États-Unis : collaboration de classe à l'américaine ou à la japonaise ?01/03/19901990Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1990/03/31.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

États-Unis : collaboration de classe à l'américaine ou à la japonaise ?

Ces dernières années, certains secteurs du mouvement syndical aux États-Unis - et en particulier les opposants comme ceux de New Directions qui se sont regroupés à l'intérieur de l'UAW (le syndicat de l'automobile, de l'aérospatiale et du matériel agricole) - ont dénoncé ce qu'on appelle le « concept d'équipe » ou la « coresponsabilité ». Ils y voient la mise en place d'une collaboration entre syndicats et entreprises dans le but d'augmenter le rythme du travail et de réduire les emplois.

Lors du congrès de l'UAW de l'été dernier, New Directions, qui avait environ 10 % des délégués (35 % dans les deux régions où ses délégués s'étaient présentés), a concentré ses attaques sur cet aspect de la politique de l'UAW.

Après le congrès, de nombreux délégués de New Directions se sont constitués en une fraction organisée à l'intérieur de l'UAW. L'une des principales résolutions présentées au congrès de fondation de New Directions portait sur cette question de la « coresponsabilité » et du « concept d'équipe ». Voici comment la résolution définissait le problème :

« La coopération entre patrons et syndicats qui se pratique aujourd'hui a beaucoup profité aux grandes entreprises et à leurs directions. Cette décennie de coresponsabilité et de collaboration s'est traduite par la perte du tiers de nos membres, par une diminution des salaires et des avantages acquis et par un recul grave de l'influence syndicale à la base.

Le prétendu « concept d'équipe » et autres programmes d'augmentation de la productivité ne sont que des techniques d'encadrement pour accroître la compétition entre travailleurs, diminuer leur solidarité et favoriser l'anti-syndicalisme. »

Mike Parker et Jane Slaughter qui sont proches à la fois de Labor Notes et de New Directions, ont écrit un livre intitulé Changer de camp : les syndicats et le concept d'équipe, une sorte de manuel pour syndicalistes dont les publications de New Directions font grand cas. Pour eux, le concept d'équipe est une sorte de révolution dans le domaine de la gestion qui voit les entreprises américaines adopter des techniques de management « à la japonaise » dans le but de faire accélérer les cadences. Et c'est essentiellement en termes de technique de gestion qu'ils décrivent le concept d'équipe :

« Un nouveau contrat stipulant que de nouveaux rapports existent entre l'entreprise et le personnel(...), l'abolition des classifications et la polyvalence au niveau des tâches, voilà à quoi pense la direction quand elle parle de concept d'équipe(...), Une moindre importance accordée à l'ancienneté(...). Une définition plus précise de chaque tâche, augmentant le contrôle de la direction sur le travail(...). La participation des travailleurs à l'augmentation de leur propre charge de travail(...). Davantage de responsabilités pour chacun, mais sans partage de l'autorité, les travailleurs héritant de tâches faites auparavant par l'encadrement(...). Une atmosphère idéologique de compétition entre entreprises insistant sur le rôle des travailleurs dans la bataille pour gagner des parts de marché aux dépens des concurrents. »

Pour eux, tout cela signifie « un glissement vers le syndicalisme d'entreprise, où le syndicat se considère comme le partenaire de la direction. »

Une deterioration de la situation dans l'automobile

Il est évident que la situation des travailleurs de l'automobile s'est beaucoup aggravée au cours des dix dernières années. (Cela n'a pas été le cas seulement dans l'automobile, bien sûr, mais aujourd'hui c'est dans ce secteur qu'ont lieu la plupart des discussions sur le partenariat patronat-syndicats.)

Les profits records enregistrés par les trois grands constructeurs automobiles au cours des huit dernières années sont la conséquence directe de l'exploitation accrue des travailleurs. De 1979 à 1986, la part des coûts de main d'oeuvre par rapport à la valeur totale de la production est passée de 13 à 11,5 % d'après les chiffres officiels du gouvernement. Ces chiffres reflètent d'abord l'augmentation de la production horaire de chaque travailleur, en moyenne 3,5 % supplémentaires par an de 1979 à 1987 toujours d'après les statistiques officielles ; ils reflètent aussi les pertes salariales acceptées par le syndicat et qui se montent à 2,50 dollars de l'heure (18 francs) pour un travailleur sur chaîne (la catégorie la plus nombreuse). Les années 80 ont été marquées par l'ouverture d'un certain nombre d'usines nouvelles et la fermeture d'un bien plus grand nombre de vieilles unités ; par la disparition d'une compagnie indépendante comme American Motors ; et par la diminution globale du nombre d'emplois de 833 000 en 1978 à 681 000 en 1989).

New Directions ainsi que les autres opposants ont raison de s'opposer à ce qui se fait. D'ailleurs, le développement d'une opposition comme celle de New Directions est sans aucun doute le produit de l'aggravation de la situation dans les usines automobiles.

New Directions prétend que l'avalanche de programmes de ce type - « concept d'équipe » chez GM, « nouveaux accords opérationnels » chez Chrysler - marquent un tournant de la part de la direction de l'UAW.

Pourquoi ce tournant ? Les opposants restent le plus souvent dans le vague là-dessus, ou alors ils soutiennent que c'est une question de personnes. Voici par exemple ce que dit Victor Reuther, frère du défunt président de l'UAW, Walter Reuther, et l'un des porte-parole les plus en vue de New Directions :

« Il est vrai que le syndicat est soumis aujourd'hui à certaines pressions, mais il est inadmissible que certains dirigeants semblent sur le point non seulement de brader notre héritage mais encore de renoncer à une grande partie de notre force. »

Eric Mann, membre de la Coordination nationale de New Directions, a dirigé, il y a quelques années, un mouvement dans une usine GM de Californie (Van Nuys) où la direction essayait de de mettre en place son « concept d'équipe » et, pour ce faire, menaçait de fermer l'usine. Dans un livre où il raconte cette lutte, il explique que le changement de politique du syndicat, même s'il était plus ou moins décelable dans la politique défendue par Doug Fraser pendant les années où il était à la tête du syndicat, est surtout lié à l'arrivée d'une nouvelle direction conduite par Bieber et Ephlin en 1983.

Mais qu'ils avancent ou non des raisons pour expliquer ce prétendu changement, presque tous les dirigeants de New Directions soutiennent que jusqu'à tout récemment l'UAW se présentait en « adversaire » face aux patrons, et non en partenaire. Dans un texte sur le « partenariat », on peut lire : « Pendant près de 50 ans, le moteur de notre succès a été notre situation d'adversaire. » New Directions va répétant qu'il souhaite un retour au type de syndicat représenté par les Reuther et à l'époque où le syndicat occupait soi-disant une « position d'adversaire » face aux patrons.

Qu'est-ce qui est different aujourd'hui ?

Il y a quelque chose de fondamentalement erroné dans cette manière de poser le problème - au-delà des raisons que peuvent avoir les dirigeants de New Directions de réécrire l'histoire en leur faveur en glissant sur certaines choses (après tout, la plupart d'entre eux ont accepté la politique de la direction de l'UAW jusqu'à une époque récente).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants de l'UAW, en particulier Walter Reuther, ont aidé le gouvernement à organiser la production plus efficacement - c'est-à-dire à faire travailler les ouvriers plus vite - et à briser toute résistance, au nom de « l'effort de guerre ». Depuis 1945, date de création de l'indice annuel de progrès (AIF), l'augmentation des cadences est une des bases des contrats négociés par l'UAW. L'indice en question prévoyait une augmentation de salaire annuelle de 3 %, en échange de l'acceptation par le syndicat d'une augmentation ininterrompue du rythme de travail. A cet égard, les années 80 ressemblent trait pour trait aux années 50, qui furent elles aussi marquées par de courtes récessions quand les grandes entreprises absorbaient les plus petites, gardant certaines usines, en fermant d'autres, augmentant les cadences et réduisant leur personnel dans la foulée. A Detroit, on voit partout les carcasses d'énormes usines qui ont fermé dans les années 50 et qui sont devenues des magasins, des entrepôts ou des « parcs industriels ».

Dans les années 60, il pouvait sembler ne pas y avoir de rapport entre l'augmentation des cadences et la perte d'emplois, tout simplement parce que la perte d'emplois due aux cadences était masquée par l'augmentation de la production globale qui s'accroissait plus vite que la productivité.

En réalité, les cadences devenaient de plus en plus dures, en particulier à la production. Dans les années 60, beaucoup de grèves sauvages et de luttes furent des réponses aux tentatives des patrons pour augmenter encore le rythme de travail.

Ce qui est différent aujourd'hui, ce n'est pas que les entreprises auraient découvert de nouvelles techniques de management, ou qu'elles auraient adopté la gestion « à la japonaise ». La véritable différence c'est que, pendant toute la dernière période, les travailleurs n'ont pas trouvé le moyen de se défendre - ce qui, étant donné la situation, signifierait rompre avec la politique de collaboration de classe dans laquelle les syndicats s'enferrent depuis tant d'années. Et le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas non plus un problème de contrats à améliorer. Il s'agit de savoir comment mobiliser la classe ouvrière pour qu'elle se défende contre les attaques d'où qu'elles viennent. A ce jour, on n'a vu personne ayant un tant soit peu d'influence dans la classe ouvrière proposer autre chose qu'une politique de collaboration de classe.

Quelle est la realite du partenariat patronat-syndicat ?

La direction de l'UAW, tout comme la direction de l'AFL-CIO tout entière, défend ouvertement et depuis des années l'idée d'un partenariat avec les entreprises.

En 1945, poussés par les grèves sauvages qui avaient eu lieu pendant la guerre, Walter Reuther et Alfred Sloan de General Motors négocièrent un contrat qui fut connu désormais comme le « Traité de Detroit ». Cet accord légalisait le système qui a gouverné les usines d'automobiles pendant plus de trois décennies : pour les travailleurs, des augmentations de salaires régulières basées sur l'augmentation de la productivité et liées au coût de la vie ; en échange, le syndicat reconnaissait à l'entreprise le droit de prendre toutes les décisions en matière d'organisation du travail. Le but était évident : lier les espoirs des travailleurs quant à leur avenir àcelui de l'entreprise. Voici ce qu'en disait alors le magazine Fortune :

« General Motors vient de reprendre le contrôle d'une des fonctions essentielles de toute gestion : la planification à long terme de la production et des investissements dans les nouveaux modèles et les usines. Cela fait si longtemps qu'une grande entreprise américaine n'a pas été en mesure de pouvoir compter sur la paix sociale, qu'on avait presque oublié que cela pouvait exister. »

En fait, le système même des contrats repose sur l'idée d'un partenariat bénéficiant prétendument aux deux parties. Il faut voir au-delà des clauses sur les droits de la direction, au-delà des engagements pris par les syndicats d'interdire à leurs membres de participer à des grèves « illégales » ou « non autorisées ». Car de telles clauses ne font que réfléter le fait que tous les syndicats, l'UAW le premier, se considèrent eux-mêmes - dès lors qu'ils sont « reconnus » par les patrons - comme des partenaires engagés dans une oeuvre commune avec la direction.

Ainsi, depuis 1955, tous les contrats Chrysler, signés à la fois par l'UAW et la direction, comportent les lignes suivantes :

« Le but général de cet accord est de spécifier le cadre et les conditions de l'embauche et de promouvoir le calme et la paix sociale à l'intérieur de l'entreprise dans l'intérêt commun de l'entreprise, des employés et du syndicat.

Les parties reconnaissent que le succès de l'entreprise et la garantie de l'emploi pour les travailleurs dépendent de la capacité de l'entreprise à fabriquer un produit de qualité et à l'écouler sur le marché.

A ces fins, l'entreprise et le syndicat encouragent leurs représentants à tous les niveaux ainsi que tous les travailleurs à coopérer entre eux et à entretenir les relations les plus cordiales. »

Cela ne veut pas dire que les syndicats n'ont pas, à l'occasion, dirigé de grandes grèves ou mené des actions d'envergure ; ou qu'ils n'ont pas souvent eu recours à la menace de grève pour faire pression sur les patrons. Cela a été en particulier le cas durant les années de boom économique et de prospérité capitaliste. Dans cette situation de plein emploi où les entreprises avaient besoin de produire, les patrons étaient prêts à céder, parfois rapidement, aux syndicats pour éviter de s'engager dans les longs conflits qui auraient été nécessaires pour vaincre les travailleurs. A l'époque, même les dirigeants syndicaux les plus favorables à la collaboration de classe étaient prêts à recourir à l'arme de la grève. (Voilà ce que les opposants d'aujourd'hui appellent se poser en « adversaire » face aux patrons.) Mais, quand la situation économique a changé au milieu des années 70, les capitalistes se sont préparés à des conflits longs et durs plutôt que de céder quoi que ce soit. (C'est pourquoi les syndicalistes qui se placent sur le terrain du capitalisme considèrent la grève comme une arme inutile aujourd'hui, tout en n'ayant pas d'autre solution à offrir face aux problèmes qui se posent.)

Les syndicats : des agents de la bourgeoisie au sein de la classe ouvriere

Pratiquement dès le début, les syndicats, et d'abord et avant tout l'UAW, ont joué un rôle démobilisateur à l'intérieur de la classe ouvrière, l'amenant à compter sur des forces extérieures à elle et lui faisant placer ses espoirs dans le rôle d'intermédiaire « neutre » de l'État bourgeois.

L'UAW et les autres syndicats créés à l'époque du mouvement qui devait donner naissance au CIO, ont par la suite servi à canaliser le mouvement de masse des années 30, à mettre la classe ouvrière au travail pour l'effort de guerre, puis à empêcher que le mouvement redémarre à nouveau lors de la vague de grèves de 1946, en vidant les syndicats des militants qui les avaient créés. Des militants comme Wyndham Mortimer et Bob Travis, les organisateurs de la grève avec occupation de Flint, furent ainsi démis de leurs fonctions sous divers prétextes et finalement exclus du syndicat. Et on réécrivit l'histoire pour faire des frères Reuther les nouveaux héros de la grève de Flint.

La chasse aux sorcières fut essentiellement une purge destinée à vider l'UAW de la plupart des militants qui avaient véritablement créé le syndicat - qu'ils aient été communistes ou non. Au fond, peu d'entre eux étaient opposés à la politique de collaboration de classe du syndicat. Mais c'était eux qui avaient organisé les grèves et c'était sur eux que reposait toute l'organisation du syndicat à la base. Se débarrasser d'eux c'était aussi se débarrasser de l'habitude prise par les travailleurs de régler leurs problèmes eux-mêmes, à la base.

Chaque fois que les choses se mettaient à bouger un peu, les bureaucrates de l'UAW se servaient de leur contrôle de plus en plus grand de l'appareil pour mettre directement les travailleurs au pas. En 1973, la direction de l'UAW, sous la direction de Fraser, le vice-président de l'UAW s'occupant tout particulièrement de Chrysler, mit sur pied une armée de mille nervis composés de permanents et de délégués syndicaux pour briser la grève sauvage de l'usine de presses Chrysler de Mack Avenue. Cet affrontement eut lieu à la fin d'un été explosif au cours duquel les grèves sauvages s'étaient succédées dans les usines de Detroit, et alors que le souvenir des émeutes de 1967 était encore frais dans les mémoires, beaucoup de travailleurs noirs ayant même été embauchés dans les grandes entreprises de l'automobile précisément à cause du soulèvement de 1967.

La politique actuelle des directions syndicales (y compris celle de l'UAW) - dresser les travailleurs à tout accepter pour que l'entreprise augmente ses ventes, c'est-à-dire ses profits - découle directement de ce passé-là.

A quoi les opposants veulent-ils retourner ?

Voici ce que dit Mann à propos de ce que devraient être les buts du syndicat : « Dans une société capitaliste qui prétend être une démocratie industrielle et où, par conséquent, la classe ouvrière n'est pas un simple facteur de production mais une puissante force politique, la poursuite du profit ne peut se faire qu'à l'intérieur d'un cadre social strictement défini. »

Mann sait exactement ce que signifient les mots qu'il emploie. Il l'explique lui-même très clairement :

« De 1935 à 1975, les relations entre partenaires sociaux ont été caractérisées par la codification des relations entre employés et patrons, sous forme de contrats collectifs ; par l'engagement des syndicats à ne pas faire grève pendant la durée du contrat ; par l'impossibilité pour les travailleurs d'entreprendre des actions, sauf cas de conflit individuel à régler au coup par coup ; par la mise sur pied d'une industrie de la médiation et de la conciliation pour s'occuper des conflits de classe ; et par un accord mutuel désignant l'Office national des relations du travail comme arbitre dans les conflits importants... Il y avait toujours des conflits de classe, mais dans les industries syndicalisées, ils étaient amortis et, dans la plupart des cas, tout se passait dans le calme. L'entreprise bénéficiait d'une main d'oeuvre fiable et d'une production continue pendant que les travailleurs, eux, bénéficiaient d'un salaire régulier et, le plus souvent, d'un emploi stable. »

En d'autres mots, Mann n'a rien d'autre à proposer que la politique qui a mené à la situation actuelle, celle d'un partenariat stable entre patrons et syndicats avec l'État bourgeois comme recours en cas de conflit. Simplement, il voudrait que ce partenariat soit un peu plus combatif, mais un partenariat tout de même. Ces critiques ne concernent pas uniquement l'auteur de ce seul livre. Toutes les propositions concrètes de New Directions vont dans le même sens.

Par exemple, leur réponse aux fermetures d'usine et aux licenciements consiste à revendiquer que les entreprises respectent l'ancienneté, pour les licenciements comme pour les promotions ; qu'elles cessent de faire appel à la sous-traitance ; qu'il y ait des délais plus longs dans les cas de fermetures d'usines ; et que le gouvernement limite ou interdise les importations. En fait, ils ont la même habitude que la bureaucratie de l'UAW, celle de détourner l'attention vers les importations, c'est-à-dire... vers le Japon.

En d'autres termes, il n'envisagent que des mesures qui ne coûtent rien aux patrons et qui vont dans le sens d'une meilleure rentabilité des entreprises. Et c'est à l'intérieur de ce cadre qu'ils tentent de défendre les intérêts corporatistes des travailleurs de l'automobile, aux dépens s'il le faut des intérêts d'autres catégories de travailleurs, comme lorsqu'ils réclament de cesser la sous-traitance à des entreprises où il n'y a pas de syndicat.

C'est là une impasse totale et on voit bien que, malgré leurs déclarations de lutte contre le « concept d'équipe », ils partagent finalement la même attitude de collaboration de classe que la direction actuelle de l'UAW.

En conclusion, on peut dire que, par l'attention qu'ils portent à la question du « concept d'équipe » comme forme nouvelle de gestion, ils restent sur le terrain des discussions techniques - alors que la vraie question politique de la période, c'est de savoir comment la classe ouvrière peut se mobiliser pour se défendre et ne plus continuer à subir l'austérité. La réponse à cette question ne peut venir de syndicalistes dont l'horizon se limite à tenter de modifier les aspects les pires du capitalisme.

Il y a 50 ans, en 1940, Trotsky discutait de la situation du mouvement syndical de différents pays dans des termes dont la justesse est encore plus grande aujourd'hui :

« Le capitalisme monopolisateur n'est pas basé sur la concurrence et sur l'initiative privée, mais sur un commandement centralisé. Les cliques capitalistes, à la tête de trusts puissants, de groupements, de consortiums bancaires, etc., voient la vie économique des mêmes hauteurs que le pouvoir d'État ; et à chaque pas, ils font appel à ce dernier. De leur côté, les syndicats des branches les plus importantes de l'industrie se trouvent privés de la possibilité de profiter de la concurrence entre les diverses entreprises. Ils doivent affronter un adversaire capitaliste centralisé, intimement lié au pouvoir d'État. De là découle pour les syndicats dans la mesure où ils restent sur des positions réformistes, c'est-à-dire sur des positions basées sur l'adaptation à la propriété privée - la nécessité de s'adapter à l'État capitaliste et de chercher à obtenir sa coopération...

Les syndicats de notre époque peuvent ou bien servir d'instruments secondaires du capitalisme impérialiste pour obtenir la subordination et la soumission des travailleurs et pour empêcher la révolution, ou bien au contraire devenir les instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat. »

Voilà le choix qui s'offre aux militants de New Directions.

Mais si on en juge par ce qu'ils disent et font aujourd'hui, la plupart d'entre eux semblent malheureusement avoir déjà choisi.

28 mars 1990

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