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Adresse au mouvement trotskyste

 

Nous publions ci-dessous le texte de l'adresse signée par Combat Ouvrier (Antilles), Spark (USA), l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes et Lutte Ouvrière, invitant toutes les organisations trotskystes reliées ou non à l'un des organismes internationaux existants, à une rencontre qui se donnerait pour but la mise en place d'un cadre de discussion et de travail en commun ouvert à tout le mouvement trotskyste (cf Lutte de Classe N° 33).

 

POUR METTRE FIN À L'ÉMIETTEMENT DU MOUVEMENT TROTSKYSTE INTERNATIONAL

Près de quarante ans après la fondation de la ive internationale, le mouvement trotskyste est le seul à l'échelle internationale qui, sur le plan de ses références programmatiques fondamentales, se réclame de la nécessité d'une organisation et d'une politique prolétariennes indépendantes, et se donne pour but l'instauration de la dictature révolutionnaire du prolétariat.

D'autres courants qui se réclament plus ou moins explicitement de la révolution prolétarienne - en particulier les différentes variantes des groupes dits « capitalistes d'État » - ne se sont jamais structurés à l'échelle internationale et en ont même abandonné l'idée dans les faits. Ils ne sont jamais parvenus à élaborer une ligne politique propre, se définissant pour la plupart par rapport au courant trotskyste, dont la majorité est d'ailleurs issue.

Quant aux groupes dits « maoïstes », s'ils existent dans la quasi totalité des pays, et s'ils ont même une audience notable dans un certain nombre de pays sous-développés, ils représentent - lorsqu'ils représentent quelque chose - des courants populistes visant ouvertement à mettre la classe ouvrière à la remorque d'intérêts bourgeois. Lorsqu'elles parviennent à se développer, l'abandon explicite du terrain de classe en fait des organisations qui représentent d'autres intérêts que ceux du prolétariat.

Le fait d'avoir maintenu, au moins sur le plan des références programmatiques, la continuité politique du mouvement révolutionnaire, successivement incarnée par l'Association Internationale des Travailleurs de Marx et d'Engels, par la Deuxième Internationale jusqu'à la Première Guerre mondiale, par l'Internationale Communiste des années 1919-1923, puis par l'Opposition de Gauche et par la IVe Internationale fondée par Léon Trotsky ; le fait d'être le seul mouvement à l'avoir maintenue dans une période difficile, contre le réformisme classique, contre le stalinisme, contre différentes variantes du « tiers-mondisme » se parant de phrases marxistes, est certainement l'actif de loin le plus important du mouvement trotskyste international.

C'est grâce au maintien de cette filiation politique que, après des décennies d'absence d'une influence véritable du courant révolutionnaire sur le mouvement ouvrier, de nouvelles générations de révolutionnaires prolétariens peuvent être formées et éduquées.

Mais force est de constater que le mouvement trotskyste n'est pas parvenu à se donner une direction internationale vivante, compétente et efficace, et qui soit reconnue comme telle par l'ensemble des forces du mouvement trotskyste.

L'émergence d'une Internationale, d'un parti mondial de la révolution, reconnu comme direction par des fractions importantes du prolétariat lui-même, dépasse certes, pour une large part, le problème de la seule volonté ou de la compétence des organisations révolutionnaires prolétariennes. Elle ne dépend pas de la seule capacité de ces organisations à se mesurer sur le plan idéologique et pratique aux tâches de l'heure.

Par contre, la responsabilité des organisations du mouvement trotskyste est déterminante dans le fait qu'il n'existe pas même une direction internationale correspondant au niveau des possibilités et du degré du développement du mouvement. L'incapacité de maintenir l'unité organisationnelle du mouvement et l'incapacité de sélectionner une direction internationale reconnue par tous les groupes trotskystes, sont évidemment les deux aspects d'un même problème.

L'émiettement du mouvement trotskyste se manifeste par une pléthore de directions internationales concurrentes et d'audience variable ; par l'existence d'un grand nombre d'organisations trotskystes qui n'appartiennent à aucun des organismes internationaux existants ; par les liens souvent formels voire fictifs à l'intérieur même de chacun de ces organismes internationaux.

Aucune organisation trotskyste responsable et soucieuse de ce que le mouvement trotskyste joue le rôle qui devrait être le sien, ne peut s'accommoder de cette division, de cette dispersion qui n'est pas motivée par une justification programmatique.

Une partie des désaccords qui existent au sein du mouvement trotskyste porte certes sur des questions d'une importance capitale. Mais c'est justement au sein d'un mouvement trotskyste capable de surmonter ses sectarismes et ses ostracismes, permettant la confrontation des idées à une large échelle, que ces analyses divergentes pourraient être valablement discutées.

C'est précisément sur l'état actuel du mouvement trotskyste, sur l'analyse des causes de son émiettement, sur un bilan critique de son évolution depuis la mort de Trotsky, qu'une telle confrontation apparaît de toute évidence d'une nécessité vitale et urgente.

Aucune proclamation, adresse ou appel unilatéral ne pourra résoudre un problème qui concerne l'ensemble du mouvement trotskyste.

Il est indispensable qu'un cadre international où une telle confrontation puisse avoir lieu, soit mis en place. Et proposer cela n'est nullement incompatible avec le fait de militer en direction d'une Internationale fonctionnant selon les règles du centralisme démocratique. Car c'est au contraire en agissant pour mettre fin à l'émiettement du mouvement trotskyste que l'on peut agir pour construire une organisation internationale centralisée et démocratique.

Cette organisation sera-t-elle créée à partir d'une des organisations internationales existantes à l'heure actuelle ? Sera-t-elle le fruit d'une restructuration plus vaste et sur d'autres bases ? La confrontation portera en particulier sur ce point sur lequel de grandes divergences séparent des organisations qui appartiennent à des organismes internationaux entre eux et d'avec celles qui n'y appartiennent pas.

Mais le point de départ de cette discussion doit être le fait incontestable qu'une organisation internationale ayant une autorité politique sur l'ensemble du mouvement trotskyste n'existe pas. Il faut y parvenir à partir de ce qui existe. Il faut construire l'organisation internationale centralisée démocratique à partir de la dispersion actuelle.

Le centralisme démocratique dans l'organisation internationale à construire ne sera pas suspendu en l'air. Il ne pourrait pas être seulement une affaire de statuts. Il exige un accord programmatique fondamental. Mais il exige aussi une confiance politique entre les groupes qui la composent et une confiance de ces groupes et de leurs militants dans la direction.

Cette confiance entre groupes, dans les directions respectives des autres, n'existe pas à l'heure actuelle. A moins qu'un des groupes soit capable de diriger des luttes significatives du prolétariat de son pays et de démontrer dans les faits qu'il mérite la confiance politique des autres, le sectarisme qui marque les relations entre organisations trotskystes à l'heure actuelle ne permettra jamais de surmonter les méfiances mutuelles.

Cette méfiance ne pourra être surmontée que par une confrontation loyale des points de vue et par une pratique commune qui, commencées dans les domaines possibles aujourd'hui, devront pouvoir s'élargir par la suite jusqu'à englober l'ensemble des activités de ces groupes.

Déplorant l'état actuel de dispersion du mouvement trotskyste et le sectarisme qui empêche d'engager des démarches pour y meure fin, les organisations signataires ont pris l'initiative de s'adresser à l'ensemble du mouvement trotskyste, pour la mise en place d'un cadre international où puisse être discuté des voies et des moyens de créer un lieu de rencontre international au sein duquel puissent cohabiter toutes les tendances différentes du mouvement trotskyste.

Le cadre proposé par les signataires n'est pas destiné à être un organisme international supplémentaire, concurrent de ceux qui existent.

Il n'est pas non plus destiné à être un simple lieu de discussion, bien qu'il devra pouvoir pleinement jouer aussi ce rôle, en permettant de dégager les points d'accords et les points de désaccords entre groupes trotskystes participants et contribuer ainsi à la clarification indispensable au mouvement trotskyste.

Les signataires sont conscients que, pour dégager un programme politique pour la lutte révolutionnaire mondiale de notre époque, la confrontation loyale des points de vue est seulement une condition nécessaire. Au-delà, il est indispensable de pouvoir vérifier les positions de chacun à l'épreuve des luttes politiques. L'existence d'un programme adopté par l'ensemble du mouvement est liée à celle d'une direction internationale reconnue par-le mouvement.

Les organisations signataires considèrent que, parallèlement à la discussion des problèmes importants du mouvement trotskyste, le cadre proposé devra examiner l'aide politique et organisationnelle que les différents groupes peuvent mutuellement s'apporter.

Il appartiendra aux groupes participants d'établir le degré de collaboration qu'ils souhaitent établir en fonction de leurs besoins et de leur capacité politique et organisationnelle.

Si, par-delà les divergences actuelles, les organisations participantes ont la volonté sérieuse d'oeuvrer dans le sens d'une collaboration de plus en plus étroite ; si elles ont la préoccupation des problèmes politiques et organisationnels des autres groupes participants ; si elles font tout pour que, au-delà des rapports entre directions, des rapports de plus en plus étroits s'établissent par des échanges de militants, par la circulation de matériaux de discussion, etc..., alors pourront s'établir des relations de confiance sur laquelle il sera ultérieurement possible de fonder une discipline commune croissante ; alors seront sélectionnés et formés des dirigeants acceptés par tous.

Paris, février 1976.

Lutte Ouvrière (France) Spark (USA) Combat Ouvrier (Antilles) UATCI (Afrique)

 

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