La fin d'une bataille20/03/19621962Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

La fin d'une bataille

 

Les dérisoires feux d'artifice tirés par deux municipalités communistes de la banlieue parisienne n'ont pas suffi à transformer en liesse populaire et en explosion de joie l'accueil, finalement réservé, qu'a fait l'ensemble de la population, y compris les travailleurs musulmans, à l'annonce du cessez-le-feu en Algérie. Non pas que la fin des combats ne fût sincèrement souhaitée par l'immense majorité de la population des deux pays, mais plus simplement parce qu'une question retient sur cinquante millions de bouches un immense soupir de soulagement : que fera l'OAS, ne pourra-telle pas empêcher la réalisation effective du cessez-le-feu et après tant de cruelles déceptions, n'aurons-nous pas celle de voir les combats reprendre dans un mois ou deux ?

Il va en effet falloir à la population musulmane et au FLN beaucoup de « patience », suivant l'euphémisme de Morin, car il est aisé de prévoir que dans les jours oui viennent l'OAS va multiplier ses provocations pour susciter des réactions de la population musulmane, réactions que l'armée se chargera de briser.

On voit mal, dans la situation actuelle, comment l'exécutif provisoire pourra gouverner, comment le référendum sur l'autodétermination pourra se faire et, surtout, comment l'État algérien indépendant pourra naître de ce référendum si l'impérialisme français n'ôte pas à l'OAS les moyens d'agir en rapatriant l'armée. Les cours martiales instituées à Oran et à Alger n'auront pas plus d'efficacité que toutes les autres mesures prises : demander à ces cours martiales, composées de militaires, de fusiller les terroristes de l'OAS serait leur demander de se suicider. Après le putsch du 22 avril il y eut un Tribunal spécial d'institué. Il ne prononça, à part quelques condamnations de pure forme (Challe, Zeller qui seront bientôt amnistiés, n'en doutons pas), que des acquittements ou des condamnations à mort... par contumace. Détruire l'OAS, nous l'avons dit souvent, de Gaulle ne le fera pas. Il peut seulement la rapatrier. Le cessez-le-feu et l'indépendance de l'Algérie ne seront des réalités qu'à cette condition : le retrait de l'armée française. Il est probable que ce retrait progressif, d'abord du bled vers les grandes villes, puis des grandes villes vers quelques bases, soit prévu dans les accords d'Evian, car il n'est guère vraisemblable que le FLN ait accepté de traiter à moins.

Cette retraite de l'armée française, le peuple algérien l'aura conquise de haute lutte. Les peuples n'ont rien à attendre de la compréhension ou de la bonté de leurs maîtres : ces sept années de guerre l'auront une fois de plus montré.

Mais il y a des incorrigibles professionnels, témoins ces extraits de la déclaration du Bureau Politique du PCF en date du 18 mars :

« Il aura fallu plus de sept années de guerre injuste, meurtrière et ruineuse, pour que les gouvernants français soient contraints à accepter la solution préconisée par les communistes depuis novembre 1954 ».

« Si les solutions que nous avons sans cesse proposées avaient été appliquées en 1954, la guerre aurait été évitée ».

Si Monsieur de La Pallice ... Solution préconisée, solution proposée, etc, c'est bien là toute la politique du PCF Si les gouvernants avaient voulu, si les gouvernants avaient accepté... Oui, mais les gouvernants n'entendent que la force et n'acceptent de faire ce qui ne leur convient pas, que lorsqu'on les y oblige. Le PCF sous-entend peut-être (les élections sont proches !), que s'il avait été au Gouvernement à l'époque cela ne se serait pas passé ainsi et que la guerre eut été évitée. Mais la guerre d'Indochine, qui dura sept ans elle aussi, n'a-t-elle pas commencé alors que Thorez était Ministre d'État ? Les massacres de Sétif (Algérie, mais oui !) n'eurent-ils pas lieu alors que le PCF était au Gouvernement ? Est-ce que le problème de l'indépendance de l'Algérie ne se posait pas avant que le peuple algérien en soit réduit à s'engager dans une lutte inégale et sanglante ? Pourquoi alors, en plus de deux ans et demi de participation au Gouvernement, de 1944 à 1947, le PCF n'a-t-il pas proposé, préconisé... et appliqué les solutions susceptibles d'éviter la guerre ? Parce que le PCF « au pouvoir » a défendu loyalement la politique de la bourgeoisie française, parce que le PCF dans l'opposition est incapable de s'opposer à cette politique.

Tout cela n'est pas que du passé. c'est aussi le présent : cette armée qui va rentrer en métropole, médaille militaire dont l'oas est le revers, ce ne sont pas des protestations ou « l'union de tous » qui vont l'empêcher d'armer et d'encadrer les bandes qui vont s'attaquer aux organisations ouvrières.

Comme les travailleurs algériens il nous faudra nous battre et pas seulement voter ou « protester ». Comme eux, plus facilement qu'eux, nous pourrons vaincre, si nous sommes seulement aussi décidés.

 

Partager