« Le mal qu'il fit, il le fit bien »17/10/19611961Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

« Le mal qu'il fit, il le fit bien »

La bourgeoisie française vient de perdre un de ses hommes. Pas l'un des plus grands mais l'un de ses plus fidèles et de ses plus efficaces. Paul Ramadier était maire « socialiste » depuis 1919, maire d'une cité minière : Decazeville. C'est-à-dire que sa carrière politique au sein du Parti Socialiste commence, pratiquement, dès la naissance du Parti communiste, dès que tous ceux qui avaient pu rester d'authentiquement socialistes ou révolutionnaires au sein du vieux parti, après la trahison sociale chauvine et de l'union sacrée de 14-18 s'en soit écarté. À partir de là sa vie va se confondre avec la destinée et la politique du Parti Socialiste, parti ouvrier au service de la bourgeoisie. En 1928 il est élu député.

À l'époque c'est la crise, le chômage, Ramadier est dans ceux qui voudraient que le Parti Socialiste « prenne ses responsabilités », participe au gouvernement, en fait le cautionne auprès des masses populaires (le Parti Socialiste est alors bien plus important et bien plus influent que le Parti communiste). Il sera ministre des Travaux publics dans le gouvernement Blum. Les travaux publics ce sont ces grands travaux que l'on fit pour « résorber » le chômage, c'est-à-dire pour détourner les travailleurs et chômeurs de la lutte contre la cause du chômage : le capitalisme. De 1938 à 1940 il est ministre du Travail des gouvernements Chautemps et Daladier.

Il est au gouvernement lors de la grève de novembre 38 et de sa répression, il est au gouvernement encore lors de l'interdiction du Parti Communiste et de sa presse. Il est à Vichy en juillet 40 lorsque la Chambre vote la délégation des pouvoirs à Pétain. À son actif, si l'on peut dire, car c'était en fait afin d'être mieux en mesure de préparer l'autre issue, il est parmi les quatre-vingt qui votèrent contre. On le retrouve député en 1945. En 1946, il est Garde des Sceaux (ministre de la Justice) dans un ministère où il se trouve dans la bonne compagnie de ministres aussi peu communiste que lui est peu socialiste. De janvier à novembre 47 il est président du Conseil. Année importante. En mai, lorsqu'à la suite des grèves dont le départ fut celle de Renault, les ministres communistes durent, à leur corps défendant, se solidariser avec les travailleurs c'est Ramadier qui les contraint à démissionner, appliquant ainsi avant la lettre certaines clauses des traités par lesquelles les États-Unis acceptaient d'aider économiquement la France. Car Ramadier fut un des premiers partisans du plan Marshall. Cette aide que les Américains consentirent à condition que, la rupture entre les deux blocs à l'échelle mondiale étant de plus en plus flagrante, la France oriente sa politique étrangère sur celle des USA. Cela nécessitait de toute façon le départ des ministres communistes. Ces Ramadier qui a su le faire à un moment où seuls un « socialiste » le pouvait. De même, c'est dans cette période que, pour les mêmes raisons et afin de pouvoir plus facilement diviser les rangs ouvriers, de la CGT alors unitaire dans le « produire d'abord » on fit naître Force Ouvrière, appareil syndical entièrement entre les mains du Parti Socialiste. Novembre 47 : le gouvernement Ramadier tombera après une autre vague de grèves, non sans avoir utilisé, pour la première fois d'une façon aussi large et violente depuis la « Libération », les CRS contre les grévistes.

En 48 et 49 Ramadier s'occupe de la Défense Nationale : c'est la guerre d'Indochine ! En 56, dans le ministère Mollet, celui des pouvoirs spéciaux et du contingent en Algérie, on le trouve encore. Il est aux Finances : c'est de cette époque que date la vignette. Enfin, en 58 il est parmi ceux qui réclament de Gaulle.

C'est donc un loyal serviteur de la bourgeoisie à qui de Gaulle pouvait il y a trois semaines serrer la main, à Rodez, lors de son voyage. De lui les travailleurs peuvent dire : « le bien qu'il fit, il le fit mal mais le mal qu'il fit, il le fit bien ».

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