Les révolutionnaires et les élections européennes01/12/19781978Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1978/12/59.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Les révolutionnaires et les élections européennes

Les élections au Parlement européen sont encore lointaines, mais l'agitation qui s'est emparée, à ce sujet, des états-majors des grands partis politiques est telle que personne dans ce pays ne peut plus les ignorer.

Ou plus exactement, personne ne peut plus ignorer, la chasse aux voix étant manifestement commencée, qu'on votera, en France, en juin prochain. Mais il n'est pas sûr qu'il soit aussi évident pour tout le monde que de semblables élections se dérouleront le même jour, dans les autres pays du Marché Commun, pour désigner au suffrage universel les députés du Parlement européen.

Ce Parlement est d'ailleurs tellement discret qu'il en est méconnu. Combien de gens savent par exemple qu'il existe depuis vingt ans, depuis 1958 ? Combien de ceux qui en connaissent vaguement l'existence ne le confondent pas avec le Conseil de l'Europe, qui depuis 1949 réunit - à Strasbourg lui aussi - et à des fins purement décoratives, des représentants de presque tous les pays européens (en dehors, bien sûr, de l'URSS et de ses satellites) ?

Combien de gens ont entendu parler des travaux de ce Parlement européen, et des prises de position des députés qui y siègent, ne serait-ce que des 36 députés français, ne serait-ce que des députés de l'opposition, puisque le Parti Communiste, comme le Parti Socialiste, y ont un certain nombre de représentants ?

Quasiment personne, et ce n'est pas étonnant, car le Parlement européen n'a guère de rôle, et les discussions qui se déroulent en son sein n'ont guère d'influence sur la vie quotidienne des quelque 260 millions d'habitants de l'Europe des Neuf.

Un parlement potiche sans pouvoir, sans moyens, sans attributions

C'est que le Parlement européen n'est même pas un vrai parlement. Il a beaucoup moins de pouvoir encore - et ce n'est pas peu dire - qu'un parlement national. D'ailleurs, le traité de Rome, qui a créé le Marché Commun, ne désignait cet organisme que par les termes « d'assemblée européenne », et ce sont les membres de cette assemblée - sans doute soucieux de revaloriser leur fonction - qui l'ont rebaptisée « parlement ».

Mais la différence avec un parlement national est de taille. Un parlement national, c'est un organisme qui légifère, c'est-àdire qu'il discute des textes de loi, et qu'il en adopte. Bien sûr, il ne suffit pas qu'une loi ait été votée pour qu'elle soit appliquée. Les ministres concernés ou le chef de l'État peuvent en différer longuement, voire indéfiniment, les effets en ne publiant pas les décrets d'application nécessaires. Ils peuvent aussi en changer le contenu grâce à des décrets d'application adéquats. Mais il n'en reste pas moins que dans toutes les démocraties bourgeoises, le parlement joue un rôle politique non négligeable.

Mais le Parlement européen, lui, est un parlement qui ne légifère pas, pour la simple raison qu'il n'y a jamais eu jusqu'à maintenant, et qu'il n'y aura pas non plus après les élections de juin prochain, d'organisme supra-national chargé d'élaborer des lois s'imposant à tous les États membres de la Communauté. Cela n'est pas prévu dans le traité de Rome. Et la seule chose qui est prévue, dans le but de faciliter la libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes, c'est que les différents partenaires de la Communauté Economique Européenne s'emploient à harmoniser leur législation économique et sociale. Mais même dans cette tâche-là, le rôle du Parlement européen est extrêmement modeste.

Il ne décide rien. Il ne peut même pas proposer directement des mesures au Conseil des ministres. Il ne peut que s'adresser à la Commission de Bruxelles, dont il est chargé de contrôler les travaux. Comme en outre sa compétence, comme celle de tous les organismes de la C.E.E., est rigoureusement limitée au domaine économique, le Parlement européen est le siège de doctes débats ayant pour but de déterminer si les propositions de la Commission de Bruxelles, en matière d'unification des législations européennes concernant les problèmes d'emballage ou d'étiquetage de tel ou tel produit, sont parfaitement judicieuses.

Voici par exemple quelques sujets de débats relevés au cours des derniers mois :

- le financement des enquêtes sur le cheptel bovin

- le règlement concernant les services par autocars entre États membres

- le commerce du houblon

- la distribution des canaux de télévision

- l'utilisation du charbon dans les centrales électriques

- l'étiquetage des produits cosmétiques.

Bien sûr, sur le papier, le Parlement européen n'est pas réduit qu'à discutailler à propos des travaux de la Commission de Bruxelles. Il a par exemple la possibilité, s'il est en désaccord avec celle-ci, de voter une motion de censure la concernant. Mais il faut dire tout de suite qu'en vingt ans ce n'est jamais arrivé, et qu'on voit mal pourquoi d'aussi « honorables gentlemen », discutant de la meilleure manière de favoriser le commerce entre leurs pays respectifs, en viendraient à des mesures aussi extrêmes, contre les « honorables gentlemen » d'une commission qui se donne exactement les mêmes buts. D'autant que ce sont d'autres « honorables gentlemen », les ministres des Neuf, qui prennent les vraies décisions.

Le Parlement européen a aussi pour tâche de voter le budget de la Communauté. Cela pourrait être une chose importante. Mais le budget de leur prétendue Europe représente bien moins que celui de chacun des grands pays participants. En 1975, par exemple, il représentait 12 % du budget de la France. Et comme il s'agit essentiellement de fonds destinés à couvrir des dépenses obligatoires, parce que prévues dans les accords, et auxquelles le Parlement européen ne peut rien, cette glorieuse institution a donc en réalité un droit de regard sur des sommes qui, d'après les Européens les plus optimistes, représentent moins de 2,5 % du budget de la France.

Ce pouvoir budgétaire du Parlement européen passionne d'ailleurs tellement ses membres qu'en 1976, lors de la présentation du budget, sur 198 députés, il y avait 134 absents.

Alors, si dans tous les États nationaux le parlement n'est finalement que le masque démocratique derrière lequel se dissimule le pouvoir réel de la bourgeoisie, le Parlement européen, lui, n'est qu'un masque vide. C'est une façade sans rien derrière, un simple décor de théâtre. Et ce ne sont pas les modifications qu'il va subir en juin prochain qui y changeront quelque chose.

On va porter le nombre des parlementaires européens à 410. Au lieu de les faire désigner par les différents parlements nationaux, on va les faire élire au suffrage universel. Mais cela ne changera rien à leur rôle. Ce n'est même pas un bouleversement du Marché Commun, puisque l'élection du Parlement européen au suffrage universel était déjà prévue dans le traité de Rome de 1957. Et s'il aura fallu attendre plus de vingt ans pour voir cet objectif atteint, c'est simplement qu'à petite Europe, petite vitesse !

Pourquoi l'élection au suffrage universel ?

Alors quel intérêt les différentes bourgeoisies européennes peuvent-elles trouver à ce mode de désignation des parlementaires européens ? Faire un peu de mousse sur le Marché Commun ? Peut-être. Mais pas seulement. Car il y a tout de même une chose que l'élection du Parlement européen au suffrage universel peut changer : et c'est le visage de ce Parlement par rapport à l'électorat, par rapport à l'opinion publique.

Aujourd'hui, tout le monde ou presque ignore, sinon l'existence de ce Parlement, du moins son activité. Mais ce n'est pas seulement parce que cette activité est « bidon » - sans quoi aucun parlement, à commencer par le parlement français, ne réussirait à faire parler de lui. C'est aussi parce que le mode actuel de désignation des parlementaires européens fait qu'ils restent des étrangers pour le grand public, alors que les mêmes parlementaires, dotés de la même absence de pouvoir, pourraient avoir une certaine notoriété en étant élus au suffrage universel.

Voilà qui pourrait être intéressant pour chaque bourgeoisie membre de la Communauté. Jusqu'à présent en effet, le seul moyen dont chacune d'elle dispose pour aboutir à une harmonisation de la législation des différents pays, dans un sens qui l'intéresse, c'est la négociation avec ses partenaires dans les coulisses de Bruxelles. Mais si demain les gens accordaient un tant soit peu d'intérêt à ce qui se passe au sein du Parlement européen, parce qu'ils l'auront élu, eh bien les représentants des capitalistes d'un pays donné pourront s'adresser directement à l'opinion publique des autres pays de la Communauté.

On verra peut-être, par exemple, des députés d'un pays dénoncer du haut de la tribune du Parlement européen le fait que dans un autre pays de la Communauté la législation autorise encore l'utilisation de tel produit, de tel additif, de tel colorant, plus ou moins dangereux. Ou le fait qu'elle n'impose pas des normes de sécurité aussi strictes.

Du point de vue des consommateurs, ce ne serait évidemment pas un mal. Mais plus que le règne d'une information libre, ce serait celui des groupes de pression parlementaires, des lobbies de toutes sortes, qui s'emploieraient à transformer ce parlement en agence de publicité.

En tout cas, cela ne changerait rien de fondamental au rôle de ce parlement.

Les revolutionnaires dans ces élections

Dans ce contexte, les révolutionnaires doivent-ils envisager d'y présenter des candidats ?

Il n'y a, en tout cas, aucune objection de principe.

Le fait qu'il s'agisse d'élections européennes ne change rien pour nous par rapport à la participation aux élections législatives françaises, par exemple, puisque même dans le cadre de l'Europe capitaliste, l'unification de l'Europe serait un progrès si les bourgeoisies nationales en étaient capables.

Le fait qu'il s'agisse d'un parlement sans pouvoirs réels n'est pas non plus un obstacle à une participation des révolutionnaires. Le Parlement européen aura au moins cet avantage sur les différents parlements nationaux de ne guère pouvoir soulever d'illusions sur son rôle, car chacun pourra facilement constater qu'il constitue surtout un élément décoratif.

Alors, si la seule chose que ce parlement puisse faire est de servir de tribune européenne, autant que cette tribune ne soit pas monopolisée par les représentants des différentes bourgeoisies, des différents trusts européens. Autant, si c'est possible, que les intérêts des travailleurs puissent s'y exprimer.

Bien sûr, les seuls sujets qui pourront être abordés, dans le cadre de ce parlement, dont la compétence est strictement limitée aux problèmes économiques, sont ceux qui se rapportent, d'une manière ou d'une autre, à la libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes. Mais même sur ce plan-là, les révolutionnaires socialistes ont bien des choses à dire, qui n'ont rien de commun avec les propos de ces messieurs, les représentants de l'Europe des capitalistes.

Ils affirment aujourd'hui que tous les peuples d'Europe ont des intérêts communs. Fort bien. Mais l'Europe, ce n'est pas seulement une entité géographique qui pourrait devenir une entité économique. Deux fois en moins d'un siècle, cela a été un gigantesque champ de bataille, sur lequel on a envoyé les prolétaires de tous les pays d'Europe se faire massacrer à qui mieux mieux, au nom de la défense de la patrie, pour le seul profit des patrons.

Et les gens qui sont responsables de cela, ou du moins ceux qui continuent leur œuvre - mais c'est pareil ! - se présentent aujourd'hui comme les champions de l'amitié entre les peuples européens, mais sans cesser pour autant, bien sûr, de se faire les chantres du nationalisme. Eh bien, la tribune du Parlement européen pourrait être un excellent endroit pour expliquer à tous les exploités du continent que si la fraternité entre les peuples est une grande et belle idée, le nationalisme est un poison. Pour expliquer que si les capitalistes en sont à essayer de mettre sur pied une communauté économique européenne, c'est bien parce que l'ère des États nationaux, l'ère des patries, est irrémédiablement dépassée au cadran de l'histoire.

Tous les hommes politiques bourgeois qui se prétendent européens se disent partisans de « l'Europe des patries ». Nous, les révolutionnaires socialistes, nous devons expliquer aux travailleurs qu'il faudra faire l'Europe, oui !, mais qu'il faudra la faire, et que l'on ne pourra la faire, que contre les patries et que contre les patrons !

Le corset des frontières nationales étrangle à tel point l'économie européenne que les bourgeoisies de l'Europe occidentale, tout en continuant à proclamer que les vieilles mythologies patriotiques sont toujours valables, et - plus concrètement - tout en restant solidement accrochées à leurs appareils dÉtat nationaux, ont été obligées, malgré elles, de mettre sur pied des institutions ayant, formellement du moins, une allure supra-nationale. C'est le cas du Parlement européen. Eh bien, s'il y en a la possibilité, il faut prendre les bourgeois au mot, et essayer de faire de ce parlement croupion une tribune pour combattre le nationalisme et le chauvinisme. Une tribune pour rappeler que si, entre deux guerres de conquêtes et de rapines, les exploiteurs doivent parfois essayer de s'entendre pour faire des affaires, les exploités, eux, ne doivent avoir qu'une seule devise : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».

Mais il ne suffit pas de se dire internationaliste, ou de se proclamer « Quatrième Internationale », pour défendre une politique réellement internationaliste à propos de ces élections européennes.

La Ligue Communiste Révolutionnaire et les autres organisations européennes du Secrétariat Unifié viennent, par exemple, de publier un programme commun à cette occasion. Et elles y prennent position « contre l'intégration du Portugal, de l'Espagne et de la Grèce dans la Communauté du Capital » (voir Rouge des 17/18 novembre).

Les positions de la LCR, en ce domaine, ne se distinguent donc guère, finalement, de celles du PCF Celui-ci aussi essaie de donner une teinte radicale à son opposition à l'entrée du Portugal, de l'Espagne et de la Grèce dans le Marché Commun. Il se prononce « contre l'Europe des trusts », mais « pour l'Europe des travailleurs ». Mais ce n'est qu'une façon de camoufler un peu son chauvinisme. Et la LCR, en s'alignant de fait sur les positions du PCF, s'aligne du même coup sur le nationalisme de celui-ci.

Bien sûr que le Marché Commun, c'est l'Europe du capital. Mais la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, etc. qui le constituent, ce sont la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne du capital. Et dire que nous sommes contre le Marché Commun parce que nous sommes contre le capital, c'est un non-sens.

Les camarades de la LCR n'osent tout de même pas se dire « contre l'entrée des travailleurs portugais, espagnols et grecs dans la France du Capital ». Mais c'est pourtant la logique de leur raisonnement.

er novembre), Mandel aurait mieux fait d'examiner d'un peu plus près la politique de sa propre organisation, le Secrétariat Unifié.

Alors oui, il faudrait pouvoir faire entendre une voix internationaliste à propos de ces élections. Mais une voix vraiment internationaliste.

Il faudrait même essayer de la faire entendre du haut du Parlement de Strasbourg. Mais est-ce que c'est possible ?

Il y a d'abord le problème de l'argent, et ce n'est pas un mince problème. En effet, la démocratie telle que les bourgeois la conçoivent, cela veut dire donner à tous les courants politiques - du moins à ceux qui verseront une caution de dix millions d'anciens francs - le droit de se présenter à ces élections, mais en obligeant chacun d'eux à financer, non seulement sa campagne électorale, mais encore l'impression des bulletins de vote et des professions de foi destinées aux électeurs. Ce n'est évidemment pas un problème pour les représentants des industriels et des banquiers. Mais c'en est un pour les révolutionnaires, car dans un scrutin national comme celui-là, cela veut dire engager des dépenses de plusieurs centaines de millions d'anciens francs, au minimum. Des sommes considérables - pour nous - qui ne seront remboursées qu'aux partis obtenant plus de 5 % des voix.

Mais s'il s'agit d'un problème difficile à résoudre, c'est un problème soluble, car nous le savons, nous pouvons compter dans de telles circonstances sur la solidarité de milliers de travailleurs, et nous pourrions d'autant plus y compter qu'il leur paraîtrait possible, par leur geste, de contribuer à faire élire des révolutionnaires.

Est-ce possible ?

Une proportionnelle tronquée

Toute la presse a déjà annoncé que les élections du 10 juin prochain, du moins en France (car l'unification européenne n'a pas encore été jusqu'à faire adopter dans tous les pays le même type de scrutin), toute la presse a donc déjà annoncé que ces élections auront lieu à la proportionnelle, sur la base d'une circonscription unique, constituée par le pays tout entier.

C'est-à-dire que chaque formation politique présentera une liste de 81 candidats, correspondant aux 81 sièges français à pourvoir, et que l'attribution du nombre de sièges àchaque parti se fera proportionnellement au nombre de voix que sa liste aura obtenu.

Un rapide calcul montre que dans de telles élections, sur la base du nombre de voix recueillies en 1974 par notre camarade Arlette Laguîller, ou sur celle du nombre de voix qui se sont portées sur nos candidats en mars dernier, Lutte Ouvrière serait sûre d'avoir au moins un, voire deux députés.

Mais, parce qu'évidemment il y a un mais, la proportionnelle qu'on nous prépare est une proportionnelle truquée. Pour éviter, nous dit-on, que la représentation française ne soit trop dispersée, il a été décidé que seules les formations obtenant au moins 5 % des suffrages exprimés compteront dans le décompte des sièges. Et certains trouvent encore cela trop démocratique, puisqu'un projet de loi, visant à porter cette barre à 10 % des électeurs inscrits, a été déposé.

Ce projet de loi ne sera peut être pas adopté, parce que 10 % des inscrits, suivant le taux d'abstention, cela signifie entre 12 et 20 % des voix, et que cela constituerait un obstacle pour certains partis bourgeois, non seulement les Radicaux de Gauche, mais aussi les différentes composantes de l'U.D.F. si elles se présentaient séparément, voire le R.P.R. qui n'est pas sûr dans ces élections de faire plus de 20 % des voix. Mais même si la loi électorale reste en l'état actuel, la barre à 5 % des suffrages exprimés est une mesure ouvertement antidémocratique. Et son adoption, dans ces élections européennes, est significative des véritables raisons qui poussent nos gouvernants à refuser une véritable représentation proportionnelle.

En effet, lorsqu'à l'occasion de chaque élection législative, des voix se font entendre pour dénoncer le caractère inique du scrutin majoritaire, les défenseurs de celui-ci veulent bien admettre que la proportionnelle permettrait de mieux représenter la diversité de l'opinion publique, mais affirment qu'elle rendrait toute majorité parlementaire stable impossible, du fait même de cette diversité. La multiplicité des petits groupes parlementaires, disentils ferait que si sur chaque problème on trouvait des majorités circonstancielles, il n'y aurait pas une majorité cohérente, d'un bout à l'autre de la législature, capable de mener une même politique. Et ils en déduisent donc la nécessité d'adopter un système donnant une prime aux grands partis, et en particulier aux formations majoritaires.

Admettons un instant cette explication. Mais alors, pourquoi une véritable proportionnelle n'est-elle pas possible dans les futures élections européennes ?

Le fait même que le Parlement européen n'a pas à légiférer, n'a pratiquement aucun pouvoir, que l'existence d'une majorité stable ou non en son sein n'aura de toute manière aucune importance, tout cela devrait supprimer toutes les objections contre une véritable proportionnelle. S'il ne décide rien, le Parlement européen est donc une chambre de débats, une chambre d'idées. Alors, quel intérêt d'en écarter précisément tous ceux qui ont des idées un peu originales, d'en réserver l'accès aux fameux quatre grands que l'on entend partout ?

Le Parlement de Strasbourg est un parlement d'idées, mais on ne souhaite visiblement pas que toutes les idées puissent s'y faire entendre. Et si les électeurs seront appelés le 10 juin à élire leurs députés au Parlement européen selon un système différent de celui qui est appliqué aux élections législatives, ce sera tout de même selon un système truqué, destiné à écarter de ce parlement toutes les minorités non conformistes. Car ce ne sont pas seulement les révolutionnaires qui sont visés. Ce sont plus généralement tous ceux qui ne sont pas liés au monde parlementaire et à ses mœurs, tous ceux qui - parce qu'ils ne sont pas intégrés au système - risqueraient de ne pas suivre les règles du jeu, telles que la bourgeoisie les a définies.

En fait, ce sont les mêmes raisons qui jouent, dans le cas des élections législatives françaises comme dans celui des élections européennes, pour mettre des obstacles à la représentation des courants politiques minoritaires.

Mais si les représentants de la bourgeoisie tiennent tellement à écarter les révolutionnaires de toute tribune parlementaire, si ça les gênerait tellement d'y entendre ne serait-ce qu'une seule voix s'y élever pour y exprimer les intérêts de classe des travailleurs, ce doit être pour nous une raison de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour y accéder.

Mais cela ne dépend pas que de la volonté et des efforts des seuls militants et sympathisants de Lutte Ouvrière.

Recenser nos soutiens

Nous ne sommes pas seuls. Nous l'avons démontré lors des précédentes consultations électorales auxquelles nous avons participé, il y a dans ce pays des centaines de milliers de travailleurs des villes et des champs qui se reconnaissent dans le langage des révolutionnaires. Et il y en a encore bien plus qui sympathisent avec nos idées, mais qui ont peur de perdre leurs voix en votant pour des courants minoritaires.

Alors le problème est de savoir si lors des prochaines élections européennes, il y aurait suffisamment de travailleurs susceptibles de voter pour une liste révolutionnaire (de telle manière que les résultats de cette liste apparaissent positifs) voire d'envoyer au Parlement européen (parce que la barrière des 5 % est tout de même moins difficile à franchir que celle du scrutin majoritaire des législatives) des députés internationalistes, pour y proclamer les aspirations des travailleurs à un monde sans frontière et sans guerre, a une république universelle des producteurs.

Le problème, c'est aussi de savoir si ces élections européennes mobiliseront suffisamment l'électorat populaire pour nous permettre de trouver les soutiens financiers, matériels et militants, susceptibles de nous permettre de nous présenter à ces élections, comme cela a par exemple été le cas au printemps 1978.

Mais la réponse à ces questions, nous ne l'aurons que si nous la cherchons, que si dès a présent nous développons largement nos positions sur l'Europe et les élections européennes, que si nous nous attachons à en mesurer l'écho, que si nous recensons les soutiens sur lesquels nous pourrons éventuellement compter.

f4 Comment s'étonner qu'après un tel exposé, manifestement destiné à démontrer que le chocolat Van Houten ne contient pas, lui,f4i « d'additifs nuisibles à la santé », f4i0 le vice-président de la Commission ait déclaré : f4i « Je m'associerai aux louanges adressées au rapporteur qui, à propos d'une affaire de si peu d'importance en apparence, a évoqué des sujets d'une très vaste portée ».

Car si cet écho, ces soutiens n'existent pas, le problème ne se posera plus. Mais s'ils existent, alors nous devrons y répondre. Car à un moment où au nom du communisme les Marchais et les Séguy embouchent les trompettes du nationalisme le plus éculé, à un moment où ces cocoricos permettent à des Giscard et à des Barre de se présenter frauduleusement comme les hérauts de la fraternité entre les peuples, il serait capital que puisse alors se faire entendre la voix de l'internationalisme prolétarien.

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