Une nouvelle Sainte-Alliance19/02/19621962Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Une nouvelle Sainte-Alliance

 

Avec l'adhésion de la Grande Bretagne, l'accord agricole et la discussion franco-allemande sur l'Europe politique, la construction européenne semble continuer son avance, indifférente aux soubresauts d'une actualité brûlante par ailleurs.

Après de multiples projets depuis 1918, de nombreuses tentatives avortées depuis 1945, l'événement du siècle semble prendre corps : l'Europe, unie après tant de luttes, surmonterait ses divisions pour quasi-égaler la puissance des USA

Les avantages seraient éclatants. Un marché agrandi permettrait une plus large division du travail, de plus grandes séries. Des entreprises plus importantes se développeraient, elles pourraient employer un outillage très lourd qu'il faut sans cesse renouveler et prendre en charge les laboratoires de recherches de plus en plus importants.

Un outillage plus spécialisé pourrait se développer parallèlement. Il y aurait une division dés tâches plus harmonieuse (suppression de la production de blé en Angleterre par exemple). Enfin certaines activités très coûteuses seraient interdites à des marchés étroits tels la recherche et l'utilisation de l'énergie atomique, l'étude du cosmos, la construction et l'exploitation de fusées et de satellites artificiels, etc...

Bien sûr le marché commun ne créerait pas la division internationale du travail, il y a longtemps que les montres suisses et le blé canadien s'échangent dans le monde entier et que l'interdépendance économique de tous les pays existe. Mais cette spécialisation est freinée, certaines branches sont artificiellement maintenues (dans l'agriculture ou l'aéronautique etc.) Par l'existence de barrières douanières. C'est ce frein que le marché commun veut supprimer, promettant ainsi une élévation considérable, du niveau de vie de tout l'ensemble européen. Celui-ci retrouverait ainsi sa place de troisième force indépendante à l'égal des deux grandes puissances USA et URSS

Malheureusement, si l'Europe unie correspond à l'intérêt général, les capitalistes n'ont aucune raison de s'y sacrifier individuellement. Si les trusts les plus puissants, les plus compétitifs sont parfois pour la suppression des barrières douanières, les autres s'y opposent résolument dès qu'ils éprouvent les moindres difficultés faisant jouer leur appareil d'État national, leur dernière sauvegarde. Les USA, si souvent cités en exemple durent subir une véritable guerre civile, la guerre de sécession pour que les cotonniers du Sud acceptent de se soumettre aux intérêts des industriels du Nord. Il a fallu briser par la force leur appareil d'État. La bourgeoisie n'est pas plus prête à se sacrifier, au nom de la démocratie, vis à vis d'autres bourgeoisies, que vis à vis de son prolétariat. L'argument suprême reste la force.

Quant à la naissance d'une troisième force indépendante des USA, il suffit de connaître l'importance des liens économiques, politiques et militaires qui unissent la majorité despays d'Europeaux USA, pour en comprendre l'impossibilité. D'ailleurs les partisans de l'Europe se refusèrent toujours à préconiser la rupture ou même la révision de ses liens avec les USA Et ceux-ci furent toujours favorables à ces expériences d'unification car celles-ci renforcent la cohésion du monde occidental.

Mais, c'est là la vraie raison du marché commun. Depuis la défaite de l'axe, l'importance du camp dit socialiste a crû à un point tel que tout nouveau recul important risquerait d'être catastrophique pour tout le monde capitaliste. Aussi la solidarité internationale des impérialistes prime-t-elle actuellement leurs divergences bien réelles (Suez , Congo) réglées sous l'arbitrage intéressé des USA Ainsi, le plan Marshall servit aux USA à remonter, sans oublier leur intérêt, l'économie d'une Europe à leur merci. L'OTAN apparut avec les premiers heurts de l'inévitable guerre froide, commença l'intégration militaire et tenta de transformer les armées occidentales en une armée à commandement unique, bien que respectant les zones d'influences respectives. En même temps, dans la mesure du possible, on essayait à différentes reprises de renforcer la cohésion économique, et dans la limite du possible, d'atténuer les divergences par des accords entre trusts nationaux. La dernière tentative en date, avant le marché commun la CED, échoua devant l'opposition d'une partie de la bourgeoisie française. Car les antagonismes subsistent.

Les impérialistes les plus puissants ou les plus menacés politiquement sont fortement intégrationnistes, les autres exigent une plus grande autonomie ou une plus grande place dans l'alliance, d'où les heurts entre « unificateurs » et partisans de « l'europe des patries ». les discussions plusieurs fois rompues avec l'angleterre, les tentatives de torpillage de celle-ci avec une zone de libre-échange qui finalement échoua, les heurts germano-français sur l'agriculture marquent les étapes d'un pénible marchandage de la bien modeste union économique prévue sous le nom de marché commun. ces étapes furent franchies grâce à l'appui, sinon la pression, des u.s.a. ceux-ci veillant d'ailleurs à ce que l'accord qui renforce leurs alliés et concurrents et risquerait de les exclure en partie au moins d'europe, comporte les clauses de sauvegarde nécessaires à leur industrie. mieux, ils proposent parla voix de kennedy, de créer un vaste marché atlantique où leur puissance ne pourrait que l'emporter. leurs capitaux n'attendent d'ailleurs pas pour venir s'installer à leur aise.

Tiraillé par des intérêts divergents, accéléré par les nécessités politiques, freiné par les contradictions économiques, cet accord relatif ne peut se concevoir qu'en période économique calme. A la moindre crise, les heurts se multiplieront, au point de briser tout accord, si cela s'avère nécessaire à l'un des pays en présence. A moins qu'un renouveau de tension ne fasse servir la « sainte alliances » à ses fins véritables : la guerre contre l'URSS

Cette éventualité, clairement perçue par le Parti Communiste Français, l'a rendu violemment hostile au marché commun comme à toutes les précédentes tentatives. N'osant se proclamer ouvertement pour la défense de l'URSS, seule position révolutionnaire, il s'oppose sous divers prétextes : menace de cataclysme économique mais surtout la défense réactionnaire des valeurs nationales depuis longtemps périmées.

Les barrières nationales, pas plus que les accords entre trusts, n'ont rien de progressifs, Mais seuls les travailleurs pourront les supprimer et créer la seule Europe possible : les États Unis Socialistes d'Europe.

 

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