis 1959, depuis qu'il s'était transformé de Fédération de la Réunion du PCF en parti indépendant. Paul Vergès le précisait dès juin 1981, durant la campagne électorale pour les législatives qui suivit les présidentielles : « Il faut rassembler les Réunionnais de toutes opinions pour développer leur pays. Et c'est pourquoi nous avons dit que la proposition de loi socialiste (NDLR : le projet de réforme régionale) est pour nous un cadre acceptable. Allons-y, faisons l'expérience, et sur la base de cette expérience nous verrons les exigences que posera le développement » .

Ainsi, par un petit jeu de mots, en faisant semblant de croire que la misérable réforme régionale des socialistes pouvait se confondre avec l'autonomie réclamée jusque-là, le secrétaire général du PCR annonçait en fait le ralliement de son parti.

Ce retournement n'était pas étonnant. Les dirigeants du PCR avaient été, avec les autres députés communistes ou de gauche des Antilles et de Guyane, les partisans et les artisans de la départementalisation de 1946. A l'époque le Parti Communiste Français était au gouvernement et opposé à l'indépendance des colonies françaises. Le PCR ne changea sa position que plus tard, en 1959, après que plus d'une décennie avait montré que la départementalisation n'avait rien changé à la situation réelle de l'île. D'autre part la décolonisation touchait le monde entier. La France elle-même, engagée dans la guerre d'Algérie, allait être forcée de reconnaître l'indépendance de la plupart de ses colonies. Le PCR croyait sans doute prendre le vent de l'histoire. Cela lui aura permis au moins de ne pas voir de partis concurrents se développer à la Réunion sur la base nationaliste. Les groupes indépendantistes n'ont jamais pris beaucoup d'importance dans l'île, contrairement à certains autres territoires ou départements d'Outre-Mer.

D'autre part, l'autonomie que réclamait le PCR n'était pas forcément un programme qui correspondait aux intérêts des pauvres et des travailleurs réunionnais. C'était un programme nationaliste qui prétendait viser au développement de la Réunion, bourgeoisie comprise, c'est-à-dire à long terme d'abord pour celle-ci. Le PCR le reconnaissait lui-même quand il écrivait dans son programme pour l'autonomie adopté le 29 mars 1981 (ironie de l'histoire, ce n'était que quelques jours à peine avant qu'il décide de retourner sa veste devant la victoire de Mitterrand). Constatant que la société réunionnaise, c'était « la misère moderne pour le plus grand nombre » face « à une poignée de privilégiés » qu'il chiffrait à 1 750 ménages soit 1,7 %, il ajoutait : « il n'y a dans cette constatation aucune hostilité systématique à l'égard de ces ménages favorisés, il y a tout simplement que c'est un fait, et que ce fait doit être pris en compte dans l'analyse comme dans l'étude des solutions d'avenir de notre pays » . On ne pouvait pas être plus prudent envers les privilégiés réunionnais et attentif à leurs intérêts.

Quoi qu'il en soit, même cette autonomie, si attentive à ne pas froisser les intérêts des bourgeois locaux, le PCR l'a jetée aux orties pour faire allégeance à Mitterrand.

Et, en 1988, le PCR marquait officiellement son entrée dans la majorité présidentielle en appelant dès le premier tour à voter pour Mitterrand, ce qui provoqua quelques remous parmi les militants dont un certain nombre auront tout de même voté, au premier tour, pour le candidat du PCF, André Lajoinie. Car le PCR, dans son ardeur à suivre Mitterrand, en est arrivé à déborder même le PCF, son ex-mentor en patriotisme français, sur la droite.

Et en octobre dernier, s'accrochant de toutes ses forces à la majorité présidentielle, le PCR publiait son nouveau programme intitulé : « Pour l'égalité et le développement » . Un programme de parti bourgeois de gauche, alignant les propositions de développements sociaux ou économiques, mais sans évoquer la moindre idée de lutte de classe ni la moindre nécessité de s'attaquer aux privilégiés ou de se débarrasser des capitalistes pour changer le sort des travailleurs et des pauvres. D'ailleurs, ce programme, le PCR propose d'en débattre avec « tous les acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels de notre pays » , dans « un grand » sobatkoz » entre toutes les composantes de notre société pour s'engager dans la voie d'un avenir responsable » . La perspective du PCR, c'est la concertation avec les partis de droite, le gouvernement français et les capitalistes, tous ceux qui sont responsables de la situation actuelle de la Réunion et des Réunionnais... et qui ont intérêt à la maintenir.

 

Le pcr comprend la revolte mais garde ses distances

 

Les réactions du PCR devant les émeutes de Saint-Denis ne peuvent donc étonner.

Certes il a affirmé sa sympathie pour les jeunes manifestants et même une certaine compréhension pour les pillages auxquels s'est livrée la population du Chaudron. Le PCR peut se targuer de cette attitude, surtout comparée aux insultes méprisantes de la droite ou à l'attitude des élus socialistes, comme cet adjoint au maire de Saint-Denis qui a organisé des commandos pour aller prêter main-forte aux CRS lancés dans la chasse aux manifestants.

Mais cela ne suffit pas pour se ranger aux côtés sinon à la tête des déshérités en rébellion, même si c'est d'une manière confuse. Cela ne suffit pas pour tenter de donner des perspectives à cette révolte, comme ce serait la tâche et le devoir d'un parti qui se dit celui des travailleurs et des pauvres.

A cela il a tourné le dos, et ouvertement. On l'a vu quand la CGTR, le syndicat lié au PCR, a décommandé une manifestation des travailleurs en grève, prévue à la fin de la semaine où se sont produites les premières et les plus graves émeutes, sous le prétexte d'éviter les possibles provocations. Le PCR n'indiquait pas seulement là qu'il avait peur de voir la lutte des travailleurs mêlée à celle des jeunes, il affirmait qu'il ne voulait pas que le mouvement ouvrier organisé ait l'air de soutenir, d'étendre ou de prendre la tête d'un mouvement plus vaste. Il ne faut pas s'étonner après cela si les jeunes chômeurs du Chaudron ne s'attardent guère à regarder du côté de la classe ouvrière... ou du PCR.

Paradoxalement, si ces jeunes ont pu avoir quelques considérations pour le PCR, c'est à cause des attaques des politiciens de droite, du Parti Socialiste, de l'évêque et même du ministre des DOM-TOM, accusant le PCR d'avoir incité et même organisé les émeutes. Accusations auxquelles le PCR a opposé des protestations indignées, et devant lesquelles il a même fait mine un moment de menacer de quitter la majorité présidentielle. Heureusement pour lui, quelques jours plus tard, le Premier ministre Rocard, en visite à la Réunion, le lavait publiquement de tout soupçon.

Le PCR peut donc continuer à se dire, contre vents et marées, de la majorité présidentielle, et maintenir sa politique de tenter de collaborer avec le gouvernement, le Parti Socialiste, la droite et les capitalistes. Dans un numéro spécial, en date du 23 mars, de son journal Témoignage, consacré aux événements de février-mars, le PCR reproposait imperturbablement à tous ceux-là d'organiser ensemble les « États Généraux de l'Egalité et du Développement » .

De même que les jeunes en colère du Chaudron n'ont rien reçu du PCR, les pauvres et les travailleurs de la Réunion n'ont rien à en attendre. Pour défendre leurs intérêts il faudra bâtir un nouveau parti communiste, révolutionnaire, qui mette à son programme la lutte de classe et l'abolition du capitalisme, à la Réunion et dans le monde, et non la collaboration de classe et l'entente avec les capitalistes, Réunionnais ou autres. Les militants ou ex-militants du PCR qui, restés communistes, désabusés, écoeurés ou désespérés, voient la faillite de leur parti, ont là un rôle à jouer.

20 avril 1991

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