L'impérialisme français nostalgique de la politique de la canonnière01/11/19771977Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

L'impérialisme français nostalgique de la politique de la canonnière

Bien que la « politique de la canonnière » soit devenue celle de l'escadrille aérienne, l'impérialisme français est le seul qui ose encore aujourd'hui intervenir militairement en Afrique. Les derniers événements de Mauritanie viennent encore de le confirmer.

Après une campagne destinée à émouvoir l'opinion publique sur le sort des otages français prisonniers du Front Polisario, le gouvernement français agite la menace d'une intervention militaire. L'impérialisme français est en effet concerné par la Mauritanie : le trust de la sidérurgie, Usinor, y exploite les richesses minières de Zouérate et est tout prêt à soutenir le gouvernement mauritanien, qui le lui rend bien.

Si les autorités françaises ont évoqué l'éventualité d'une opération de commando de style Mogadiscio ou Entebbe pour libérer les otages, ce fut pour dire qu'elles n'y auraient pas recours en évoquant les difficultés que cela provoquerait avec l'Algérie dont il faudrait violer le territoire. Mais les raisons données publiquement au renoncement à une telle action ne servirent qu'à justifier que d'autres mesures soient prises, c'est-à-dire à justifier une intervention militaire permanente de soutien à l'État mauritanien. Et la campagne faite autour du sort des otages a certainement ce but.

L'armée française vient de fournir à Ould Daddah, chef de l'État mauritanien, des instructeurs et une couverture aérienne, elle a mis en état d'alerte la 11e division d'intervention, transporté des renforts sur la base du Cap Vert près de Dakar au Sénégal et envoyé quelques « spécialistes » auprès de l'armée mauritanienne. D'après la presse, la base d'Atar en Mauritanie serait en cours de remise en état pour y accueillir les éléments de l'armée française. Mais ce n'est pas directement en Mauritanie pour le moment que les avions Transall ont transporté les quelques centaines de parachutistes qui sont partis de Toulouse. Et si plusieurs casernes en France ont été consignées, le départ pour la Mauritanie ne s'est pas encore effectué.

En matière d'expédition militaire, l'impérialisme français n'en est pas à son coup d'essai. Depuis la décolonisation du début des années soixante, la France s'est distinguée à de nombreuses reprises par ses interventions militaires en Afrique. Que ce soit pour sauvegarder des intérêts économiques directs de trusts français, ou que ce soit pour défendre des intérêts politiques ou stratégiques plus ou moins lointains. Du Gabon en 1964 en passant par le Tchad, Djibouti ou le Zaïre (l'avant-dernière aventure en date), à la Mauritanie et au Sahara occidental aujourd'hui.

Pour maintenir son ordre, l'impérialisme français ne se contente pas d'utiliser les divisions entre les ethnies qui coexistent dans des États artificiellement découpés au gré du partage des intérêts entre les grandes puissances. Il s'est aussi réservé, par l'intermédiaire d'accords d'assistance militaire, la possibilité de venir faire directement le gendarme, c'est-à-dire d'assurer par la force la stabilité des régimes africains, et par conséquent des profits de grosses sociétés françaises.

Au Zaïre en avril dernier, Mobutu n'a dû la survie de son pouvoir que grâce à l'intervention de la France qui, par troupes marocaines interposées transportées par les Transall de l'aviation française, a consolidé de justesse son régime menacé par un soulèvement à l'initiative des ex-gendarmes katangais. L'impérialisme français n'avait pas d'intérêts économiques directs à défendre - car les richesses minières du Shaba sont surtout aux mains de sociétés américaines ou belges - mais c'était pour les intérêts généraux de l'impérialisme dans cette région que la France est allée au-devant des désirs des USA en intervenant. Ces derniers ne tenaient pas, après s'être fourvoyés en Angola, à se compromettre à nouveau au Zaïre. L'axe Paris-Rabat a parfaitement fait l'affaire.

A Djibouti, « Territoire des Afars et des Issas » jusqu'au référendum de mai 1977 sur l'indépendance, ce sont des milliers de parachutistes et de légionnaires qui ont stationné en permanence dans cette colonie, entourée de barbelés et transformée en gigantesque camp de concentration pour une population de 350 000 habitants. Et aujourd'hui encore, cette « indépendance » choisie par l'impérialisme français pour empêcher Djibouti de rejoindre la Somalie, s'accompagne du maintien de troupes françaises sur place comme garant du nouveau statut.

Au Tchad, de 1968 à 1972, c'est également un corps expéditionnaire de plusieurs milliers de soldats de la Légion Étrangère et de troupes de marine - parmi lesquels il y eut une centaine de morts - qui se livra à une guerre contre les populations tchadiennes révoltées depuis 1965. Le dictateur Tombalbaye ne venant pas à bout des révoltes que son régime avait soulevées, c'est l'armée française qui s'en chargea par des déplacements de population, des raids aériens et toute sorte d'exactions dont s'accompagnent généralement les expéditions coloniales. Et si aujourd'hui la France ne fournit plus au successeur de Tombalbaye, le général Malloum, une infanterie pour mater la rébellion qui subsiste au Tibesti dans le nord du pays, elle n'en continue pas moins à lui fournir une couverture aérienne et les « instructeurs » nécessaires à l'encadrement de l'armée autochtone.

De 1967 à 1970, tant que dura la guerre du Biafra contre le Nigeria, l'impérialisme français soutint la sécession biafraise parce qu'il lorgnait les richesses pétrolières du Nigeria - pratiquement aux mains de la Grande-Bretagne.

Autre intervention encore, le 19 février 1964, à Libreville ; après quelques heures de combat livré par les parachutistes français, le président M'ba, tout dévoué à la France, était rétabli à la tête du Gabon après avoir été déposé par un soulèvement militaire.

En intervenant contre les sahraouis, l'impérialisme français reste donc aujourd'hui bien dans la ligne de la politique qu'il n'a cessé de mener en Afrique.

Il se distingue par son agressivité, à défaut de se distinguer par sa taille. Défendant des intérêts précaires, il tente de conserver les vestiges de son empire déchu par un recours à l'intervention militaire. Sa marge de manceuvre est étroite, tant face à la résistance à la spoliation et à l'exploitation des peuples encore sous sa domination, que face à la concurrence de « I'Oncle Sam ».

Mais son combat est réactionnaire et il est de toute façon condamné.

Cela n'empêche pas les politiciens qui gouvernent l'état français de massacrer des populations pour essayer de retarder la roue de l'histoire. si la gauche remplace la droite au gouvernement, elle mènera la même politique avec les mêmes méthodes. et les déclarations des trois partis de l'union de la gauche condamnant l'intervention française en mauritanie ne doivent pas nous leurrer. pas plus en politique extérieure qu'en politique intérieure, la gauche n'a jamais tenu ses promesses en venant au gouvernement. il suffit de se rappeler qu'en 1956, c'est le socialiste guy mollet, élu sur la base d'un programme de paix en algérie et s'appuyant sur une majorité parlementaire de gauche, les communistes ayant fourni l'appui au front républicain et lui ayant voté les « pouvoirs spéciaux », qui envoya le contingent et intensifia la guerre d'algérie, et qui décida l'intervention française à suez. il suffit de voir quelle fut la politique coloniale du « gouvernement tripartite » dans lequel charles tillon, ministre de l'air PCF, prit la responsabilité des bombardements du constantinois en algérie en 1946, lors du soulèvement des populations contre la puissance coloniale ; et ce fut le gouvernement sous lequel débuta la guerre d'indochine. et il suffit de constater qu'à part la mise sur pied d'une « commission blum-violette », qui ne déboucha sur pratiquement rien, la politique coloniale de la france resta la même sous le front populaire de 1936 que sous les pires gouvernements qui l'avaient précédé.

Les gouvernements passent, l'impérialisme français reste ce qu'il est. Les travailleurs de ce pays ne manquent pas de moyens de contrecarrer les expéditions militaires de leur impérialisme, s'ils veulent bien ne pas sombrer dans l'illusion qu'ils changeront quelque chose avec leur seul bulletin de vote.

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