Le dernier quart d'heure19/02/19621962Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Le dernier quart d'heure

L'optimisme manifesté par la presse est peut-être exagéré mais, en l'absence d'autres indications, il est donc permis de croire que l'on s'achemine vers l'indépendance « négociée » de l'Algérie. Cependant la chose, quel que soit l'état des négociations, est loin d'être réalisée, les secousses seront encore nombreuses et sévères. Un exécutif provisoire même disposant d'une « force mixte de maintien de l'ordre » ne pourra pour cela se faire obéir de la population européenne des grandes villes, si même il arrive à défendre son existence - la vie de ses membres - contre les coups de l'OAS.

Sans discuter de la « bonne foi » du Gouvernement français on peut se demander, comme tout le monde se demande, s'il est en mesure d'appliquer les clauses d'un éventuel accord. Le gouvernement a en effet l'armée, l'armée de métier, en mains tant qu'il fait ce qui correspond à ses aspirations. Il n'a pas à craindre non plus, quelles que soient les circonstances, de voir l'armée refuser ouvertement son autorité et prendre la responsabilité d'un nouveau putsch. Une grande partie de l'État-Major est maintenant convaincue que cette voie est fermée. Fermée parce que dangereuse : l'Algérie n'est pas la France, il est payé pour le savoir. Mais la fraction de l'armée de métier qui agit sous le nom d'OAS bénéficie, sinon de complicité, du moins de la neutralité de l'armée entière, contingent exclu bien entendu.

Au lendemain des accords, et même avant, l'exécutif provisoire peut se trouver placé devant deux situations aussi graves l'une que l'autre et qui ne s'excluent d'ailleurs pas.

Tout d'abord l'OAS peut le paralyser entièrement, du moins dans les grandes villes. Si elle ne peut assassiner ses membres, elle peut multiplier les provocations contre la population musulmane et l'ALN, l'armée étant là pour réprimer les réactions populaires que cela pourrait entraîner. Tant qu'il y a des troubles l'armée reste là, et tant que l'armée est présente l'OAS a des moyens d'agir. Il n'est pas exclu de plus que cet exécutif provisoire ait à faire face à une insurrection de la population européenne des grandes villes. La force mixte ne sera pas en mesure de la vaincre à elle seule. Et l'armée française ne le voudra pas.

La seule solution pour que les accords ne restent pas lettre morte serait le départ de l'armée française d'Algérie ou tout au moins son regroupement dans quelques bases. Cela ne pourrait se faire que progressivement. C'est pourquoi la signature d'un accord n'est pas tout, et pourquoi l'Algérie n'a malheureusement pas vécu ses derniers drames.

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