La LCR à la recherche d'une jeunesse12/11/19781978Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1978/11/58.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

La LCR à la recherche d'une jeunesse

La LCR a l'intention de créer son organisation de jeunesse, les Jeunesses Communistes Révolutionnaires. Cela fait près de deux ans qu'elle l'a annoncé lors de son IIème Congrès début 1977, mais maintenant cela a l'air plus sérieux, la date du congrès de constitution des JCR est fixée pour février 1979 !

Il faut reconnaître que la LCR s'y connaît en gadgets organisationnels. Après avoir, elle ou ses ancêtres, impulsé avant mai 68 les Comités Vietnam Nationaux, elle a essayé, après 68, de lancer le « Secours Rouge », puis des comités « antifascistes », puis des « groupes femmes ». Maintenant, c'est au tour des jeunes d'être l'objet des ardeurs créatives de la LCR qui revient ainsi à ses origines, puisqu'elle était issue en partie de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire créée en 1966 par le PCI, nom que portait alors l'organisation française de la IVe Internationale...

En tout cas, cette nouvelle organisation de jeunesse, la LCR dit la vouloir « solide, démocratique, capable de vivre par ses propres moyens, luttant avec la IVesuper0 Internationale pour la révolution mondiale » (c'est ce qu'affirme un article de Barricades, le mensuel jeunes de la LCR, daté de novembre 1978.

Bref, la LCR annonce son intention de créer une organisation « de masses », agit et fait des déclarations comme si des milliers de jeunes n'attendaient que la création des JCR pour s'organiser, défendre les idées révolutionnaires et militer.

Mais la réalité est là... et de toute évidence les jeunes ne se pressent pas plus aux cercles « Barricades » qui doivent former les futures JCR que dans les anciens Cercles Rouges de la même LCR

Et il faut croire que la LCR ne se sent pas pressée par les foules, puisqu'entre la décision de créer les JCR prise début 1977 et le lancement de la campagne qui devait y conduire - démarrée début 1978 - elle a laissé s'écouler un an, et qu'elle a prudemment, on ne sait trop pour quelles raisons, préféré différer la création officielle des JCR qui devait, semble-t-il, être annoncée au cours d'une « Conférence Nationale Jeune » organisée en avril dernier.

Evidemment, même si les JCR restent une organisation de jeunesse sans troupes, elles ne feront illusion à personne, en France, mais elles pourront toujours servir à la LCR à jeter de la poudre aux yeux... aux organisations de la IVe Internationale qui ne demandent qu'à se laisser impressionner par des « succès » à l'étranger !

Mais continuons sur les intentions de la l.c.r. son objectif, dit-elle, est d'arriver à organiser au sein de la j.c.r. les jeunes de toutes les catégories sociales, « l'ensemble de la jeunesse », c'est-à-dire des jeunes étudiants, des jeunes lycéens, et des jeunes apprentis, collégiens, ouvriers, côte à côte.

Bien sûr, la LCR sait bien, et le dit, que dans la jeunesse il y a la jeunesse ouvrière, et la jeunesse lycéenne et étudiante. Elle se dit même soucieuse des intérêts de la jeunesse ouvrière. Mais ce qu'elle ne dit pas, c'est comment faire pour éviter que la jeunesse étudiante et lycéenne prenne la première place dans l'organisation de jeunesse, l'imprègne de ses préoccupations et oriente ses activités, risque qui existe du simple fait que, aujourd'hui, pour peu politisée que soit l'ensemble de la jeunesse, c'est encore les lycéens et les étudiants qui, grâce aux facilités que leur donne la culture qu'ils ont acquise, savent parler, s'imposer - et imposer leurs préoccupations.

Citons un fait, petit certes, mais significatif.

Dans le dernier numéro de Barricades, un article discute de la place des étudiants dans les futures JCR

Il se trouve, d'après cet article, que dans de nombreuses discussions, la présence des étudiants au sein des JCR « se trouve contestée ». On leur reproche « une attitude méprisante, une manière de militer trop caricaturale ». Eh bien l'article de Barricades, qui admet ces critiques, ne s'adresse pas aux étudiants pour leur expliquer quels efforts lis devraient faire pour être proches des jeunes du milieu ouvrier. Il se contente de justifier, en direction sans doute des jeunes collégiens et des jeunes ouvriers, au nom de « la bataille politique essentielle des J. C. R. : réaliser la mobilisation unitaire de la jeunesse aux côtés de la classe ouvrière » , la nécessité d'accepter les étudiants, tels quels, dans les JCR, parce que leur rôle serait de « mobiliser les étudiants aux côtés de la classe ouvrière » .

Une telle attitude est tout à fait dans la logique de la politique de la LCR : n'a-t-elle pas toujours demandé, chaque fois que le problème s'est posé, dans les luttes que les jeunes de CET ont menées au cours des années precédentes, de faire passer en second leurs revendications derrière celles des lycéens et des étudiants, et de renoncer à leur apparition et à leur organisation autonome au nom « des intérêts du mouvement »... des étudiants et des lycéens ? N'a-t-elle pas voulu, par exemple, au cours du mouvement de 1973, imposer aux jeunes de CET de se battre... pour les sursis militaires, alors qu'ils n'étaient absolument pas concernés par cette question ?

Alors, toujours dans la logique de la politique de la LCR, on peut prédire sans trop de mal que les lycéens ou les étudiants sauront, dans les futures JCR, faire prendre en charge leurs problèmes... et écarter, non seulement les problèmes des jeunes de milieu ouvrier, mais même, sans doute, ces jeunes eux-mêmes, et que, les JCR constitueront une organisation essentiellement lycéenne, tant par ses préoccupations que par sa composition.

Mais puisqu'on est en droit de penser que la LCR, quoi qu'elle en dise, ne s'attend pas à voir les jeunes affluer en masse au sein des JCR, on peut donc en déduire qu'elle doit quand même bien trouver un intérêt interne, un intérêt organisationnel, à leur création.

Mais quel intérêt, ou quels intérêts ?

La création de l'organisation de jeunesse a-t-elle pour objectif de régler des problèmes organisationnels tels que la perte de vitesse de la LCR dans les milieux lycéens et étudiants, et la crise de recrutement qui doit en découler ? Bref, est-ce que la LCR y voit un moyen d'attirer des jeunes en leur offrant un cadre avenant et moins « organisationnel » que la LCR, pour mieux pouvoir les recruter et les organiser ensuite dans l'organisation adulte ?

Ou, au contraire, la création des JCR a-t-elle comme objectif d'évacuer de l'organisation adulte le problème que pose la présence d'un certain nombre de ses membres qui, si l'on en croit les débats qui animent la LCR au moment de ses congrès en particulier, trouvent que la LCR est trop centralisée, trop « organisationnelle », pas assez démocratique, trop trotskyste, etc. ?

S'il s'agit de cela, on cornprend fort bien, alors, pourquoi la LCR mène toute une propagande sur « l'indépendance » dont les JCR bénéficieront, sur le plan des locaux, du journal, des directions, par rapport à la LCR ! Propagande qui est doublement démagogique, soit dit en passant.

D'abord parce que de telles affirmations nient la réalité, à savoir que, dans les faits, c'est bien les militants de la LCR qui impulseront, dirigeront, contrôleront demain, comme ils le font aujourd'hui, l'organisation de jeunesse. Ensuite parce qu'elles présentent cette situation comme quelque chose d'anormal et de méprisable, ce qu'elle n'est en rien si l'on offre à tous les jeunes, qui en ont le désir et la capacité, de prendre leur place à part entière dans l'organisation révolutionnaire elle-même, dans le parti.

Mais on peut douter que cette démagogie suffise à attirer les jeunes. Tout au plus aura-t-elle comme résultat de faire porter aux militants de la LCR deux casquettes, selon qu'ils se réuniront au sein de la LCR ou au sein de la JCR, comme le font les actuels dirigeants et militants de l'AJS-OCI !

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