Portugal : quelles perspectives pour la classe ouvrière après les événements du 25 novembre ?01/01/19761976Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Portugal : quelles perspectives pour la classe ouvrière après les événements du 25 novembre ?

Au fur et à mesure que le temps passe, il devient de plus en plus évident que les événements du 25 novembre 1975 n'ont pas été une simple péripétie sans lendemain, mais qu'ils ont au contraire marqué le début d'une nouvelle période dans le développement de la situation portugaise.

Dix jours avant ces événements, le gouvernement Azevedo avait été obligé de céder sur toute la ligne, devant les travailleurs du bâtiment qui assiégeaient l'Assemblée Constituante. Le 16 novembre, Lisbonne avait vu se dérouler, à l'appel des comités ouvriers, de l'organisation de soldats «Soldats Unis Vaincront», du Parti Communiste, de l'intersyndicale et des organisations révolutionnaires, la plus grande manifestation populaire depuis le 1er mai 1974 : plus de 100 000 personnes réclamant la démission du gouvernement.

Mais depuis l'échec de la rébellion des parachutistes de Tancos, l'initiative a changé de camp. L'extrême-gauche ne se retrouve plus dans la rue qu'en cortèges restreints pour réclamer la libération des militaires emprisonnés depuis ce 25 novembre. Alors que certains expliquaient, il n'y a pas si longtemps, que «l'épuration» de l'appareil d'État portugais avait quasiment démantelé celui-ci, les corps de répression hérités de l'époque de Salazar et de Caetano réapparaissent au grand jour. On parle de plus en plus ouvertement de la remise en liberté des agents de la PIDE, la sinistre police politique de l'époque de la dictature. Et le gouvernement n'hésite plus à réutiliser la Garde Nationale Républicaine dans des tâches de répression, et à la couvrir quand elle ouvre le feu sur des manifestants désarmés, comme ce fut le cas le 1er janvier à Porto.

Sur le plan gouvernemental, les événements du 25 novembre ont également bien changé les choses. Le gouvernement Azevedo, que l'on pouvait croire, à la veille de la rébellion des parachutistes de Tancos, condamné à court terme, a survécu, au moins jusqu'au moment où ces lignes sont écrites. Et si, au même moment, un nouveau remaniement ministériel se négocie encore interminablement à Lisbonne, comme c'est devenu une tradition, il est exclu que le Parti Communiste Portugais puisse espérer plus que de conserver le strapontin qu'il occupe depuis le début dans le sixième gouvernement provisoire, contrairement à ce qu'il pouvait espérer dans la première quinzaine de novembre.

Mais la composition du futur gouvernement portugais est, en elle-même, une question d'importance secondaire pour les travailleurs. Qu'un plus ou moins grand nombre de ministres se disant communistes président à leur exploitation ne changera rien à leur sort. Et la question-clé, aujourd'hui, au Portugal, est celle des perspectives de la classe ouvrière après le 25 novembre. On ne peut y répondre sans avoir mesuré en quoi les événements du 25 novembre ont constitué un échec pour les travailleurs, et quelle était l'importance de cet échec.

Et d'abord, y a-t-il eu défaite de la classe ouvrière ? La question se pose, puisque celle-ci n'est à aucun moment intervenue dans les événements du 25 novembre, puisque ces événements n'ont opposé que des militaires. Mais parmi ces militaires, ceux de Tancos qui ont été vaincus étaient - au moins objectivement - les alliés de la classe ouvrière. Et c'est leur défaite qui constitue pour celIe-ci un recul dont il convient de mesurer l'importance.

Qu'est-ce qui était en jeu le 25 novembre ?

La cause initiale de la rébellion des parachutistes de Tancos a été la décision du gouvernement de démettre de ses fonctions de commandant de la région militaire de Lisbonne le général de Carvalho.

Si on ne la juge qu'en fonction de soin point de départ, la rébellion de Tancos n'apparaît alors que comme un épisode dans la lutte qui depuis des mois opposait au Portugal d'une part les partisans d'un bonapartisme militaire s'appuyant au besoin sur les partis ouvriers réformistes (Carvalho étant le candidat officieux le plus en vue pour ce rôle de bonaparte), et d'autre part les partisans de l'instauration d'un système parlementaire bourgeois.

Il est bien évident que l'affrontement entre ces deux lignes politiques bourgeoises, également nuisibles aux intérêts des travailleurs, ne concernait en rien la classe ouvrière, et que celIe-ci n'avait pas à intervenir pour essayer de maintenir en place Carvalho, la réputation de « général progressiste » de celui-ci, et le soutien que lui accordait le Parti Communiste - et la majorité des gauchistes - n'en faisant pas un représentant des intérêts des travailleurs.

Mais - en dehors sans doute d'une partie de leurs officiers - les militaires qui voulaient s'opposer au limogeage de Carvalho ne le faisaient pas pour défendre une politique bourgeoise. Ils étaient simplement - comme beaucoup de travailleurs, d'ailleurs - victimes de leurs illusions sur les généraux dits « de gauche ». Et surtout, ils entendaient utiliser ce droit de fait, gagné par les soldats portugais, d'intervenir dans le choix de leurs officiers.

Après tout, les parachutistes de Tancos, encouragés par l'exemple de la victoire partielle remportée un mois plus tôt par la mutinerie des soldats de Porto, pouvaient espérer eux aussi contraindre le gouvernement à négocier un compromis.

Mais la rébellion déclenchée, ce n'est plus le problème de l'affectation du général de Carvalho qui était en cause. Celui-ci s'est d'ailleurs bien gardé d'intervenir dans les événements, et de faire le moindre geste qui puisse laisser croire que les rebelles avaient sa caution. Ce qui était en cause, c'était le problème de la discipline dans l'armée. Et le gouvernement allait faire des événements du 25 novembre le point de départ de toute une campagne de reprise en mains des troupes, dont tous les officiers supérieurs et les politiciens bourgeois clamaient depuis longtemps la nécessité, mais que personne n'avait encore osé engager sérieusement.

C'est que l'occasion était belle. Jusque-là, si toutes les fractions qui s'affrontaient au sein de l'état-major se déclaraient en faveur d'un rétablissement de la discipline dans l'armée, rien de très concret n'avait été fait, en partie parce qu'il était difficile de prévoir comment réagiraient soldats et travailleurs, en partie parce que, si chaque fraction du MFA aspirait à ce rétablissement de la discipline, elle ne tenait pas à en faire les frais, et à voir disparaître les appuis qu'elle pouvait avoir parmi les officiers subalternes, les sous-officiers et la troupe. Mais une fois les parachutistes de Tancos passés dans une situation insurrectionnelle, les officiers au nom desquels ils se soulevaient, à commencer par Carvalho, ne pouvaient que les abandonner, et que laisser leurs adversaires au sein du commandement les mettre au pas, sous peine de prendre le risque de déclencher une guerre civile.

Et le coup d'envoi étant donné à partir de la répression de la rébellion de quelques éléments, c'est toute la mécanique de reprise en mains de l'armée qui pouvait se mettre en marche et cela, d'autant plus facilement que l'isolement dans lequel s'étaient trouvé les parachutistes de Tancos ne pouvait pas inciter d'autres unités à essayer de résister aux tentatives de rétablissement de la discipline militaire.

La classe ouvrière a la veille du 25 novembre

Le 25 novembre, la classe ouvrière portugaise se trouva d'autant moins en état d'intervenir, qu'elle était profondément divisée par la lutte qui opposait depuis des mois le Parti Socialiste au Parti Communiste Portugais. Les deux grands partis ouvriers réformistes avaient en effet lié chacun leur sort à l'une des politiques bourgeoises qui s'affrontaient. Le Parti Communiste, conscient qu'il n'avait de chances de participer au gouvernement que dans la mesure où l'armée voulait bien l'y admettre, soutenait les généraux partisans d'un bonapartisme militaire. Le Parti Socialiste, surtout depuis que les élections d'avril 1975 avaient démontré son influence électorale, s'était fait le champion d'une solution parlementariste.

A partir du moment où le Parti Socialiste, par son départ du gouvernement, le 10 juillet 1975, porta le débat au sein du MFA, et y suscita le développement d'une tendance favorable à ses thèses, PCP. et PS se trouvèrent chacun à la remorque d'une des fractions de l'armée : celle représentée par des hommes comme Gonçalves ou Carvalho pour le Parti Communiste, celle dont Melo Antunes était le chef de file pour le Parti Socialiste.

Mais si la politique des deux grands partis ouvriers réformistes visait, de la même manière au fond, à les amener à gérer les affaires de la bourgeoisie, ni l'un ni l'autre ne pouvait évidemment l'avouer devant leur propre base. Dissimulant sa politique opportuniste sous une phraséologie et des attitudes gauchistes, le Parti Communiste adopta vis-à-vis du Parti Socialiste une politique sectaire, marquée par exemple par l'affaire du Republica, et par l'appel à élever des barricades pour empêcher les militants socialistes de manifester. Le Parti Socialiste, de son côté, essaya de se présenter comme le champion de la défense des libertés contre les entreprises du PCP. Mais opposer les militants du Parti Communiste à ceux du Parti Socialiste, en accusant les uns d'être les partisans d'une dictature totalitaire, les autres d'être des agents de la réaction, ce n'était évidemment pas le meilleur moyen de souder l'unité de la classe ouvrière, et de la préparer aux combats qui l'attendaient.

Dans ce contexte politique, la seule manière d'atteindre ces derniers objectifs aurait été de proposer à l'ensemble de la classe ouvrière un programme d'action répondant aux aspirations communes des travailleurs socialistes et des travailleurs communistes. On ne pouvait évidemment pas compter sur le Parti Communiste, ou sur le Parti Socialiste, l'un et l'autre trop intéressés à maintenir la division de la classe ouvrière, pour prendre l'initiative d'une telle politique. Mais cela aurait dû être le rôle de l'extrême-gauche révolutionnaire qui, au cours de l'année 1975, avait manifestement gagné une influence non négligeable dans certaines couches de la classe ouvrière.

Malheureusement, la plupart des groupes de cette extrême-gauche, s'avérèrent incapables de mener une telle politique et, au lieu de lutter pour essayer de surmonter la division de la classe ouvrière résultant de la politique du Parti Communiste et du Parti Socialiste, ils se mirent à la remorque politique de l'un ou de l'autre parti et des fractions du MFA que chacun de ces partis appuyait.

Quant à ceux qui essayèrent de mener une telle politique, leur influence était trop faible pour changer un tant soit peu la situation.

Dans ces conditions, l'opération de reprise en mains de la troupe qui suivit la rébellion des parachutistes de Tancos vit la classe ouvrière rester pratiquement inactive.

Ceux des travailleurs qui faisaient confiance au Parti Socialiste, et qui crurent plus ou moins à la version de ce dernier, présentant la rébellion des parachutistes comme une tentative de putsch du Parti Communiste et de l'extrême-gauche, visant à transformer le Portugal en « démocratie populaire », ne pouvaient en effet que souhaiter l'échec de cette rébellion.

Et les militants du Parti Communiste, quelle qu'ait pu être leur envie de prêter main-forte aux militaires rebelles, ne reçurent aucune consigne en ce sens de leur parti, prêt à soutenir Carvalho, mais pas à soutenir des soldats qui, emportés par leurs illusions sur celui-ci, venaient de franchir les limites de la légalité, et de se mettre dans une situation insurrectionnelle.

La classe ouvrière aurait-elle du intervenir ?

Il était pourtant vital pour la classe ouvrière de ne pas laisser les parachutistes de Tancos isolés, car les soldats qui rejetaient la discipline militaire, qui demandaient à pouvoir choisir leurs chefs et discuter les ordres, étaient les meilleurs alliés des travailleurs.

La bourgeoisie portugaise le savait si bien que, si ses hommes politiques et ses généraux se préoccupaient tant, depuis quelques mois, du moyen de restaurer la discipline au sein de l'armée, c'est parce qu'ils voulaient disposer éventuellement d'un instrument de répression utilisable contre la population. Tant que cette discipline n'était pas restaurée, la classe ouvrière portugaise n'avait pratiquement pas à craindre un coup d'État de la droite.

Les travailleurs auraient donc dû soutenir les parachutistes de Tancos, non pas parce qu'ils s'étaient rebellés pour défendre Carvalho, mais indépendamment de cela, comme ils auraient dû d'ailleurs, en d'autres circonstances, défendre éventuellement des soldats qui se seraient rebellés pour empêcher Carvalho d'essayer de restaurer la discipline à son profit.

Cela ne veut certes pas dire que les travailleurs portugais auraient dû se joindre à la rébellion de Tancos. Celle-ci était manifestement, et la suite des événements l'a suffisamment démontré, un geste aussi aventuriste que faux par le but qu'il s'était donné, maintenir Carvalho à son poste. La classe ouvrière portugaise n'en était d'ailleurs pas à pouvoir s'emparer du pouvoir, et ce n'était pas le geste de quelques centaines de soldats qui pouvait créer d'un seul coup les conditions d'une telle prise de pouvoir. Cela, la non-intervention de la classe ouvrière dans ces événements l'a démontré mieux que tout.

Mais les travailleurs portugais, ne serait-ce qu'une minorité d'entre eux, auraient pu, en descendant dans la rue, en manifestant, en exprimant de toutes les manières leur soutien à l'action des soldats qui refusaient le rétablissement de la discipline, contraindre le gouvernement à négocier, comme il l'avait fait un mois plus tôt à Porto.

Ce n'est pas tant devant la force, en effet, que les parachutistes se sont rendus. Car s'ils étaient peu nombreux, le seul corps de répression sur lequel le gouvernement pouvait sérieusement compter en l'occurrence, les commandos d'Amadora, ne l'étaient pas plus. C'est devant l'absence totale de perspectives dans laquelle ils se trouvaient, devant leur propre isolement, que les parachutistes de Tancos ont capitulé.

L'intervention de la classe ouvrière ne leur aurait sans doute pas permis de vaincre. Mais elle aurait pu leur offrir d'autres portes de sortie qu'une capitulation pure et simple devant le gouvernement. Et elle aurait démontré à tous les soldats qui étaient décidés à lutter pour garder le droit de faire de la politique dans l'armée, et de discuter à qui servaient les ordres qu'ils recevaient, qu'ils pouvaient éventuellement compter sur la classe ouvrière. Au lieu de cela, c'est la démonstration inverse qui a été faite.

Pourquoi la classe ouvrière n'est-elle pas intervenue ?

Les fatalistes seront peut-être tentés de dire que si la classe ouvrière portugaise n'est pas intervenue dans ces événements, c'est qu'elle ne le pouvait pas, que son niveau de conscience et de combativité n'était pas assez élevé.

Ce ne serait d'ailleurs pas entièrement faux. La facilité avec laquelle le gouvernement a mené son opération de reprise en mains de l'armée, a malheureusement démontré, en tous cas, toute la vanité des analyses triomphalistes de ceux qui expliquaient, à la veille de ces événements, que la situation était mûre, au Portugal, pour que la classe ouvrière puisse s'y emparer du pouvoir.

Entre avril 1974 et novembre 1975, la classe ouvrière portugaise a certes largement exploité les nouvelles possibilités légales que lui a données le renversement de Caetano. Elle s'est organisée, sur le plan syndical comme sur le plan politique. Elle s'est politisée. Et aucune classe ouvrière d'Europe occidentale, depuis vingt ans, ne s'est trouvé placée plus concrètement devant le problème de la révolution socialiste que la classe ouvrière portugaise. Mais elle n'en était pas encore à pouvoir prendre le pouvoir et l'exercer. Ce problème de la prise du pouvoir à court terme n'aurait pu se trouver posé que si elle avait déjà disposé de tout un réseau d'organes de pouvoir prolétarien, comités d'usines, de quartiers, de soviets. Que si elle avait disposé aussi d'une direction révolutionnaire, d'un parti, capable de lui ouvrir la perspective de la révolution socialiste. On n'en était pas encore là en novembre 1975, et les événements l'ont montré.

Les illusions étaient pourtant nombreuses à ce sujet à la veille du 25 novembre, parmi nombre de groupes révolutionnaires. Beaucoup avaient confondu quelques comités de travailleurs, plus ou moins représentatifs, avec des soviets ; quelques comités de soldats avec le passage de l'armée à la révolution socialiste ; et à force de se faire les apôtres des actions et des formes d'organisation « exemmplaires », avaient pris ces comités « exemplaires » pour de véritables organes de pouvoir ouvrier.

L'extrême-gauche portugaise avait gagné une influence certaine sur une fraction de la classe ouvrière, sur quelques milliers, quelques dizaines de milliers au maximum, de travailleurs. Ce n'était pas négligeable, loin de là, mais ce n'était pas, loin de là aussi, l'indice permettant d'affirmer que le niveau de conscience de l'ensemble de la classe ouvrière portugaise était tel qu'elle était à la veille de pouvoir s'emparer du pouvoir.

Mais même au niveau de conscience atteint par la classe ouvrière portugaise, une intervention de celIe-ci aurait sans doute été possible. Que quelques dizaines de milliers de travailleurs soient descendus dans la rue, et se soient interposés entre les parachutistes de Tancos et les commandos d'Amadora, et la suite des événements pouvait en être bouleversée. La fraction de la classe ouvrière que les groupes révolutionnaires influençaient, pour minoritaire qu'elle ait été, pouvait empêcher la balance de pencher du mauvais côté. Seulement, les groupes révolutionnaires sont restés eux aussi désarmés devant ces événements, désarmés politiquement, et il ne s'est trouvé personne ayant un poids suffisant pour appeler les travailleurs à soutenir les parachutistes de Tancos.

Et maintenant ?

Dans l'immédiat, il faut être aveugle pour ne pas voir que les événements du 25 novembre, et ceux qui ont suivi, constituent un recul pour les travailleurs. La classe ouvrière n'a certes pas été battue dans un combat. Ses effectifs, ses organisations, sont intacts. Mais elle a perdu l'appui matériel et moral que représentait la sympathie active envers sa cause de la majorité des soldats. Elle a peut-être perdu des illusions (ce qui ne peut être qu'une bonne chose), mais elle n'a pas plus de perspectives qu'avant le 25 novembre. Et il est incontestable que bien des travailleurs, et en particulier tous ceux qui avaient mis leurs espoirs dans l'extrême-gauche, n'ont pu que ressortir démoralisés, parce que privés de perspectives, de ces événements.

Ce changement négatif du rapport de forces est d'ailleurs visible aussi aux réactions des gens d'en face, des représentants de la bourgeoisie, à la politique d'austérité appliquée par le gouvernement Azevedo, à la manière cynique dont le commandement a justifié la fusillade de Porto.

Est-ce à dire que le recul enregistré depuis ce 25 novembre marque définitivement la fin des espoirs que l'on pouvait nourrir sur la possibilité du développement d'une situation révolutionnaire au Portugal ? Que la défaite soit définitive pour toute une période. Certainement pas. Car le développement d'une crise révolutionnaire n'est justement pas quelque chose de linéaire, et ce ne serait pas la première fois qu'un recul temporaire de la classe ouvrière ait préparé une nouvelle offensive.

Mais, quels que soient les délais qui nous séparent d'une nouvelle montée de la classe ouvrière portugaise, qu'ils se comptent en mois ou bien en années, une chose est certaine : c'est que tout dépendra de la capacité des militants, des travailleurs, qui ont politiquement vécu les deux années tumultueuses que vient de traverser le Portugal, d'en tirer les leçons.

Même s'il ne s'en trouvait que quelques milliers pour s'être intimement convaincus que la seule solution, pour la classe ouvrière, face à tous les politiciens bourgeois qui se disent de gauche, à tous les généraux qui se disent progressistes, est de sauvegarder toujours son indépendance politique et organisationnelle, ce serait déjà un acquis considérable pour les luttes à venir.

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