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Ralliement

Le ralliement de Salan aux « accords du 17 juin » après la lettre de Jouhaud, semble être interprété comme l'aveu de la défaite de l'OAS La résistance de Gardy à Oran, les déclarations de Bidault à la TV américaine n'étant que l'illustration de la confusion qui règne en son sein.

Il est certain que l'abandon d'une partie de sa base algérienne a porté à l'OAS un coup très dur. Une partie de la charge explosive que représentaient tant les pieds-noirs « émigrés » en métropole que ceux qui restaient en Algérie, a été désamorcée. Ceux qui restent n'apparaissent plus comme de malheureuses victimes, lâchement abandonnées aux couteaux des égorgeurs par la « Métropole », d'autant plus que l'OAS cessant de se battre, le gouvernement algérien n'aura pas à affronter la population européenne dans la rue. Et ceux qui ont passé la Méditerranée ont bien envie de la repasser dans l'autre sens et, de toutes façons, ils ne peuvent que se sentir, aux aussi, plus ou moins démobilisés.

Cet abandon ôte à l'OAS une partie de ses moyens, mais il est loin de les lui enlever tous. Salan ne pouvait guère faire autrement que de se rallier, et de le faire aujourd'hui, lui donne la possibilité pour demain d'intervenir encore au nom des européens d'Algérie, car il est vain d'espérer que la cohabitation des deux communautés sera rigoureusement sans problème. Et c'est avec des forces importantes quel'OAS peut entamer, ce que Vianson-Ponté, dans « Le Monde » des 24 et 25 juin, appelait « la longue route d'une action plus « politique », faire porter dans les premiers temps son effort sur la reconstruction d'une extrême-droite fascisante, agissant en partie dans la clandestinité et en partie au grand jour, tenter de faire basculer vers elle certains, éléments de la droite traditionnelle, des demi-soldes, des rapatriés et des mécontents.

Le premier problème qui se pose aux dirigeants de l'OAS est celui des délais. Ils ne peuvent envisager raisonnablement de prendre le pouvoir à brève échéance. Un nouveau putsch n'aurait guère plus de chance de réussite que le précédent. La seule perspective est celle de la « longue route ». Par conséquent, il faut créer le « climat d'apaisement » qui permettra au travers d'une « réconciliation nationale » de faire rentrer dans la légalité une partie des cadres de l'organisation, militaires et politiques. Et c'est ainsi que Salan, et d'autres sûrement vont, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, tirer le meilleur parti possible des accords de Rocher -Noir.

Et, à vrai dire, le véritable danger représenté par l'OAS réside dans ses vues à long terme. Dans l'immédiat, l'OAS dispose de forces importantes, mais insuffisantes pour se saisir du pouvoir ou même l'infléchir. Mais la construction d'un parti fascisant lui sera d'autant plus aisée qu'elle sera appuyée, ouvertement cette fois, par le régime. De Gaulle et la bourgeoisie française n'ayant plus à affronter l'OAS sur le terrain de la politique algérienne, pourront s'en servir efficacement, comme de super-CRS, contre la classe ouvrière. Le bonapartisme de de Gaulle trouvera là son accomplissement.

Empêcher la formation d'un tel parti est vital pour la classe ouvrière française. Elle en a dix fois la force. La gauche peut mobiliser bien plus d'hommes que l'OAS n'en peut appointer. Le drame est qu'elle n'en a pas la volonté car ses dirigeants servent les mêmes maîtres que l'OAS : leur rôle est simplement de tenir les mains de la victime que l'OAS doit assassiner.

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