Reconstruire la gauche ? Une imposture doublée d’une impasse26/06/20162016Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2016/06/177.jpg.484x700_q85_box-0%2C0%2C1383%2C2000_crop_detail.jpg

Reconstruire la gauche ? Une imposture doublée d’une impasse

Le discrédit de Hollande et de son gouvernement agite tous ceux qui l’avaient soutenu au second tour de l’élection présidentielle et qui tentent de se démarquer en espérant fédérer les déçus de sa politique. Leur problème est avant tout de se trouver un candidat commun pour la présidentielle de l’an prochain sans pour autant se couper du Parti socialiste et de ses électeurs pour les élections législatives qui les suivront. Mais, au-delà, ceux-là mêmes qui ont hissé Hollande au pouvoir et l’accusent aujourd’hui de trahison se proposent de reconstruire ou de refonder la gauche. Une énième tentative dont l’avenir dira si elle parviendra à rassembler derrière elle, mais qui ne peut ouvrir aucune perspective aux travailleurs.

Hollande, critiqué par ceux qui l’ont fait roi et veulent son trône

Il est désormais de bon ton au Parti de gauche, au Parti communiste, comme dans une partie de ce qu’il est convenu d’appeler l’extrême gauche, voire au sein même du Parti socialiste, de motiver l’opposition aux lois passées depuis l’arrivée au pouvoir de Hollande, Ayrault, Valls ou Macron, en critiquant la politique « de droite » ou « social-libérale » menée par le PS et ses alliés depuis 2012.

On en a eu une nouvelle illustration avec la comédie des députés frondeurs du PS, alliés à certains écologistes et aux élus du Parti de gauche et du PC, qui ont vainement cherché à déposer une motion de censure « de gauche » lors de l’annonce du vote en première lecture de la loi travail par la procédure du 49.3 à la mi-mai. On a entendu aussi dans les manifestations de ces quatre derniers mois nombre de slogans prenant explicitement pour cible le gouvernement avec ces mêmes arguments.

Comme s’il était possible de revenir à une politique qui serait authentiquement « de gauche », avec de surcroît les mêmes solutions et les mêmes partis qui la représentent depuis des décennies. Nombre de ces responsables politiques qui ont défilé contre la loi travail ne manquent pas de culot, car ils ont cautionné ou mis en œuvre directement, en tant que ministres, députés ou sénateurs, les attaques contre les travailleurs qui se sont multipliées chaque fois que la gauche a été au pouvoir depuis 1981. Les rappeler ici serait trop long.

Les termes varient : les uns parlent de « reconstruire à gauche », quand les autres veulent renouer avec « une vraie gauche », une « gauche de gauche », ou « redéfinir un programme de gauche ». Sont ajoutés le plus souvent un ou plusieurs adjectifs censés préciser le positionnement. Après la « gauche plurielle » des années 1990, sont apparus les vocables de « gauche antilibérale » et de « gauche anticapitaliste », et ce, non seulement dans la bouche des dirigeants du NPA, mais aussi de certains du PCF.

Dans la bataille des mots, la presse, quant à elle, a eu tôt fait d’étiqueter « d’extrême gauche » tous ceux qui dénoncent la politique du gouvernement socialiste et son bilan, y compris Mélenchon ou des responsables écologistes. Quoi de plus normal, quand les mêmes accusent la CGT de prendre la France en otage et d’être un ramassis de casseurs voire de terroristes ?

Ces étiquettes de droite et de gauche ont été tellement galvaudées qu’au mieux elles sont ambiguës et, dans la bouche des dirigeants politiques, servent encore et toujours à duper les masses populaires. Et si ces notions ont une origine historique bien définie et ont fini par passer dans le langage courant, elles ont surtout servi à justifier tous les reniements des partis issus du mouvement ouvrier depuis un siècle. Elles constituent des leurres masquant une véritable imposture.

À l’origine était la Révolution française…

Dans la préhistoire de la vie politique française, l’existence d’une gauche et d’une droite remonte à l’Assemblée nationale constituante d’août-septembre 1789.

Un vote devait décider de la mise en place d’un veto royal dans la nouvelle Constitution. Ceux qui défendirent l’idée que le roi, présent lors du vote, devait conserver un droit de contrôle et de blocage sur le pouvoir législatif se placèrent à sa droite. Ceux qui y étaient opposés, les députés du tiers état, qui représentaient les intérêts de la bourgeoisie, se placèrent à sa gauche sous l’étiquette de « patriotes ». Par la suite, son aile radicale fut qualifiée de montagnarde, parce qu’elle siégeait en haut de ce même hémicycle, et donc loin de la tribune, du pouvoir et de ses honneurs. Mais personne ne songe aujourd’hui à se dire montagnard en politique.

Cette dénomination gauche/droite ne s’imposa d’ailleurs que bien plus tard. Après le retour de la monarchie en 1815, le clivage entre droite et gauche reflétait celui entre les partisans d’une restauration intégrale, c’est-à-dire de la contre-révolution, et les autres courants politiques ayant voix au chapitre dans les Parlements croupions de l’époque : les libéraux et les défenseurs d’une monarchie constitutionnelle.

Par la suite, « de droite » devint pratiquement synonyme de conservateur, la gauche étant supposée représenter l’idée de changement ou d’opposition à l’ordre établi, mais sans orientation politique bien définie. On est dans ce domaine toujours la droite ou la gauche d’un autre.

Le mouvement ouvrier s’est construit avec un autre langage et de tout autres perspectives

Les premiers socialistes, puis le mouvement communiste qui prit son essor sous l’impulsion des luttes ouvrières dès le début du 19e siècle, ne se reconnaissaient pas dans cette opposition sans fondement social et par définition floue et fluctuante.

Tout le combat de Marx et d’Engels consista au contraire à démontrer que l’affrontement entre les classes déterminait l’évolution des sociétés, et que la vie politique n’était en dernière analyse que le reflet déformé des antagonismes sociaux.

À l’époque, on parlait encore communément de partis bourgeois et de partis ouvriers, car c’est à cette opposition fondamentale que tendait déjà à se réduire la société. Monarchistes de telle ou telle obédience, partisans de l’Empire, libéraux et autres conservateurs catholiques ne revendiquaient pas pour autant cette appellation pour eux-mêmes. Ils parlaient volontiers au nom de la patrie, de la nation et apparurent comme autant de partisans de l’ordre, réunis par leur opposition au prolétariat et à tout ce qui représentait une menace pour leur domination.

Très vite, il y eut des socialistes pour prétendre aussi à la mangeoire politique, au nom d’une nécessaire transformation de la société en faveur des travailleurs. Marx et Engels fustigèrent leur compromission avec la bourgeoisie au lendemain de la révolution de février 1848 et leur responsabilité dans l’écrasement de celle-ci en juin de cette même année. Ils récusèrent aussi la revendication d’une « république sociale », en montrant que la concentration de la propriété des moyens de production dans les mains de la bourgeoisie signifie toujours la dictature de cette classe sur la société, et que l’État lui-même est par essence le gardien des intérêts généraux des classes dominantes.

La véritable opposition qui naquit dans le mouvement ouvrier fut donc celle entre les partisans de la réforme et ceux de la voie révolutionnaire. Et c’est tout au plus de ce point de vue que l’on distingua dès lors une gauche, une droite et donc un centre au sein même des partis ouvriers.

Marx et Engels n’étaient pas indifférents pour autant aux régimes politiques qui servaient d’arène aux affrontements entre les classes. Ils étaient de farouches partisans de l’extension des droits démocratiques à tous les prolétaires, à commencer par le droit de vote. Mais c’est parce qu’ils y voyaient le moyen pour les travailleurs, en levant leur propre drapeau, de se compter, de s’organiser et d’avancer leur programme de renversement de l’ordre social.

Par la suite, les organisations qui se développèrent dans le cadre de l’Association internationale des travailleurs, puis de la Deuxième Internationale, reprirent cette perspective révolutionnaire. Ils utilisèrent les élections, y compris dans la très réactionnaire Russie autocratique, comme un moyen de s’adresser aux masses ouvrières et, pour celles-ci, de compter leurs forces et de s’affirmer en tant que classe. Cela n’excluait pas ici ou là, à tel ou tel moment, des accords tactiques et ponctuels avec d’autres forces politiques, mais jamais d’alliance ayant valeur de principe.

La suite a montré qu’il ne suffisait pas d’un programme politique, fût-il révolutionnaire, pour empêcher les pressions de la société bourgeoise de s’exercer au sein même des partis ouvriers. La bourgeoisie intégra à son appareil nombre d’hommes ayant fait leurs armes à gauche et elle comprit assez vite l’utilité qu’il pouvait y avoir pour elle à les atteler au gouvernement à la défense de ses intérêts. L’aboutissement de ce processus de dégénérescence fut la trahison, en août 1914, de la quasi-totalité des directions des syndicats et des partis socialistes et de l’Internationale qui les fédérait.

Mais le mouvement ouvrier n’en fut pas définitivement brisé puisque, trois ans à peine après le déclenchement de cette boucherie pour un repartage du monde entre les puissances impérialistes, la révolution éclatait en Russie. D’abord en février 1917, lorsque la révolte et la grève des ouvrières précipitèrent la chute du tsar et la constitution de soviets ouvriers face au nouveau gouvernement qui s’était hissé au pouvoir. Puis, en octobre de cette même année, ces mêmes soviets fondaient le premier État ouvrier de l’histoire.

Les bolcheviks, que la révolution avait portés à la tête du gouvernement et des soviets, entendaient tirer toutes les leçons politiques de la trahison de la social-démocratie en août 1914. La Troisième Internationale renoua avec les idéaux communistes et l’internationalisme et mit à l’ordre du jour la révolution prolétarienne, en essayant de rompre avec toutes les pratiques parlementaires et réformistes qui avaient gangrené le mouvement ouvrier au cours de son évolution. Elle avait comme objectif de devenir l’état-major de la révolution, en réunissant l’ensemble des partis communistes nés dans son sillage.

Cela ne l’empêchait nullement de s’adresser aux travailleurs qui continuaient à faire confiance aux anciens partis socialistes. Mais la politique de front unique qui fut mise en œuvre en 1921 dans cette perspective, après l’écrasement de la première vague révolutionnaire, n’avait rien à voir avec une quelconque union de la gauche. Il s’agissait d’entraîner derrière des revendications communes l’ensemble des travailleurs, de façon à renforcer la conscience de classe et à préparer le renversement de la bourgeoisie.

Les socialistes ne s’y trompèrent pas. Ils refusèrent de rejoindre ce front de classe, au profit d’une combinaison avec des partis bourgeois appelée Cartel des gauches, la première fois qu’apparaissait au grand jour cette étiquette.

Droite/gauche, ou comment tromper les travailleurs

C’est finalement l’évolution politique en URSS même qui allait faire basculer le jeune Parti communiste dans la voie du réformisme et de la recherche d’alliances électorales, d’abord avec le Parti socialiste, puis bien au-delà.

Au lendemain de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, que l’Internationale communiste et les socialistes allemands n’avaient été capables ni d’empêcher ni même de comprendre, Staline décida que, désormais, les partis communistes devaient s’allier avec les socialistes, vilipendés la veille, et ce au nom de la lutte contre le fascisme. Pis encore, le Parti communiste décida de soutenir la bourgeoisie française, qualifiée désormais de démocrate, et de promouvoir une nouvelle alliance : le Front populaire, qui incluait jusqu’au Parti radical, le principal parti de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie colonialiste.

De cette période date le principe selon lequel le candidat ou la liste de gauche les mieux placés au premier tour d’une élection étaient soutenus par ceux arrivés derrière, afin de battre la droite. Ce mécanisme était pratique pour le PS, dont les électeurs ne pratiquaient pas forcément la réciproque, car ce mécanisme fonctionnait à son profit.

Et si les travailleurs se mirent en grève en mai-juin 1936, occupèrent leurs usines et firent d’importantes conquêtes, ils ne le durent qu’à leurs propres forces, certainement pas aux dirigeants du Front populaire, et pas davantage à ceux du PC, surtout soucieux d’empêcher toute évolution révolutionnaire de la situation créée par la vague de grèves.

Ces quelques années, marquées par le sursaut de la classe ouvrière dans la plupart des pays impérialistes, avaient démontré que ces partis étaient non seulement compatibles avec le pouvoir, mais les meilleurs alliés de la bourgeoisie pour freiner la contestation de l’ordre social.

Ces événements avaient amené Trotsky à considérer que, de même que le PS était mort à l’été 1914 du point de vue des intérêts du prolétariat, le PC avait signé son acte de décès une vingtaine d’années plus tard. Il fallait œuvrer à la reconstruction du mouvement ouvrier sur des bases communistes et révolutionnaires. La suite a confirmé son diagnostic.

Le point d’orgue de la politique réformiste du PC fut l’entrée de plusieurs de ses dirigeants, dont son secrétaire général Maurice Thorez, comme ministre du général de Gaulle en 1944. Pour se prémunir de tout risque de contestation de sa politique, ce dirigeant réactionnaire avait compris la nécessité d’associer le PC à sa politique et, dans une moindre mesure, les socialistes de la SFIO. En 1947, une fois ce danger passé et la bourgeoisie remise en selle, y compris dans son empire colonial, massacres à l’appui, les ministres du PC furent renvoyés. La guerre froide commençait.

Elle éloigna le PC de la mangeoire gouvernementale pour plusieurs décennies. De son côté, la SFIO fut de presque toutes les coalitions gouvernementales et fut même le principal artisan de l’intensification de la guerre en Algérie, après l’arrivée au pouvoir de son chef Guy Mollet en 1956. Un homme de gauche auquel les députés du PC avaient apporté leurs voix lorsqu’il avait sollicité les pouvoirs spéciaux pour organiser la répression en Algérie.

Avec le retour au pouvoir de de Gaulle, en 1958, PS et PC se trouvèrent durablement rejetés dans l’opposition. Le PC mit tout son poids dans la balance, et il était alors énorme, notamment dans les entreprises, pour préparer une alternance politique en se rapprochant de la SFIO.

Dès 1965, il appela à voter lors de la première élection présidentielle au suffrage universel pour Mitterrand, ce même politicien qui, en tant que ministre de l’Intérieur puis de la Justice durant la guerre d’Algérie, avait été l’un des plus farouches défenseurs de l’ordre colonial !

Au lendemain des élections de 1969, où Duclos, le candidat du PC, avait obtenu quatre fois plus de voix que celui du PS, le PC accéléra à marche forcée cette évolution, au nom cette fois d’un rassemblement qui devait avoir la vie longue : l’Union de la gauche, réunissant le nouveau PS et un petit parti, le Parti radical de gauche. En 1974, le PC ne présenta pas de candidat et soutint Mitterrand dès le premier tour. Loin d’être un point d’appui pour combattre la société et changer la vie, l’Union de la gauche et son programme commun avaient permis au PS de mettre la main sur le PC et de siphonner ses voix pour ses propres intérêts.

Et c’est tout naturellement que le PC retrouva des portefeuilles ministériels lorsque ce même Mitterrand devint président de la République en 1981. Il y resta quatre ans, en étant complice des attaques de ce gouvernement contre les travailleurs. Il revint de 1997 à 2002 dans le gouvernement du socialiste Jospin, où siégeait le toujours socialiste Mélenchon, apporta de nouveau sa caution et contribua encore davantage à son propre discrédit.

Et s’il est évident que le Parti socialiste est un parti bourgeois, pleinement intégré à l’appareil d’État de la bourgeoisie depuis un siècle et organisé pour la défense de ses intérêts, le PC n’est pas d’une nature différente. Tout au plus peut-on dire que ses liens particuliers avec la classe ouvrière, et durant un temps avec l’URSS, l’empêchaient de s’y intégrer à égalité avec les partis traditionnels de la bourgeoisie.

« Reconstruire la gauche » comme seul horizon

Aujourd’hui encore, les dirigeants du PC se raccrochent à ce mythe de l’Union de la gauche. Ayant tourné le dos à la lutte des classes, c’est la voie de salut qu’ils ont choisie pour sauver leurs notables. Dans les régions, les départements et maintes municipalités, le PC n’a d’ailleurs pratiquement jamais coupé les ponts avec le PS et a continué à gérer avec lui les exécutifs. Du moins quand le PS ne le rejette pas.

Avec le glissement réactionnaire de toute la société, cette politique unitaire s’est même transformée en appel à voter pour battre le FN, y compris en faveur de candidats de droite parmi les plus antiouvriers, comme ce fut le cas en 2002 derrière Chirac et lors des dernières élections régionales derrière Bertrand et Estrosi.

Cela fait des années que le PC répète la même antienne. Au lendemain des élections européennes de 2014, il écrivait déjà : « Le PCF a entendu le message exprimé par les Français. Beaucoup pensent que les élections ne changeront rien à leur vie quotidienne. Que la gauche n’est pas plus à la hauteur que la droite. » Mais il ne proposait rien d’autre que de « reconstruire la gauche » pour « sortir de l’austérité ». Après le nouveau fiasco électoral, aux dernières élections régionales, du PS et des partis qui apparaissent comme lui étant liés, en particulier le PC, Pierre Laurent, son secrétaire général, invitait toujours à « reconstruire la gauche que certains s’obstinent à saboter ». Et si la recherche d’un « front populaire et citoyen » s’est substituée à l’occasion de son congrès de juin aux anciennes formules, l’orientation du PC reste inchangée.

Même verbiage chez Clémentine Autain, dirigeante d’Ensemble, une petite formation rattachée au Front de gauche, qui prétend également rallier derrière elle les déçus de Hollande. Elle prétend rompre avec « une modernité frelatée, néolibérale et autoritaire » en appelant à un « effort culturel et intellectuel » pour « sortir des vieilles recettes qui ne permettent plus d’entraide. ». Si sa recette se veut différente, le plat n’en est pas moins indigeste, à l’instar de ceux proposés par tous les opposants au PS dont les discours sont faits de litanies, de phrases ronflantes et de poncifs pleurnichards au nom de la république ou du peuple de gauche.

Mais, sur le terrain des phrases creuses, des appels au peuple, à une nouvelle Constitution déterminant le cadre d’une politique de gauche renouvelée, le PC et ses alliés sont devancés depuis des années par Jean-Luc Mélenchon.

La différence avec la situation de 2012, où le PC, rallié à Mélenchon dans le cadre du Front de gauche, avançait l’objectif d’une VIe République, est que les deux alliés d’hier paraissent brouillés. Mélenchon a coupé l’herbe sous le pied de cette mouvance à la gauche de la gauche en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle, alors même que l’idée d’une primaire de gauche venait d’être lancée et… sans même en avoir informé préalablement les dirigeants du PC, auxquels il doit pourtant sa position actuelle. Lui qui se posait en recours dès le lendemain de l’élection de Hollande, et se faisait fort de devenir son Premier ministre, se présente aujourd’hui sous l’appellation d’insoumis. Un comble pour celui qui a passé trente années au Parti socialiste, a été ministre de Jospin, et qui ne propose rien d’autre qu’une « révolution par les urnes », avec un programme mêlant la nostalgie de Mitterrand, la démagogie souverainiste et les coups de menton.

Les responsables politiques qui se réclament d’une telle gauche, fût-elle parée d’un nouvel adjectif, ne peuvent qu’entraîner les masses populaires dans une nouvelle impasse : celle de l’électoralisme et des illusions réformistes. Le problème des Mélenchon, Laurent et consorts aujourd’hui est qu’ils ne peuvent plus compter sur les appareils des deux partis qui se sont disputé les voix des travailleurs depuis un siècle pour satisfaire leurs ambitions.

Le PS n’a même plus la prétention de trouver un soutien électoral sur sa gauche. D’abord parce que le PC, qui lui a servi de marchepied durant des décennies, est aujourd’hui un renfort de voix négligeable pour lui. Ensuite parce que sa politique a détourné de lui l’électorat populaire. Il cherche son salut ailleurs, du côté des électeurs des partis bourgeois traditionnels auxquels il voudrait offrir une voie médiane. Cela le conduira peut-être jusqu’à sa propre dissolution dans une nouvelle formation de type parti démocrate ou de la forme proposée par Macron : ni de droite ni de gauche, mais ouvertement située dans le camp de la bourgeoisie.

Sans avoir participé au gouvernement Hollande, le PC ne paraît pas davantage en mesure de fédérer derrière lui l’électorat populaire. Quant à Mélenchon et autres frondeurs du PS, ils cherchent visiblement un nouveau cadre pour recycler leur fatras réformiste. D’où leurs clins d’œil appuyés en direction de mouvements comme Podemos ou Nuit debout, qu’ils auraient voulu rallier à eux.

Renouer avec la conscience et le langage de classe

Pour notre part, nous n’avons jamais considéré qu’être sur l’extrême gauche de l’échiquier politique nous aurait placés dans un même camp que la gauche. Le rôle des communistes révolutionnaires est de représenter le camp des travailleurs et de brandir le drapeau de la révolution sociale. Cela implique de montrer ce qui oppose les classes, de mettre en garde contre les faux amis de la classe ouvrière, pas seulement ses ennemis revendiqués. Et pas seulement à l’occasion des élections.

Contrairement à d’autres organisations trotskystes, nous avons toujours refusé de suivre d’une quelconque façon les appareils du PC ou du PS. Ainsi en 1981, tandis que la LCR ne voulait rien faire qui pût gêner la victoire électorale de Mitterrand, nous avions présenté la candidature de notre camarade Arlette Laguiller et affirmé que les seules revendications qui pourraient être satisfaites seraient celles arrachées par les luttes. Quant à l’OCI, elle mit en avant le mot d’ordre de « gouvernement ouvrier et paysan » au lendemain de l’élection du même Mitterrand, en réclamant la sortie des ministres du Parti radical de gauche, façon de dire que PS et PC pouvaient, ensemble, conduire une politique de réformes profondes en faveur de la classe ouvrière.

Tout aussi significatif fut, quelques années plus tard, le soutien de la LCR à l’ancien porte-parole du PC, Pierre Juquin, et plus encore l’étiquette « 100 % à gauche » qui tint lieu de slogan à cette organisation dans les années qui précédèrent la constitution de l’actuel NPA.

Dans cette période de crise généralisée de l’économie capitaliste ouverte par la crise financière de 2008 et face à la barbarie et au chaos grandissant, il faut plus que jamais renouer avec la conscience et le langage de classe. Prétendre rénover ou reconstruire la gauche ne fait que préparer les nouvelles désillusions et trahisons de demain.

Il paraît plus qu’hypothétique qu’une telle entreprise puisse permettre, au moins à court terme, d’empêcher le retour au pouvoir des Sarkozy, Juppé et autres Fillon. Mais, surtout, elle n’ouvre aucune perspective pour les travailleurs.

Dans ce système capitaliste, les gouvernements ne peuvent être autre chose que le conseil d’administration des intérêts de la bourgeoisie. On a pu voir en Grèce avec quelle rapidité Tsipras a capitulé sous les coups de boutoir des grandes puissances et de leurs banques, pour imposer à son tour l’austérité contre laquelle il s’était fait élire. Lui aussi en quelque sorte avait désigné la finance comme son ennemi. Il en est devenu le serviteur.

Face à une bourgeoisie de plus en plus parasitaire, qui doit renforcer l’exploitation des travailleurs pour maintenir ses profits, il faut que tous ceux que cette société révolte œuvrent à son renversement.

Le seul moyen de faire reculer et de battre la bourgeoisie dans son offensive actuelle repose sur la mobilisation consciente des travailleurs. Lorsque celle-ci surviendra, elle sera capable d’emporter tout sur son passage, et ce bien au-delà des frontières nationales. À condition que les masses disposent d’un instrument à même de transformer cette énergie en un puissant levier de transformation sociale, c’est-à-dire d’un parti authentiquement communiste et révolutionnaire.

Reconstruire un tel parti est la seule façon de se donner les moyens d’en finir avec cette société de plus en plus pourrissante.

22 juin 2016

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