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Président-directeur-général

« Les amateurs de sensations fortes en ont été pour leurs frais », écrit l'éditorialiste du Figaro en commentant la conférence de presse d'hier de de Gaulle. En effet, on n'y trouve rien de nouveau par rapport aux positions classiques du Général-Président.

Dans le domaine social, il rappelle en termes galants qu'il faudra travailler et que l'élévation du niveau de vie est conditionné par l'élévation de la production et la modernisation de l'entreprise. Il faudra réinvestir les bénéfices, et par conséquent en faire. La répartition du revenu national pourrait être plus équitable qu'elle ne l'est et il faudra, pour cela, à la base, associer le personnel à la marche des entreprises et, au sommet, les représentants « des activités nationales, économiques, sociales, administratives, culturelles », au développement du pays.

En ce qui concerne le Marché Commun, la porte de l'Europe est toujours fermée à l'Angleterre, mais ce n'est pas nouveau. L'impérialisme français et l'allemand ont dans l'Europe des Six, à eux deux, une position trop prépondérante et trop privilégiée pour n'accepter d'y intégrer le concurrent anglais que contre des garanties importantes. Et si les droits d'entrée sont tellement élevés que l'Angleterre renonce au Marché Commun, le tandem franco-allemand ne s'en portera que mieux, la chasse étant ainsi réservée.

Le plus important, peut-être, est la réaffirmation de la constitution, par la France, d'une force atomique indépendante. Interrogé sur l'accord intervenu aux Bahamas, à Nassau, entre les impérialistes américains et anglais sur la constitution d'une force atomique « multilatérale », de Gaulle a répondu qu'il tenait à avoir une force atomique dont il puisse disposer. L'impérialisme français préfère de beaucoup à un armement important mais dont il ne pourrait pas disposer librement, une puissance plus faible, mais bien à lui. L'impérialisme français est dans le camp américain, contre l'URSS, mais il sait aussi qu'à l'intérieur même du camp occidental, la force prime le droit. La force de frappe n'a pas pour seul but de transférer une partie du revenu du pays par l'intermédiaire du budget de l'État, aux caisses des trusts et des monopoles travaillant pour l'armée. Cette force de frappe, c'est aussi le glaive qui permet, ou permettra, à l'impérialisme français, d'encaisser ses créances aux quatre coins de la terre. De Gaulle, dans cette conférence, a d'ailleurs été à peu près sincère lorsqu'il a dit, entre autres, répondant à l'objection de la faiblesse de la force atomique que la France pouvait , elle seule se donner : « En 1945, deux bombes très élémentaires ont amené à capituler le Japon qui ne pouvait pas répondre ». En clair, l'armement atomique de la France lui serait très utile pour combattre ou intimider des adversaires qui n'en auraient pas. On voit là qu'il ne s'agit donc pas seulement de l'éventualité d'un conflit avec l'Union Soviétique. Et puis, l'impérialisme français est payé pour savoir que, surtout avec les Alliés qui lui ressemblent, la part de soleil, la part d'air à respirer qui lui est laissée, est fonction de son potentiel militaire et de sa liberté de l'utiliser.

L'ambition de l'impérialisme français, et de son actuel Président-Dictateur-Général, est de constituer avec l'impérialisme allemand une alliance économique, politique et militaire destinée, au sein du bloc occidental, à obtenir des USA le maximum possible du gâteau impérialiste mondial.

La guerre de 1914 a marqué la fin de la prédominance de l'Europe dans le monde impérialiste, au profit de l'encore jeune géant américain. Aujourd'hui, ce dernier a atteint l'âge mûr et la vieille Europe est réduite à se contenter des reliefs de la table des banquiers du Nouveau Continent. L'image des deux vieillards séniles qui s'embrassent et se font des grâces au centre de cette Europe est symbolique : quand ils veulent obtenir un peu plus, il boudent...

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