Lutte Ouvrière dans la campagne électorale01/01/19861986Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1986/01/120.jpg.484x700_q85_box-59%2C0%2C2329%2C3284_crop_detail.jpg

Lutte Ouvrière dans la campagne électorale

Le 16 mars prochain les travailleurs seront appelés à voter et notre organisation sera donc appelée à participer à ces élections, ne serait-ce que pour combattre les illusions électoralistes. Lors de ces élections, il n'y aura pas les espoirs qu'il pouvait y avoir en 1978 en particulier, pendant la période où il y avait encore une montée à gauche, quand les travailleurs nourrissaient encore des illusions sur les perspectives de changement qu'allait apporter une victoire de la gauche aux élections.

Déjà en 1981, quand Mitterrand a emporté une victoire électorale par surprise, au moment où plus grand monde ne l'attendait, l'enthousiasme n'a pas été bien grand. C'était déjà une période de chômage. Le recul électoral du PC, un symptôme de non radicalisation, était un fait politique plus important que tout le reste.

Aujourd'hui, deux mois avant le scrutin des législatives, si les partis de gauche regagnent quelques points dans les sondages (mais moins que les grands partis de droite !), même s'il y a encore des illusions, il n'y a plus du tout la même attente politique. Tout au plus les travailleurs craignent-ils que la victoire de la droite empire les choses. Ils n'espèrent plus que la victoire de la gauche, même si elle était possible, les améliore. La gauche n'a pas changé la situation actuelle en mieux. Avec la droite, ce sera la même situation, en pire. Voilà les limites des illusions électorales actuelles.

Dans cette situation, le rôle des socialistes et communistes révolutionnaires est de s'adresser aux travailleurs les plus conscients, en saisissant l'opportunité de la période électorale quand un plus grand nombre de travailleurs se préoccupent plus ou moins des choix politiques des uns et des autres.

Nous nous adresserons, dans cette campagne, principalement au prolétariat des entreprises, aussi bien de l'industrie que du tertiaire, aux secteurs les plus concentrés de la classe ouvrière, pour toucher ceux des travailleurs qui ont conscience que ce sont les réactions, les luttes de la classe ouvrière qui seules pourront changer quelque peu le sort des travailleurs. Nous nous adresserons à ces travailleurs qui restent attachés aux idéaux communistes et socialistes et aux traditions de la lutte de classe.

Ces travailleurs-là sont minoritaires, peu nombreux, et surtout ont l'impression d'être seuls. Mais nous leur parlerons au nom de l'avenir de la classe ouvrière, la seule force capable de transformer de façon révolutionnaire cette société, en faisant en sorte qu'ils prennent confiance en eux et en leurs idées, même s'ils sont minoritaires. Car dans les périodes de recul, ce sont ces minoritaires-là qui posent les balises de l'avenir. Et ce sont eux qui constitueront l'avant-garde dans la période de remontée ouvrière. Ce sont les minorités qui savent résister à contre-courant qui seules pourront changer le monde.

Nous avons choisi de nous présenter dans quelques dizaines de départements, là où nous avons une présence militante, parce que c'est là que nous pouvons montrer à ces travailleurs qu'ils ne sont pas isolés. Car dans les périodes de reflux et de réaction, ce sont ceux qui tiennent haut le drapeau du marxisme révolutionnaire contre les panacées bourgeoises des temps de crise et contre les reniements et les trahisons réformistes, qui peuvent permettre aux travailleurs qui n'ont pas perdu espoir de continuer à militer, mêmes'ils se savent minoritaires et à contre-courant.

Oui, les idées communistes sont toujours valables, ces idées que la bourgeoisie s'acharne à combattre et le réformisme à discréditer, parce que ce sont les seules qui menacent réellement l'ordre établi, les seules qu'ils craignent vraiment.

Vous, militants ouvriers, dirons-nous, vous dont la bourgeoisie et les bureaucraties conservatrices tentent de couvrir la voix, vous devez trouver les moyens de ne pas vous laisser réduire au silence et à l'inaction.

Tournez le dos à tous ces votes qu'on dit « utiles » mais impuissants à faire pression sur qui que ce soit. Utilisez votre vote pour dire que vous voulez prendre la parole, et que vous la prendrez, que vous ne voulez pas en laisser le monopole à tous ceux qui ont avili les idéaux socialistes et communistes et trahissent les espoirs des travailleurs.

Voilà pourquoi il vous faut aussi tourner le dos aux illusions de mai 68 dont sont issus les différents courants qui se disaient peut-être contestataires, mais qui le plus souvent ne se battaient pas pour la classe ouvrière. Car à partir du moment où la classe ouvrière, avec la crise et la pression du chômage, se trouve en situation plus difficile, et a besoin plus que jamais de trouver en son sein de l'énergie et du courage politique, des femmes et des hommes insensibles aux modes politiques mais fermement attachés aux idéaux et aux principes prolétariens, c'est de ce côté-là qu'il y a le moins d'énergie militante à rassembler, le plus d'émiettement, le plus de reniements des valeurs prolétariennes, sous couvert de nouveautés idéologiques.

Plus que jamais les militants ouvriers doivent se tourner vers leur propre classe, et trouver en son sein l'énergie militante indispensable, quand il faut serrer les coudes, et défendre becs et ongles les principes contre tous ceux qui veulent détourner le mouvement ouvrier de ses traditions combattantes.

Et ceux qui sont à la recherche d'idéologies « nouvelles », qui veulent jeter le vieux marxisme par-dessus bord pour y substituer des, recettes bourgeoises se trompent et trompent les travailleurs. Et il faut bien constater que parmi cette gauche issue de 68, la plupart des courants se situaient non pas à la gauche du PC, mais à la gauche du PS, justement bien moins lié au prolétariat. Et dans ces mouvements-là, beaucoup reprochent au PC son communisme, pas son côté réactionnaire. Ce qui n'est pas notre cas.

C'est pourquoi nous avons été au regret que la LCR ne prenne pas ses distances envers ces courants qui la rejetaient d'ailleurs, pour se joindre à nous dans ce type de campagne, pour mener avec nous le combat politique nécessaire dans cette période de réaction sociale et politique pour les principes du communisme prolétarien et du marxisme révolutionnaire et de ne pas avoir préparé ses militants lors de son congrès à ce seul choix.

Car lorsque la classe ouvrière et ses militants connaissent un certain désarroi politique, il est plus que jamais indispensable de leur dire où doivent se situer les révolutionnaires.

Alors, avec les moyens dont nous disposons, nous nous adresserons aux travailleurs conscients, à ceux qui justement veulent lutter contre le désarroi dans les rangs ouvriers, qui ont une mémoire politique, qui restent sceptiques à l'égard de ceux qui retournent dans l'opposition avec un langage radical après avoir pendant trois ans participé au même gouvernement que les socialistes, et en en partageant le discrédit. Nous nous adresserons à ceux qui n'ont pas d'illusions électorales ou qui n'en ont plus, et qui savent que la véritable force des travailleurs est sur le terrain de la lutte de classe.

Il y a des travailleurs qui sont dupes de l'intoxication bourgeoise de gauche comme de droite de ces temps de crise, qui croient même pour certains pouvoir s'en sortir sur le dos des travailleurs immigrés. Il y a des travailleurs politiquement et socialement flexibles. Et il y a ceux qui ne le sont pas. C'est à ceux-ci que nous nous adresserons. A ceux qui veulent lutter résolument contre tout ce qui rend inutile le dévouement quotidien des militants ouvriers à leur classe, contre la politique traîtresse des syndicats et des partis. Et voilà ce qu'en substance nous leur dirons : vous savez qu'il n'y a rien à attendre des élections, qu'en 1981, il n'a servi à rien de bien voter. Vous avez vu qu'une majorité de gauche à l'Assemblée ne servait à rien. Que des députés communistes au gouvernement ne servaient à rien. Mais vous avez pu voir aussi comment de simples coups de colère ouvrière, des grèves spontanées, comme chez les cheminots ou les conducteurs du métro parisien, pouvaient inspirer une crainte salutaire aux bourgeois comme au gouvernement. Mais l'organisation et la lutte consciente des travailleurs, c'est-à-dire celles qui ne se contentent pas d'attendre les consignes à contretemps des directions bureaucratiques, peuvent aussi leur inspirer les mêmes craintes. Et pour commencer, l'expression de l'opinion des travailleurs les plus conscients peut aussi les faire réfléchir. Et il ne tient qu'à vous de le faire. Les listes de Lutte Ouvrière vous en donnent la possibilité.

Vous avez vu à quel point les organisations ouvrières officielles ont joué le jeu des politiciens de gauche au gouvernement et se sont avérées impuissantes devant les attaques et les remises en cause du patronat. Car le syndicalisme des postes et des places étouffe la flamme militante. Oui, il faut redonner vie au mouvement ouvrier, quitte à mettre devant le fait accompli, quitte à bousculer, quitte à déboulonner les dirigeants qui défendent leurs positions dans les appareils et les organismes gouvernementaux avant les intérêts des travailleurs du rang. Oui, les travailleurs conscients doivent partir à la reconquête de leur propre mouvement ouvrier, en organisant véritablement les travailleurs qui croient en la lutte de classe.

Car à quoi sert, en bas, l'abnégation des militants, leur dévouement quotidien, quand en haut les dirigeants des syndicats et des partis s'entendent avec les gouvernants de la bourgeoisie ? A quoi servent les efforts de syndicalisation, quand en bas il faut rendre compte des trahisons d'en haut ? A quoi sert l'énergie dépensée pour redonner confiance à ses camarades de travail, pour les convaincre d'être inflexibles, quand en haut les dirigeants sont flexibles, eux qui en cinq ans ont accepté le blocage des salaires et les remises en cause successives de la législation et de la protection sociales ?

Travailleurs véritablement communistes, véritablement socialistes, il est grand temps de constituer la minorité ouvrière capable de régénérer le mouvement ouvrier perclus de réformisme, de légalisme, d'électoralisme et d'arrivisme gouvernemental. Cette minorité-là n'aura pas besoin de postes octroyés par la bourgeoisie en temps de vaches grasses pour défendre la cause du prolétariat. C'est pourquoi elle la défendra vraiment.

Oui, une nouvelle minorité agissante doit ressurgir au sein de la classe ouvrière. Une minorité qui aura bien plus d'importance pour l'avenir du mouvement ouvrier que toutes les majorités électorales impuissantes, dont tout le monde se fiche à commencer par ceux qu'elles élisent. Cardans l'action, ce sont les minorités qui se transforment en majorités et sont capables de vaincre, pour peu qu'elles montrent de l'assurance, de la résolution, de la ténacité et de la suite dans les idées.

Aujourd'hui, c'est la crise et le chômage. Les patrons et les bourgeois poussent leur avantage. La classe ouvrière est attaquée, mise au ban de la société. On s'en prend à ses acquis, à ses traditions, à ses principes, à ses valeurs, à ses idées. On veut qu'elle soit solidaire pour tout le monde. On accuse les cheminots, les conducteurs du métro, d'égoïsme parce qu'ils ont eu le courage de défendre leurs intérêts de classe. Alors oui, c'est à la minorité consciente de créer ses noyaux, dans l'ombre s'il le faut ; de tisser ses réseaux ; de mettre sur pied ses propres groupes de pression qui opposeront l'opinion ouvrière à l'intoxication bourgeoise, et en lesquels le gros des travailleurs reconnaîtront leur avant-garde quand ils se mettront en lutte. Il faut souder cette avant-garde. Il faut rassembler cette minorité décidée capable de redonner toute sa force au mouvement ouvrier.

Pendant la période d'essor économique, on pouvait croire, à condition de ne pas regarder trop loin, à condition d'oublier les guerres coloniales et l'exploitation du tiers-monde, que le capitalisme était supportable et pouvait avoir un visage humain. Mais avec la crise, on voit ce qu'il en est. La législation sociale, les protections sociales s'avèrent des coquilles vides. On voit bien que le capitalisme ne peut ni se réformer ni s'amender. Qu'il n'y a pas d'autre choix que de rompre avec le système, et qu'il n'y a pas « d'alternative », pas une autre façon, une meilleure façon de marcher avec le système et de s'en accommoder. Il n'y a pas le choix. Ce sera le socialisme ou la barbarie. C'est pourquoi il faut que la classe ouvrière se redonne les moyens d'être candidate à la gestion de l'ensemble de la société.

Voilà, en substance, comment nous nous adresserons aux travailleurs avec qui nous chercherons à entrer en contact dans cette campagne. Nous pouvons leur redonner confiance en eux-mêmes. Nous pouvons leur redonner confiance en ce que nous sommes. Car ceux-là peuvent voir que c'est la situation qui nous donne raison. Ceux-là peuvent tirer des bilans politiques. Et nous pouvons faire en sorte que ce bilan n'ait pas qu'une conclusion négative, mais débouche sur des perspectives militantes. Bien sûr, ces travailleurs-là ont vu la génération issue des espoirs de 1968 disparaître ou s'intégrer. Mais ils voient aussi qu'au sein de la classe ouvrière il existe des révolutionnaires qui ne sont pas démoralisés, qui continuent de militer et qui sont aussi présents dans les luttes que le Parti Communiste, tout en étant les seuls, eux, à maintenir le drapeau du communisme révolutionnaire et à avoir dit la vérité en 1981 comme en 1986.

Voilà donc ce que Lutte Ouvrière dira et fera dans ces élections.

Seule notre présence physique, effective, a une chance de rendre notre propagande crédible.

Alors bien sûr, cette campagne propagandiste ne sera sans doute entendue que des travailleurs les plus conscients, et plus particulièrement de ceux avec qui nous réussirons à rester en contact. Son efficacité ne se comptabilisera pas en voix ! Elle n'aura sans doute même pas de résultats immédiats, du moins visibles de l'extérieur. Car nous ne sommes pas en mesure de modifier les conditions objectives qui détermineront les conditions d'une nouvelle remontée ouvrière. Mais ces efforts dont nous ne récolterons pas les fruits immédiatement, poseront des jalons qui ,pourront s'avérer déterminants parla suite, quand les travailleurs que nous pourrons toucher et qui auront adopté nos idées et engagé une activité militante avec nous, les appliqueront eux-mêmes à une situation sociale et politique profondément modifiées. Et nous pouvons être sûrs qu'alors il sera possible de changer les rapports de forces au sein du mouvement ouvrier en faveur des idées des révolutionnaires.

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