C.e.t. : défendre les idées révolutionnaires ou propager l'apolitisme ?01/04/19771977Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

C.e.t. : défendre les idées révolutionnaires ou propager l'apolitisme ?

La Ligue Communiste Révolutionnaire a décidé cette année que les militants engagés dans le travail en direction des CET consacreraient tous leurs efforts à militer pour la construction d'un syndicat de « masse » et a choisi comme cadre pour ce syndicat la Coordination Permanente des CET (CP-CET), organisation mise sur pied il y a deux ans par la Jeunesse Communiste pour. faire pièce à l'activité des révolutionnaires, et en particulier à Ceux du Technique, dans les CET. Les militants de Rouge et de Technique Rouge se sont transformés en militants de la Coordination Permanente. Cela les amène à apparaître avant tout comme des syndicalistes et même à cacher leurs idées révolutionnaires puisque la CP, n'étant qu'une couverture pour la Jeunesse Communiste n'a rien d'une organisation syndicale démocratique.

Il s'agit là d'une politique erronée de la part de la LCR puisque cela l'amène à renoncer à la tâche essentielle, fondamentale, des révolutionnaires dans les CET, à savoir de propager les idées révolutionnaires parmi les futurs jeunes travailleurs.

Certes les révolutionnaires ne rejettent pas par principe au nom de la priorité aux idées politiques tout travail syndical dans les collèges. S'il s'avérait que des milliers de collégiens étaient prêts à s'organiser sur une base syndicale, à faire vivre une organisation de masse de ce type dans les CET, il est bien évident que les révolutionnaires y participeraient et y défendraient leurs idées. D'autant plus qu'un syndicat de masse dans les collèges pourrait être une organisation démocratique au sein de laquelle chaque tendance pourrait s'exprimer. Une telle organisation syndicale plus large que l'organisation politique ne dispenserait pas de toute façon les révolutionnaires d'apparaître politiquement dans les CET.

On peut certes imaginer une telle situation bien qu'on ne puisse assimiler de façon simpliste le syndicalisme à l'usine et dans les cet, le problème des collégiens n'étant pas la défense immédiate de leurs intérêts contre l'exploitation patronale qui constitue, dans les entreprises, le ciment de l'organisation syndicale. les collégiens n'ont pas affaire à un patron, n'ont pas à résister pied à pied à l'exploitation quotidienne. ils ont à prendre conscience de leur dignité et à la faire respecter, à comprendre la société dans laquelle ils vivent et prendre conscience de leur place dans cette société, et au travers de leurs luttes à se préparer aux batailles futures.

En tout cas, il est manifeste - pour l'instant du moins - que les collégiens ne ressentent pas le besoin d'une organisation syndicale et ne sont pas prêts à rejoindre en grand nombre et à animer une organisation de ce type. Il faut d'ailleurs rappeler que lorsque les collégiens ont ressenti le besoin d'une organisation démocratique regroupant la grande masse des collégiens pour mener à bien leurs luttes des années passées, ce sont les militants de Lutte Ouvrière qui les ont aidés à mettre sur pied les coordinations des grèves de 1973, 74 et 75.

Aujourd'hui, les tentatives de la LCR de mettre sur pied un syndicat dans les CET se heurtent à l'indifférence et toute l'énergie des militants de Technique Rouge est consacrée à tenter de convaincre les collégiens qu'ils ont absolument besoin d'un syndicat. Ils apparaissent comme des syndicalistes très convaincus mais plus comme des militants politiques. Le syndicalisme, au lieu d'être un moyen, devient pour eux un but en soi qu'ils fixent comme absolument prioritaire aux collégiens.

Cette attitude ne date d'ailleurs pas de cette année car, avant de militer pour la CP, les militants de Technique Rouge s'étaient évertués à mettre sur pied des comités de lutte « apolitiques », conçus comme des organisations de « masse » unitaires, où soit dit en passant, il fallait, au nom de l'unité, renoncer à défendre ses propres idées politiques. Les comités de lutte n'ont pas réussi à regrouper ne serait-ce qu'une fraction non négligeable des collégiens sur une base syndicale.

Au lieu de constater le peu de succès rencontré par le syndicalisme chez les collégiens, au lieu de se réjouir que les plus combatifs d'entre eux soient finalement bien plus intéressés par les idées politiques que par la lutte purement syndicale, au lieu de profiter de l'intérêt d'une partie des collégiens pour les grands problèmes qui se posent à la société, de leur soif de connaître et de comprendre, pour expliquer et propager les idées révolutionnaires, Technique Rouge a trouvé un nouvel argument massue pour tenter d'attirer envers et contre tout les collégiens dans l'organisation syndicale. Et cet argument, par lequel il justifie son ralliement à la Coordination Permanente, est une véritable duperie.

Il s'agit d'expliquer aux collégiens que le soutien de la CGT et de la CFDT est indispensable pour leurs luttes et que s'organiser dans la CP-CET c'est avoir la garantie du soutien de la CGT. Dans Technique Rouge n° 10 par exemple, mais on pourrait citer bien d'autres numéros puisque cette idée constitue l'un de ses axes de propagande, on peut lire : « Un groupe d'élèves isolé se fait massacrer. Seul un gros rapport de force permet de lutter : tous les collégiens le savent, et ils ne se mettent en lutte qu'avec des garanties. Voilà les raisons pour lesquelles Technique Rouge dit que le seul moyen de lutter contre la répression, pour la liberté d'expression, d'organiser la masse des collégiens et de gagner sur les revendications, c'est un syndicat, lié à la CGT et à la CFDT, soutenu par les syndicats enseignants tout en restant indépendant ». Technique Rouge tente de s'appuyer sur l'autorité des grandes centrales syndicales sur la classe ouvrière pour attirer les collégiens dans l'organisation syndicale, une organisation syndicale qui, si elle existait, ne pourrait alors qu'être à la remorque de la CGT, de la CFDT et des enseignants, puisque sans leur soutien on ne peut rien faire, dit Rouge.

Technique Rouge défend là des idées particulièrement nuisibles pour les collégiens. D'abord parce qu'au niveau des CET eux-mêmes si les collégiens avaient attendu le soutien de la CGT et de la CFDT les années précédentes pour entrer en lutte, ils n'auraient jamais rien fait. Non seulement la CGT et la CFDT n'ont jamais aidé les collégiens à s'organiser, mais loin de soutenir leurs luttes les années passées les bureaucrates syndicaux ont tout fait pour tenter d'arrêter les mouvements. Et demain les collégiens peuvent de nouveau avoir à affronter les bureaucrates syndicaux qui voudront se mettre en travers de leurs luttes. Rouge ne les y prépare pas, bien au contraire. Il enseigne aux collégiens à compter sur les bureaucraties syndicales plutôt que sur eux-mêmes. Il propage des illusions qui desserviront plus encore les collégiens quand ils se retrouveront dans les entreprises, au lieu de leur apprendre à se défier des bureaucrates qui ne défendent justement pas les intérêts de la classe ouvrière.

Ainsi la LCR renonce complètement à expliquer le rôle des grandes confédérations ouvrières dans le mouvement ouvrier, à dénoncer leur politique tant au niveau des CET que des entreprises. Dans le n° 9 de Technique Rouge, une double page consacrée à la lutte syndicale ne dit pas un mot de la politique de trahison des centrales syndicales. Il s'agit au contraire par d'habiles sous-entendus de faire un panégyrique de leur activité : « Lutte collective, démocratiquement organisée : ce n'est pas toujours très facile, c'est pourtant indispensable, face au patron prêt à tout.

Et dans les, CET ? Là il n'existe pas de puissants syndicats comme la CGT ou la CFDT Pourtant on ressent aussi le besoin d'une organisation collective permanente menant la bataille quotidienne pour nos droits ». Évidemment il n'est pas possible de répéter inlassablement comme le font les militants de Technique Rouge que la CGT et la CFDT devraient consacrer des forces à l'organisation syndicale des collégiens et critiquer en même temps devant l'ensemble des collégiens leur politique... Il faut choisir et Rouge a choisi l'abandon des idées révolutionnaires.

Ayant fait un tel choix, il n'est guère étonnant que les militants de Technique Rouge acceptent d'adhérer à la CP qui loin d'être un syndicat démocratique où toutes les tendances pourraient s'exprimer, n'est que l'appendice de la Jeunesse Communiste dans les collèges et ne permet par conséquent bien sûr pas l'expression d'une politique révolutionnaire.

Bien sûr, à côté de l'activité syndicale dans la CP, Rouge édite une presse qui se prétend politique en direction des collégiens : Technique Rouge. Mais Technique Rouge n'a de politique que ses prétentions à l'être car il est tout entier consacré à appeler les collégiens à rejoindre la CP et il ne défend en rien les idées révolutionnaires auprès des collégiens. Technique Rouge ayant choisi d'abandonner la défense d'une politique révolutionnaire dans les CET n'est pas trop gêné d'avoir à se taire dans la Coordination Permanente.

Oh certes, des militants de technique rouge peuvent être connus comme tels. mais dans la mesure où ils ne défendent aucune politique indépendante, dans la mesure où technique rouge consacre son journal à appeler les collégiens à rejoindre la cp, ils sont tolérés et les jc sont même prêts à reconnaître leurs mérites. car eux, qui se contentent de chapeauter la cp sans chercher à y associer plus de collégiens qu'il n'y en a aux jc et parfois même moins, ne peuvent voir d'un mauvais oeil les militants de technique rouge faire le travail à leur place pour faire connaître la cp et lui trouver des adhérents. la politique de la jc dans les collèges est assez bien définie par l'intervention d'un des dirigeants lors du dernier congrès de cette organisation : « renforcer la jc, et quand vraiment la jc devient trop étroite pour organiser tous les collégiens, on peut créer la cp ».

Face à cela Rouge ne fait que se lamenter et supplier les JC de bien vouloir faire le travail avec eux pour renforcer la CP. Car évidemment tant que les JC n'amènent pas des milliers de collégiens non politisés dans la CP sur lesquels les militants de Technique Rouge pourraient espérer avoir une influence, ces derniers, ne parvenant pas à entraîner beaucoup de collégiens avec eux dans la CP, ne peuvent espérer en disputer la direction à la JC, et ne parviennent pas bien entendu à imposer le minimum de démocratie qu'ils souhaiteraient.

Dans son n° 10, rendant compte du forum de la CP qui s'est tenu à Montreuil le 6 février dernier, Technique Rouge raconte comment nombre de collégiens sont hostiles à cette organisation : « La CP, c'est seulement soutenu par la CGT ». « Ceux qui sont pour la CP, c'est les JC et l'an dernier, on ne les a pas beaucoup vus pendant la lutte ». « On ne sait pas qui c'est au niveau national, on se débrouille aussi bien tout seuls, et au moins on se connaît ». Et Technique Rouge d'ajouter : « Les arguments surgissent de tous les côtés contre une organisation dont on craint qu'elle ne finisse par échapper aux collégiens eux-mêmes, contre le sectarisme, contre la bureaucratie. Ces préoccupations, ces craintes sont justifiées : au forum la démocratie était formelle ; on ne sait pas si un congrès national avec des délégués élus et mandatés aura lieu un jour ». Décidément c'est un bien drôle de syndicat que les militants de Technique Rouge s'évertuent à construire dans les CET.

Dans d'autres milieux sociaux, dans les facultés, dans les lycées par exemple, Rouge n'accepte pas de disparaître dans les appendices du PC. Par exemple Rouge n'a jamais appelé à adhérer à l'UNCAL qui est dans les lycées une organisation du même type que la CP-CET dans les collèges. Est-ce à dire qu'il est plus important pour Rouge de défendre les idées révolutionnaires parmi les lycéens que parmi les futurs ouvriers ? Est-ce à dire que la politique doit être réservée aux lycéens et que le syndicalisme est bien suffisant pour les collégiens ?

En fait le suivisme de la LCR par rapport aux appareils syndicaux l'amène à considérer ces derniers comme les dirigeants naturels et incontestables de l'ensemble du mouvement ouvrier y compris bien entendu des futurs prolétaires.

Et pourtant la tâche des révolutionnaires dans les CET n'est-elle pas bien au contraire de donner aux jeunes une conscience révolutionnaire ? Et pour cela, ce sont tous les problèmes politiques qu'il faut discuter avec eux, ce sont tous les préjugés et toutes les illusions qu'il faut combattre y compris l'apolitisme, même quand il s'appelle syndicalisme. Le syndicalisme ne doit pas être un but en soi car l'organisation syndicale ne peut suffire à la transformation révolutionnaire de la société et cela aussi il faut l'expliquer aux collégiens. Il faut leur expliquer la société dans laquelle ils vivent, les moyens qu'a la classe ouvrière de la transformer. Il faut leur montrer les politiques qui tournent le dos à cette transformation et qui mènent la classe ouvrière à l'impasse voire au massacre. Il faut leur apprendre à reconnaître leurs ennemis de classe, mais aussi leurs faux amis. Il faut dénoncer devant l'ensemble des collégiens la politique des centrales syndicales et des partis de gauche qui défendent enfin de compte les intérêts de la bourgeoisie et non ceux des travailleurs. Il ne suffit pas de dire comme Technique Rouge n° 8 que les partis de gauche et les syndicats font « un mauvais choix » surtout quand on explique le mauvais choix de la façon suivante : « Tant que les syndicats et les partis ne proposeront pas une lutte réelle contre l'austérité et ce gouvernement minoritaire, les travailleurs déçus ne seront pas motivés y compris pour mener les batailles électorales pour changer de gouvernement ». Il ne suffit pas non plus comme le fait Technique Rouge n° 9 de dire de l'Union de la Gauche que ses « projets ne sont que des réformes » et que ces réformes sont trop petites.

Car tout cela c'est entretenir et développer des illusions sur la vertu des élections et la politique que mènera l'Union de la Gauche une fois au gouvernement. Ce n'est pas préparer la jeunesse ouvrière aux luttes de demain.

Se refuser à défendre les idées révolutionnaires dans la jeunesse ouvrière (dont les collégiens et les collégiennes sont partie intégrante) et qui constitue l'avenir de la classe ouvrière est une capitulation grave de la part de la Ligue Communiste. Elle faillit ainsi à l'une des tâches les plus vitales du mouvement révolutionnaire.

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