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Oraison

 

La mort, accidentelle ou provoquée, de Dag Hammarskjoeld, Monsieur H pour les millions d'intimes que la notoriété lui a donnés, datera probablement, plus que tout autre événement, la fin de cette Afrique taillable, corvéable à merci que les impérialistes pouvaient d'une table de conférence européenne située à des milliers de kilomètres partager, se répartir ou se disputer aux alentours de la Première Guerre mondiale.

Cette mort, quelle qu'en soit la cause directe n'a bien entendu pas de signification politique, de même qu'elle n'aura qu'une influence légère sur les événements africains. Mais, elle marque de façon catastrophique l'échec des tentatives qu'a faites l'ONU pour résoudre de façon acceptable pour tous les impérialistes représentés en Afrique, le problème du Congo, miroir brisé où toute l'Afrique noire se reflète.

L'impérialisme n'est pas une entité unique malgré ses liaisons internationales, économiques et politiques. Il y a des impérialistes et, dans leur sein même, des groupements dont les intérêts ne se superposent pas forcément. A la suite des troubles consécutifs à l'émancipation politique des ex-pays de l'Union Française et en particulier du Congo français, l'impérialisme belge accepta l'indépendance de sa colonie africaine comme un moindre mal destiné à conserver l'essentiel de ses positions économiques. Mais les concessions faites au nationalisme n'étaient pas suffisantes (en particulier armée encadrée par des officiers belges), les émeutes que l'on sait éclatèrent. Alors l'Union Minière saisit l'occasion pour imposer la solution qu'elle avait préconisée antérieurement : la création d'un État katangais indépendant de Léopoldville mais dépendant, ô combien, de l'Union Minière. Si cela ne put ramener le calme au Congo, cela sauvegarda au moins ses profits.

Mais, et c'est là tout le problème, ce qui sauvait l'Union Minière risquait de faire perdre à échéance toutes les positions de l'impérialisme en Afrique.

En effet, l'immense Congo, s'il avait pu être ramené à un calme superficiel grâce à l'intervention de l'ONU et de ses casques bleus qui ont amené des officiers de couleur pour reprendre en mains les soldats mutinés, ne pouvait rester dans l'orbite de l'impérialisme que s'il avait une marge de manoeuvre financière suffisante pour stopper, tant bien que mal, toute poussée des masses dans le domaine social. Privés des royalties du Katanga, les dirigeants congolais étaient certains d'être entraînés, qu'ils le veuillent ou pas dans la voie des réformes sociales, et même d'être balayés. L'impérialisme ne pouvait pas se permettre ce risque et c'est pourquoi l'ONU, après avoir pacifié le Congo, s'est employée à tenter de rallier la sécession katangaise. L'épreuve de force engagée récemment par les troupes de l'ONU est the last but not the least.

Il faut remarquer en passant que cette épreuve de force n'a été engagée qu'après que la mort de Lumumba, à qui les circonstances ont donné un visage révolutionnaire, ait assuré les puissances d'argent que la réunification du Congo ne leur ferait pas perdre un centime ; il s'agit en effet de convaincre ou de contraindre l'Union Minière à mener une politique compatible avec les intérêts généraux de l'impérialisme en Afrique, mais pas de lui faire risquer une nationalisation.

Mais l'Afrique n'est plus ce qu'elle était. Et les impérialistes ont beau dire, faire, menacer ou promettre, l'Afrique ne leur obéit plus. Et parfois même, elle tue leurs dirigeants à la tâche.

 

5 - 8 septembre 1915 ; conférence de Zimmerwald, extrait de la brochure « Union sacrée 1914 » de A. Rosmer et Modiano

« Et cependant, tous n'acceptaient pas... Dans la grande nuit de la guerre, peu à peu des lumières s'allument ; quelques pauvres petites lumières vacillantes, peu à peu plus nombreuses et plus assurées. A la CGT, c'est Merrheim, c'est Rosmer, de la Fédération du Tonneau, ce seront les instituteurs. Dans le Parti, c'est la Fédération de la Haute-Vienne, berceau des minoritaires de guerre, avec son organe, le « Populaire du Centre », c'est René Nicod, avec la Fédération de l'Ain. A Paris, c'est le petit groupe des émigrés russes réunis autour de leur journal « Naché Slovo ». Il y a là Trotsky, Martov, Radek, Racovsky, Tchitchérine et bien d'autres qui seront les piliers de la révolution d'Octobre.

Peu à peu arrivent des nouvelles de l'étranger... Enfin c'est la grande voix de Liebknecht qui passe par-dessus la frontière. Tout cela aboutira à la Conférence de Zimmerwald (5-8 septembre 1915), première réunion internationale où il y ait eu autre chose que des neutres, autre chose que des « alliés », première réunion où on ait vu des socialistes appartenant à des pays belligérants se mettre d'accord sans effort sur la nécessité de mettre fin immédiatement à l'absurde boucherie et de reconstituer l'Internationale disloquée, dont les tronçons s'étaient mis au service des impérialismes rivaux. Aussi la Conférence de Zimmerwald fut-elle condamnée par les partis socialistes officiels, tant de France que d'Allemagne. »

 

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