La Rhodhésie-Zimbabwe à l'heure de quelle l'indépendance ?21/01/19801980Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1980/01/71.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

La Rhodhésie-Zimbabwe à l'heure de quelle l'indépendance ?

La Rhodésie, située en Afrique australe, avait le statut de colonie anglaise jusqu'en 1965, où la minorité blanche rompit avec la Couronne britannique, pratiquement avec l'accord tacite du gouvernement anglais, plutôt satisfait que le régime raciste de Salisbury survive hors du Commonwealth, plutôt que d'avoir à le détruire.

Et depuis, les Blancs de Rhodésie, à l'exemple de leurs voisins d'Afrique du Sud, n'ont cessé de maintenir leurs privilèges, leur domination et la ségrégation raciale, contre l'immense majorité noire, en la privant des richesses, des terres et des moindres libertés politiques et personnelles.

Selon les accords qui viennent d'être conclus à Londres, c'est ce régime qui devrait prendre fin.

Aujourd'hui lan Smith, chef officiel ou officieux du gouvernement depuis 1964, vient d'accepter de signer un accord avec le Front Patriotique qui regroupe les deux organisations de la guérilla nationaliste, la ZAPU, l'Union du Peuple Africain du Zimbabwe (nom africain de la Rhodésie) dirigée par N'Komo, et la ZANU, l'Union Nationale Africaine du Zimbabwe dirigée par Mugabe.

Et si lan Smith a été contraint d'accepter un règlement avec N'Komo et Mugabe, ce qu'il avait toujours refusé lors des précédentes négociations, c'est le résultat de près de dix ans de guerre et de combats menés par les guérilleros, qui ont peu à peu amené l'impérialisme et les Blancs rhodésiens à admettre, contraints et forcés, un compromis.

Un sort à part pour les anciennes colonies d'afrique australe

Depuis 1945 dans le monde entier, les pays anciennement colonisés ont presque tous accédé les uns après les autres à l'indépendance. Face aux troubles et aux révoltes coloniales, les puissances ont dû se résigner, après bien des hésitations et des répressions, à une solution « de moindre mal ». En Afrique, c'est au cours des années 60 qu'elles ont cherché à remplacer la tutelle coloniale par des États noirs, les plus coopérants possible, afin de préserver l'essentiel de leur domination économique.

Mais il restait un bloc qui semblait devoir faire exception. C'était l'Afrique australe, composée de cinq pays : d'une part le Mozambique et l'Angola, deux colonies auxquelles la dictature portugaise s'accrochait au prix d'une longue guerre. Et d'autre part l'Afrique du Sud, la Rhodésie et la Namibie (ex-colonie allemande placée sous mandat sud-africain depuis 1919).

En Afrique du Sud et en Rhodésie, ce sont les minorités blanches, qui tiraient leur mode de vie aisé du fait colonial, qui ont décidé de refuser la décolonisation. Et elles ont pu le faire, à la différence d'autres colonies à forte minorité blanche, à cause de conditions géographiques et politiques particulières, et d'un environnement qui le leur a permis.

L'afrique du sud, chef de file de l'apartheid, et gendarme de l'impérialisme

En Afrique du Sud, la population blanche est relativement importante, bien que très minoritaire. Les Blancs sont aujourd'hui 4 millions contre 18 millions de Noirs et 3 millions de Métis et d'indiens. Leurs liens avec la Couronne britannique étaient assez lâches, puisqu'ils avaient obtenu le statut de dominion, différent de celui de colonie, à l'égal de la Nouvelle-Zélande ou du Canada, dès 1910. Et avec des richesses minières parmi les plus importantes du monde, lis pouvaient espérer vivre de longues années en choisissant une voie séparée.

La ségrégation déjà largement installée du temps de l'Angleterre fut codifiée et parachevée par les grandes lois sur l'Apartheid avec la venue au pouvoir en 1948 du Parti Nationaliste, le parti des Afrikaners, se proclamant le parti des descendants des premiers colons. Dans la seule période de 1960 à 1971, 98 lois racistes ont été adoptées pour réprimer les faits les plus banals de la vie quotidienne et obliger l'immense majorité noire à vivre à l'écart, dans des réserves et des ghettos. La Grande-Bretagne, pas plus que les autres grandes puissances, ne trouva rien à redire à cette évolution, ainsi qu'à la ségrégation institutionnalisée. Lorsqu'en 1961 l'Afrique du Sud quitta le Commonwealth, la Grande-Bretagne accepta le fait et continua les fructueuses affaires qu'elle entretenait dans ce pays, dont la moindre n'était sans doute pas l'importante couverture en or qu'il garantissait à la Banque d'Angleterre. Le gouvernement britannique tenait à ménager un tel banquier.

Et depuis, les puissances impérialistes, en particulier l'impérialisme américain, ne se sont jamais départies de leur soutien à l'égard du régime raciste en place à Pretoria. Les quelques protestations internationales émises contre les tournées de rugby des Springboks, voire même à propos de l'intervention de l'armée sud-africaine en Namibie pour empêcher celle-ci d'accéder à l'indépendance, n'ont été que des gestes bien hypocrites mais n'ont jamais terni leur bonne entente.

En effet, il est vital pour l'impérialisme que l'Afrique du Sud reste aux mains d'un État blanc. Avec la crise mondiale, les intérêts de l'impérialisme et sa détermination à garder l'Afrique du Sud dans son giron, n'ont pu que se renforcer. Car l'Afrique du Sud est le premier producteur d'or et de diamants du monde, valeurs de plus en plus recherchées, alors que le deuxième producteur d'or est l'Union Soviétique. L'impérialisme ne tient certainement pas à voir l'Afrique du Sud dirigée par un gouvernement noir, pouvant profiter de ses réserves exceptionnelles, pour exercer un chantage en menaçant de choisir le camp russe. L'exemple des pays producteurs de pétrole montre que même des régimes très liés à l'impérialisme ne sont pas exempts des pressions nationalistes du Tiers monde. Alors le fait que les Blancs racistes sud-africains, entourés d'États noirs et vivant sous la menace permanente d'une révolte, soient contraints de maintenir leur pouvoir au prix d'une dictature des plus odieuses, les rend tout à fait dépendants de leurs bonnes relations avec les grandes puissances impérialistes. Les mines d'or et de diamants du monde impérialiste sont donc préservées de toute convoitise par un gardien dont la vie dépend uniquement d'elles. C'est bien évidemment avec l'accord des grandes puissances impérialistes que le gouvernement de Pretoria s'est orienté depuis une dizaine d'années dans sa politique jusqu'au-boutiste de l'apartheid qui consiste à séparer le pays en deux, d'un côté la majeure partie de l'Afrique du Sud, avec l'essentiel des terres et presque toutes les mines, restant aux mains des Blancs et, de l'autre dix « homelands », zones noires destinées à une indépendance misérable, futurs États noirs mais pauvres et dispersés en autant de parcelles qu'il y a aujourd'hui de réserves, et dont le seul avenir ne peut être que de servir de simples fournisseurs de main-d'oeuvre à l'État blanc.

La rhodésie, dans l'ombre de l'afrique du sud

La Rhodésie a donc cherché appui auprès de l'Afrique du Sud depuis une trentaine d'années. Mais la minorité blanche y est beaucoup plus faible. Ayant plafonné à 400 000, elle ne compte aujourd'hui que 250 000 Blancs pour six millions de Noirs. Restée colonie jusqu'en 1965, la Rhodésie blanche ne pouvait espérer se maintenir seule, sans l'appui de la Grande-Bretagne et la présence de l'Afrique du Sud à ses côtés. La ségrégation n'y atteignit sans doute pas le même raffinement qu'en Afrique du Sud où les intellectuels blancs, des psychologues et sociologues comme Verwoerd, en ont fait un système des plus élaborés.

Par exemple aucune loi n'interdisait officiellement en Rhodésie les hôtels mixtes et une minorité parlementaire resta prévue pour les Noirs. Mais dans les faits elle les maintint dans la même misère et la même oppression, leur ôtant tout pouvoir politique et surtout toute possibilité d'améliorer leur sort. Et elle ne se contenta pas pour cela de la sélection par l'argent. En 1970 le gouvernement de Salisbury s'est doté d'une loi réservant aux seuls Blancs la moitié des terres, les meilleures sur les plateaux tempérés ou d'accès plus facile à proximité des grandes villes. Même pour les petits bourgeois noirs qui l'auraient pu, il fut interdit d'acheter une ferme.

Mais la majorité noire ne resta pas passive devant cette situation. Et c'est par les pendaisons et les razzias contre les zones noires soupçonnées d'infiltration de guérilleros que le gouvernement de Salisbury défendit les privilèges des Blancs, en particulier ceux de quelque 10 000 fermiers retranchés dans leurs fermes comme dans des forteresses, et qui s'accrochaient d'autant plus durement à leur pouvoir que celui-ci leur semblait plus menacé.

Profitant de l'exemple de l'Afrique du Sud et du soutien économique que celle-ci lui accordait, la Rhodésie décida en 1965 de rompre avec Londres. Le gouvernement anglais émit pour la forme quelques protestations. Il lui parut bon de faire semblant de se désolidariser du gouvernement raciste de Ian Smith par quelques simulacres de sanctions, face à l'opinion publique mondiale et surtout à celle de nombreux chefs d'État africains, nouveaux venus avec la vague de décolonisation dans les organismes internationaux comme l'ONU et au sein du Commonwealth. Ceux-ci d'ailleurs s'en contentèrent. Londres annonça donc la mise hors la zone livre-sterling de la Rhodésie et l'embargo de ses exportations, à la Conférence du Commonwealth qui se tint à Lagos en 1966. Ces sanctions furent ratifiées à l'ONU quelques mois plus tard. Mais elles n'étaient pas destinées à être suivies d'effet.

Le gouvernement travailliste en place à l'époque à Londres ordonna même aux fonctionnaires anglais à Salisbury de rester fidèlement à leur poste, c'est-à-dire de continuer à servir l'État rhodésien sur lequel la Grande-Bretagne s'était depuis toujours appuyée.

Et depuis la Rhodésie blanche a continué à vivre comme si de rien n'était, de son agriculture avec une main-d'oeuvre noire quasi gratuite. Malgré l'embargo hypocrite de l'Angleterre, le tabac et la viande produits dans des fermes ultramodernes atteignant parfois 1 000 hectares, continuèrent à trouver acquéreurs sur le marché mondial. Et surtout les richesses minières, le chrome, l'amiante et le manganèse, continuèrent d'attirer les investissements des multinationales, qui, elles, n'étaient pas de toute façon concernées par les sanctions internationales. Les deux sociétés britanniques, Lonrho et Rio Tinto, la société américaine Union Carbide et surtout la toute puissante AngloAmerican Corporation du magnat sud-africain Oppenheimer, ne cessèrent de dominer l'industrie d'extraction qui faisait de la Rhodésie le deuxième pays industriel d'Afrique. La seule partie un peu visible de l'embargo et qui concernait les livraisons de pétrole, fut, elle aussi, ouvertement tournée par Shell, BP, Total, qui ont continué de livrer l'ensemble des produits pétroliers dont Salisbury avait besoin, par l'intermédiaire de leurs filiales sud-africaines. Sans compter les livraisons d'armes dont la France s'est fait une spécialité. Et c'est encore 150 hélicoptères Alouette, il est vrai fournis sous licence sud-africaine, qui équipent aujourd'hui l'armée rhodésienne dans sa lutte contre la guérilla.

L'impérialisme laissa en fait la possibilité à la minorité blanche de jouer sa propre carte. Non pas qu'il se soit senti lié à son sort et engagé en quelque sorte par un sentiment de dette à son égard. Mais devant l'absence de troubles et d'un mouvement national fort et capable d'ébranler le régime ségrégationniste, rien ne le poussait à provoquer la débâcle de la minorité blanche.

Un régime condamné par la guerre civile

Mais cela allait changer avec le développement des organisations nationalistes et surtout la remontée des conflits en Afrique dans les années 70. L'impérialisme, gêné par une guerre civile qui menaçait la stabilité dans cette partie du monde, dissocia de plus en plus ouvertement le cas de la Rhodésie et parallèlement celui de la Namibie d'avec le sort privilégié qu'il continua à faire à l'Afrique du Sud.

En Rhodésie, les mouvements nationalistes existaient depuis de longues années. Ils étaient certes faibles et très divisés avant même d'avoir acquis une audience dans l'ensemble du pays. Dès 1963, une scission au sein de la ZAPU dirigée par N'Komo avait formé la ZANU avec à sa tête Mugabe et à l'époque le pasteur Sithole. Tandis qu'un troisième mouvement, beaucoup plus modéré, avec l'évêque Muzorewa, menait une existence presque admise par les autorités à Salisbury. Mais dès 1966, de violents accrochages à Sinoa, dans le nord du pays, avaient donné fort à faire à l'armée rhodésienne. Celle-ci d'ailleurs ne réussit à contenir les mouvements nationalistes que tant que l'armée portugaise maintint de son côté l'ordre sur la plus longue de ses frontières, celle du Mozambique.

La situation changea totalement en 1974 avec le renversement de la dictature au Portugal et l'indépendance de ses colonies du Mozambique et d'Angola. Non seulement la Rhodésie se retrouva du coup entourée d'États noirs, à part les 200 kilomètres de frontière commune avec l'Afrique du Sud, mais elle va devoir compter avec une résistance nationaliste accrue, sur laquelle la victoire des mouvements nationalistes voisins, le FRELIMO au Mozambique et le MPLA en Angola, eut un effet contagieux et qui développa vite son influence dans l'ensemble du pays.

Et à peine deux ans plus tard éclatait comme un nouveau coup de semonce, cette fois en Afrique du Sud, la révolte noire de Soweto. Commencée en juin 76, elle allait gagner les autres ghettos noirs et résister six mois. Et c'est cette succession d'événements, rappelant à l'ordre le gouvernement de Pretoria et l'impérialisme, qui amènera le gouvernement Ian Smith de Rhodésie à composer.

Certes ni l'Afrique du Sud ni l'impérialisme anglo-américain ne tiennent à voir la Rhodésie indépendante et aux mains d'un gouvernement noir. Car celle-ci est un pays riche et industrialisé, à la différence des autres pays noirs voisins. En effet, ceux-ci sont de simples enclaves comme le Lesotho ou le Ngwane, ou des pays trop pauvres pour échapper à la tutelle économique de l'Afrique du Sud et qui, comme la Zambie, le Botswana et même le Mozambique, sont contraints de vivre des exportations de céréales venant de Rhodésie et d'Afrique du Sud.

Mais la guerre civile en Rhodésie risquait de faire tache d'huile et de susciter d'autres révoltes, y compris en Afrique du Sud. Et cela représentait un gros danger, non seulement pour les dirigeants de ce pays, mais aussi pour tout le monde impérialiste, étant donné le monopole sur l'or et le diamant - véritables et de plus en plus seules monnaies internationales - exercé par ce pays. Et le principal intéressé à une négociation, fictive ou pas, en Rhodésie sera dès lors l'Afrique du Sud elle-même.

Le Premier ministre sud-africain Vorster, engagé dans ce qu'il appelle la politique de « détente », sera le principal artisan chargé de convaincre son homologue Ian Smith de la nécessité d'une solution de rechange en Rhodésie. A cette occasion il acceptera de faire quelques entorses à l'apartheid, toutes symboliques bien sûr, comme de recevoir à Pretoria l'ambassadeur noir de Carter, Andrew Young ou quelques chefs d'États africains, décrétés pour l'occasion Blancs « honoris causa ». Les industriels blancs de Pretoria, eux-mêmes, commencèrent à se montrer prudents dans leurs investissements dans une Rhodésie de plus en plus troublée par la guerre.

A la fin de 1974, après une intervention du gouvernement Vorster, Ian Smith avait accepté de libérer les deux leaders noirs N'Komo et Sabote, emprisonnés depuis plus de quatorze ans. Tirés de prison, ils participèrent à une première conférence à Lusaka. Mais le gouvernement Smith refusa à l'époque d'aller plus loin.

En 1976, à la Conférence de Genève, il accepta le principe « d'un homme, un vote » et le plan Kissinger, qui prévoyait la passation des pouvoirs à un gouvernement noir dans un délai de deux ans, ce qui évidemment ne se fit que d'une façon formelle.

Car pour Ian Smith, cela allait signifier la recherche d'un « règlement interne » limitant, si les mouvements de guérilla le permettaient, la négociation aux seuls leaders noirs modérés qui se ralliaient à sa politique, l'évêque Muzorewa, le pasteur Sithole et le chef Chirau. Et c'est ainsi que les élections d'avril 78 pour lesquelles l'administration Smith mobilisa toute la population blanche armée, plus de 70 000 hommes, pour veiller à ce que les Noirs aillent bien voter et ne suivent pas le mot d'ordre de boycott lancé par les mouvements de guérilla, mirent en place le premier gouvernement noir, avec à sa tête l'évêque Muzorewa mais derrière lui Ian Smith ministre sans portefeuille, mais détenteur véritable du pouvoir.

Six mois ont passé et la relative popularité dont bénéficiait Muzorewa, tout comme la majorité noire de façade du gouvernement, n'ont rien réglé. Non seulement les Blancs détenaient encore tous les pouvoirs - ils s'étaient réservé pour cela un droit de veto à l'Assemblée - , mais surtout les Noirs n'avaient rien à en attendre quant à leur situation sociale et leur accession à la terre.

Ce qui fit que la guérilla ne désarma pas. Au contraire, depuis juin 1979, les combats n'ont jamais été aussi violents.

Alors Ian Smith a été contraint de signer un accord avec les dirigeants de la guérilla.

Mais tous les problèmes sont loin d'être réglés pour autant. Certes les nationalistes noirs ont imposé leur présence aux négociations, ils ont fait admettre qu'un règlement politique devait compter avec eux. Et c'est bien parce que l'armée rhodésienne ne pouvait venir à bout de leur résistance, que l'impérialisme et Ian Smith en sont venus à négocier avec eux.

Mais il reste à savoir comment les accords restés sans doute en grande partie secrets ou volontairement très vagues à Londres, se régleront sur le terrain. Sans doute les dirigeants du Front Patriotique ont-ils obtenu à Londres les garanties qu'ils jugeaient indispensables à leur retour. Mais la meilleure des garanties reste encore aujourd'hui la force des armes et la mobilisation populaire et non pas les engagements formels qu'ont pu prendre à Londres les diplomates anglais et Ian Smith. Et le fait qu'ils n'aient pas jugé bon de rendre public le contenu des négociations et d'informer les masses populaires, qui sont leurs véritables alliés, des exigences de l'impérialisme et de Ian Smith au cours même des négociations, marque certainement quel genre de rapport les dirigeants nationalistes comptent entretenir avec la population, mais cela marque aussi leur faiblesse.

Ils ont par exemple déclaré se ranger sous l'arbitrage et la protection de Lord Soames, et l'on ne peut que souhaiter qu'ils n'aient pas à regretter de n'avoir compté que sur cette protection.

Les accords ont annoncé que les guérilleros de retour du Mozambique et de Zambie devaient rejoindre une quinzaine de camps qui leur ont été assignés et dans lesquels seulement ils pourraient garder leurs armes, tandis que de son côté l'armée rhodésienne devrait rejoindre elle aussi ses cantonnements. En réalité si l'on ne peut savoir la proportion réelle de guérilleros qui ont accepté de rejoindre ces camps, l'armée rhodésienne, elle, continue à tenir le haut du pavé. Et c'est cette armée, encore aux mains des Blancs, composée à 50 % de mercenaires et aidée dans le sud du pays par des troupes sud-africaines, qui vient d'être invitée par Lord Soames à aider la police dans le maintien de l'ordre.

Quant aux élections, elles risquent, même si elles ont lieu, d'être l'occasion d'affrontements entre les diverses tendances nationalistes, car celles-ci sont divisées, et l'on peut compter sur les efforts de l'impérialisme comme sur ceux de la minorité blanche pour aiguiser ces divisions.

Alors les accords de Londres peuvent peut-être aboutir à la constitution d'un État noir du Zimbabwe indépendant, mais ils peuvent encore se révéler n'être qu'un piège sanglant, où les camps de guérilleros seraient des cibles privilégiées à une intervention militaire.

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