A nos lecteurs : Pour une politique prolétarienne au Moyen-Orient01/04/19871987Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1987/04/8_0.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

A nos lecteurs : Pour une politique prolétarienne au Moyen-Orient

Notre tendance se distingue par un certain nombre de ses positions politiques des autres organisations qui se réclament du communisme révolutionnaire, y compris des autres organisations trotskystes.

Nous voudrions prendre, dans ce numéro de Lutte de Classe, l'exemple de nos positions politiques concernant la situation au Moyen-Orient.

Cette région offre l'exemple d'un inextricable enchevêtrement de conflits, résultat de la présence impérialiste et de l'exacerbation des tensions de toute nature dont elle est responsable. Une telle crise ne peut prendre fin qu'avec celle de cette présence impérialiste elle-même, par la réalisation d'une fédération socialiste des peuples du Moyen-Orient.

Affirmer cela, c'est affirmer que tous les peuples qui vivent dans la région ont le droit de continuer à le faire, en ayant leur propre langue, leur propre culture, leur propre existence nationale s'ils le désirent, mais c'est dire aussi que cette coexistence ne peut être réalisée qu'en mettant fin à toute oppression de classe et donc, en fait, à l'existence de l'impérialisme lui-même, non seulement au Moyen-Orient mais sur le plan mondial.

C'est dire aussi qu'aucune organisation, aucune politique nationalistes, ne peuvent offrir une solution tant soit peu viable aux déchirements du Moyen-Orient, car ces déchirements sont, précisément, le résultat de l'affrontement des nationalismes opposés ou concurrents, affrontement que les puissances impérialistes utilisent pour imposer leur système d'influence et de domination. C'est en soutenant tour à tour tel ou tel nationalisme, tel ou tel État contre tel autre que l'impérialisme a trouvé et trouve le moyen de maintenir une intervention permanente dans la région. C'est par le biais des organisations nationalistes ou confessionnelles que les couches dominantes locales maintiennent leur emprise politique sur les couches exploitées L'influence des organisations et des idéologies nationalistes ou confessionnelles est, dans ces conditions, un des premiers obstacles qu'ont à combattre les révolutionnaires prolétariens.

Cela est vrai d'abord du nationalisme sioniste, qui s'est révélé un moyen très efficace pour souder la population israélienne à la politique agressive de ses dirigeants. En exploitant le désir des rescapés des camps de la mort, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de disposer d'un havre pour vivre en paix, en les entraînant dans des guerres successives contre les peuples arabes voisins, le sionisme a développé, au sein de la population israélienne, une mentalité de peuple assiégé, prêt à se battre contre tous ses voisins car il croit défendre ainsi son droit à l'existence. Ce fait, joint à la politique pro-impérialiste des dirigeants de l'État d'Israël, a fait de l'armée sioniste le principal et le plus efficace instrument de défense des intérêts impérialistes dans la région.

Le nationalisme dans les différents États arabes est également un piège pour les masses exploitées. Au lieu de se battre pour leurs intérêts propres, celles-ci sont appelées à soutenir leurs dirigeants et oppresseurs dans la concurrence qui les oppose entre eux ou dans leurs marchandages avec l'impérialisme et avec Israël. Cela en fait les otages de la politique de leurs dirigeants, de leurs hésitations, de leurs louvoiements, de leurs compromissions avec l'impérialisme. Car les bourgeoisies arabes peuvent tout au plus chercher à obtenir des concessions de la part de l'impérialisme, quand elles ne se portent pas candidates, à l'instar de l'État d'Israël, au maintien de son ordre dans la région. Elles ne cherchent pas et ne peuvent chercher à détruire l'impérialisme.

Cela est tout aussi vrai du nationalisme palestinien. Malgré le radicalisme qu'elles sont capables d'afficher, les organisations nationalistes palestiniennes, et d'abord l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), n'ont pas d'autre objectif que ceux de la bourgeoisie palestinienne qui cherche à obtenir de l'impérialisme, d'Israël et des autres États arabes, qu'on lui concède le droit d'exercer son pouvoir politique sur une parcelle de territoire du Moyen-Orient. Lorsque, en Jordanie et au Liban notamment, les masses palestiniennes se sont armées et organisées et ont par leur exemple éveillé des sentiments de solidarité dans la population du pays, elles auraient pu se trouver des alliés au sein de celle-ci à condition de ne plus se battre seulement pour des objectifs strictement palestiniens, mais aussi contre l'oppression politique et sociale qui est le sort commun des peuples arabes. L'OLP a sacrifié cette possibilité à la recherche d'accords et de compromis avec les diverses bourgeoisies arabes et avec l'impérialisme, tandis que ceux-ci, conscients du danger, n'en préparaient pas moins l'écrasement du peuple palestinien. La politique nationaliste de l'OLP porte ainsi une responsabilité primordiale dans l'écrasement de son propre peuple.

Les révolutionnaires prolétariens sont évidemment solidaires du peuple palestinien et des peuples arabes opprimés par l'impérialisme ou par Israël, quels que soient les dirigeants que ces peuples se sont choisis ou qui se sont imposés à eux. En particulier, dans les combats entre les organisations palestiniennes et Israël ou tel ou tel État arabe, ils sont avec les Palestiniens, au côté de leur principale organisation, l'OLP, contre ceux qui les combattent.

Mais cette politique de soutien, qui a toujours un caractère conjoncturel et limité, ne peut faire oublier la seule politique qui, à terme, puise ouvrir une issue : celle qui consiste à construire, à implanter dans le prolétariat, des organisations révolutionnaires capables, à un moment ou à un autre, de lui faire mener une politique qui soit la sienne. C'est pourquoi le soutien ne doit, à aucun moment, empêcher les révolutionnaires d'appeler les choses par leur nom et une organisation nationaliste une organisation nationaliste, sans taire aucune des critiques qu'ils font à la politique de ces organisations.

C'est là que se situe, sur la question du Moyen-Orient, notre principale divergence avec nombre d'organisations qui se réclament du communisme révolutionnaire et qui n'ont pas, selon nous, une attitude nette sur ce point, noyant la perspective d'une politique prolétarienne indépendante dans un soutien général à des organisations nationalistes dont elles attendent que sortent, par on ne sait quelle génération spontanée, des organisations révolutionnaires. Les masses exploitées ne pourront distinguer la différence entre la politique prolétarienne et la politique nationaliste que si, à chaque instant, les révolutionnaires prolétariens savent se démarquer et montrer qu'il y a un monde entre les deux. Ils ne peuvent avoir une politique révolutionnaire prolétarienne abstraite qui se réduirait, dans les faits, au soutien aux organisations nationalistes. Ils doivent viser dans toute leur politique, y compris lorsqu'ils soutiennent celles-ci, à leur arracher la direction des masses.

Une politique prolétarienne, loin de se limiter à la lutte contre le sionisme ou contre tel ou tel régime arabe particulièrement réactionnaire, aurait à son programme la lutte contre toute forme d'oppression, et contre tous les appareils politiques qui en sont les instruments. Elle s'appuierait sur les sentiments de solidarité qui existent entre les exploités des différents pays arabes et qui reflètent, en fait, un sentiment de classe, le sentiment d'avoir des intérêts communs face à des exploiteurs qui sont aussi communs. Elle chercherait notamment à faire naître à partir de la lutte des Palestiniens, la conscience qu'il existe des intérêts d'ensemble, que la lutte des Palestiniens peut devenir celle de l'ensemble des ouvriers, des paysans pauvres et de la population des bidonvilles, contre les divers États et forces d'oppression et contre l'impérialisme, pour le pouvoir prolétarien au Moyen-Orient, pour une union dans la diversité des cultures et des ethnies, pour le socialisme dans la région arabe et dans le monde entier.

Une telle politique prolétarienne ne pourrait s'arrêter aux frontières d'Israël. Il existe en Israël une classe ouvrière, qui a une composante juive et une composante arabe palestinienne, la composante la plus pauvre et la plus exploitée issue des territoires occupés de Cisjordanie et de Gaza. Dans l'une comme dans l'autre, les révolutionnaires prolétariens devraient intervenir, en cherchant notamment à démontrer à la classe ouvrière et à la population juives, que c'est leur intérêt de rompre avec la politique sioniste de l'État d'Israël.

Défendre une telle politique implique de créer des partis prolétariens, cherchant à regrouper d'une façon autonome les militants conscients de ces tâches, les militants cherchant à intervenir au sein de la classe ouvrière et au sein dé la population pauvre des campagnes, des bidonvilles, des camps de réfugiés, pour développer une conscience qui aille au-delà de la conscience nationaliste pour être déjà une conscience de classe.

Seuls de tels partis prolétariens pourront dans les conflits qui déchirent le Moyen-Orient, défendre un point de vue de classe, une perspective d'union et de fusion des différentes luttes allant à l'opposé de leur fractionnement actuel, sachant les diriger contre leur véritable ennemi : le système impérialiste lui-même, et leur montrer quel est leur allié naturel : la classe ouvrière mondiale.

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