Bolsonaro, fruit pourri de la crise brésilienne

Bolsonaro a été élu au second tour des élections présidentielles brésiliennes avec 55 % des suffrages. Il sera intronisé président du Brésil le 1er janvier prochain. Il y a quelques mois encore, il était à peu près inconnu. Pourquoi des dizaines de millions de Brésiliens ont-ils voté pour lui ? Qu’espèrent-ils de lui ? Quel est son programme et quelle sera sa politique ?

L’ascension tardive d’un politicien incolore

Bolsonaro n’a rien qui le prédestinait à son actuel succès. À 63 ans, il n’a rien fait de remarquable. Sorti en 1977 de l’École militaire, il eut quelques ennuis avec sa hiérarchie parce qu’il revendiquait de meilleurs salaires. En 1988, élu conseiller municipal de Rio, il quitta l’armée avec le grade modeste de capitaine. Puis il fut député fédéral de 1990 jusqu’à aujourd’hui. C’était un député qui ne faisait pas parler de lui, bien représentatif de la piétaille de l’Assemblée, ceux qu’on appelle le « bas clergé ». Pas plus qu’eux il n’a été fidèle à un parti. Au cours de ses sept mandats, il est passé par sept partis différents, tous de droite.

Loin d’être au départ un ennemi du Parti des travailleurs de Lula, il fut pour lui à l’Assemblée, de 1999 à 2010, une sorte de compagnon de route. Il parlait de « notre cher Lula », vota pour lui à la présidentielle. Il n’a adhéré qu’en début d’année au Parti social-libéral, qui l’a présenté à la présidence. Il n’a pas été impliqué dans les scandales politico-financiers qui touchent bien des députés et sénateurs. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas été financé par des groupes capitalistes. Ainsi, quand il était au Parti populaire, il a reçu 200 000 réaux de JBS, un des principaux trusts mondiaux de la viande et de l’alimentation. Mais il a reversé la somme au parti, qui la lui a ensuite retournée pour financer sa campagne électorale. Formellement, il n’a donc pas été financé par JBS. Par ailleurs, à l’exemple de nombreux élus brésiliens, il gère la politique comme une affaire familiale : ses trois fils sont député fédéral, député d’État et conseiller municipal.

Ce député incolore a certes eu quelques difficultés avec la commission d’éthique de l’Assemblée, pour des propos misogynes et homophobes. Mais il n’est pas sorti de l’anonymat avant le vote sur la destitution de la présidente Dilma Rousseff, du Parti des travailleurs (PT), le 31 août 2016. Il a voté pour, comme les trois quarts de ses collègues, mais en dédiant son vote au colonel Ustra, le tortionnaire le plus célèbre de la dictature militaire (1964-1985). C’était prendre la défense de la dictature, à un moment où, dans les manifestations, quelques groupuscules extrémistes commençaient à se réclamer d’elle.

Son personnage s’est ensuite peu à peu étoffé. Il a multiplié les déclarations racistes, contre les Noirs et les Indiens. Il n’a pas manqué une occasion de prendre position contre les femmes et contre les homosexuels. Il a attaqué les pauvres et les « assistés ». Il a dénoncé l’insécurité et le banditisme, accusant les gouvernements de ne pas lutter contre eux. Bref, au nom de Dieu, de la patrie et de la famille, il a repris tous les poncifs chers à la petite bourgeoisie blanche, aisée et bien pensante. Il y a gagné un groupe de partisans très actifs sur les réseaux sociaux, qui n’hésitent pas à bombarder Facebook ou WhatsApp de fausses nouvelles pour le mettre en valeur ou discréditer ses opposants.

La campagne électorale l’a projeté au premier plan. Le candidat du PT, l’ancien président Lula (2003-2010), était loin en tête des sondages, mais il était emprisonné pour corruption et a finalement été interdit de candidature. Les vedettes des grands partis de droite avaient, eux aussi, des ennuis avec la justice et partageaient le discrédit du PT, même ceux qui n’avaient pas gouverné avec lui.

Bolsonaro a été aidé en cela par les Églises évangéliques. Riches, présentes sur tout le territoire et fortement représentées à l’Assemblée nationale, elles constituent un lobby puissant qui appuie dans le sens réactionnaire. Elles défendent la famille : la famille patriarcale, autoritaire, qui tient bien en main femmes et enfants. Féminisme et homosexualité sont leurs cibles. À Rio, l’évêque Crivella de l’Église universelle du règne de Dieu, maire de la ville, tente de s’en prendre au carnaval. Un autre de leurs ennemis est le communisme, et toute organisation de la classe ouvrière. Ces Églises, rivales entre elles, qui influencent semble-t-il un tiers des Brésiliens, se sont unies pour soutenir la candidature de Bolsonaro qui, autrefois catholique fervent, s’est fait baptiser dans une secte évangélique.

Bolsonaro est alors apparu paradoxalement comme un homme neuf, un candidat antisystème à même de répondre aux problèmes du pays : corruption, violence et crise économique. Son électorat a largement débordé la minorité d’hommes jeunes, blancs, diplômés, aux revenus plutôt élevés, qui constituaient son électorat de départ, pour gagner un large appui dans la majorité métissée et pauvre de la population, dans les quartiers populaires, les favelas, y compris parmi les femmes. Car ses thèmes de campagne correspondaient aux problèmes de cette majorité.

La crise économique

Le Brésil a longtemps été épargné par la crise économique mondiale. Même celle de 2007-2008 ne l’a que très brièvement atteint. Le pays exporte dans le monde entier ses matières premières minières et agricoles : fer, sucre, soja, viande de bœuf et de poulet, jus d’orange, dont les prix restaient élevés. Chaque année, attirés par des taux bancaires très rémunérateurs, continuaient d’affluer 80 à 100 milliards de dollars de capitaux, qui équilibraient les comptes du pays.

Cette période de prospérité a pris fin en 2014-2015. Les prix des matières premières ont chuté durablement, les investissements étrangers se sont réduits. La monnaie a baissé par rapport au dollar, l’inflation a repris, même si on est très loin de l’hyperinflation du début des années 1990.

La grande bourgeoisie, bancaire, terrienne et industrielle, n’a rien perdu de sa prospérité. Elle fait payer la crise aux travailleurs à coups de réformes qui taillent dans les droits sociaux, la santé, l’éducation. Quant à la petite bourgeoisie, qui depuis vingt ans avait un large accès au crédit et à une consommation digne d’un pays développé, elle craint désormais de retomber dans la misère et en accuse pêle-mêle les pauvres, les assistés, les ouvriers, la gauche, le PT et le communisme, même si le PC du Brésil est un parti bien réformiste, allié constant du PT au gouvernement, et n’a plus rien à voir avec la guérilla qu’il prônait il y a cinquante ans.

C’est contre la classe ouvrière que la crise se déchaîne. Le chômage touche aujourd’hui 13 millions de salariés (13 %). C’est le retour de la misère dans les villes, dans un pays où depuis les années 1960 elle était plutôt l’apanage des campagnes, combattue par les programmes d’assistance mis en place par les gouvernements PT à partir de 2003. Avec les réformes mises en œuvre ces dernières années, patrons et gouvernants se livrent à une vraie guerre sociale. Une partie des travailleurs ont voté Bolsonaro, dans l’espoir qu’il prendra des mesures en leur faveur. Il est caractéristique que la moitié de ses électeurs résident dans la partie la plus industrialisée du pays, autour de Sao Paulo, Rio et Belo Horizonte.

Bolsonaro ne propose rien contre la crise. On ne sait même pas s’il a un programme économique. Pendant longtemps il a semblé plutôt partisan de l’intervention de l’État, comme le PT qu’il appuyait. Aujourd’hui il promet la privatisation complète des entreprises étatiques. Récemment encore, il parlait du retrait du pays de l’accord de Paris sur le climat. Sans proposer leur suppression, il déclare que les programmes sociaux « nourrissent une population de bandits et de fainéants ». Il a pris pour conseiller économique un ex-banquier, Guedes, partisan du libéralisme et de la non-intervention de l’État. Mais si Guedes sert bien à Bolsonaro de caution vis-à-vis du grand patronat, nul ne sait jusqu’où ils sont d’accord entre eux, ni jusqu’à quand ils le resteront.

Bolsonaro plaît à bien des bourgeois, mais il est loin de faire l’unanimité parmi eux. La droite de Cardoso et la gauche de Lula-Rousseff ont, en leur temps, fait leur prospérité. Bolsonaro représente une inconnue, donc un risque, malgré ses bonnes dispositions évidentes à l’égard des possédants.

Faute de programme économique, Bolsonaro brandit l’image mythifiée de la dictature. Elle a correspondu à une industrialisation rapide, qui réclamait toujours plus de main-d’œuvre, où donc le chômage était méconnu et où les salaires s’élevaient tant bien que mal. Un équivalent de nos « trente glorieuses ». À cette image mythique, il ajoute quelques déclarations antiouvrières primaires, par exemple contre les lois sociales, qu’il accuse de tuer l’emploi.

La tactique de Bolsonaro consiste à attaquer, chaque fois qu’on l’interroge sur un point de son programme. De plus, il a refusé tout débat et fuit le plus possible les interviews, préférant se faire représenter par un de ses assistants. Interrogé sur l’économie, il attaque le socialisme et le communisme, censés représenter le PT, dont ni la doctrine ni l’action gouvernementale n’ont pourtant rien eu de socialiste ou de communiste. Il dénonce le Venezuela de Chavez et Maduro : la misère qui y règne montrerait, selon lui, les méfaits du communisme, dont il prétend protéger les Brésiliens. Cet anticommunisme prend une coloration xénophobe et anti-migrants, du fait que quelques dizaines de milliers de réfugiés vénézuéliens sont arrivés au Brésil et ont parfois été victimes de violences. Attaquer les réfugiés vénézuéliens n’est en rien une garantie pour les travailleurs brésiliens, au contraire. Cela n’empêche pas certains de voter Bolsonaro pour exprimer leur révolte et de dire : « Bolsonaro est le Lula d’hier ».

Une société violente

La violence est omniprésente dans la société, où en 2017 on a compté 64 000 assassinats, un toutes les huit minutes. Cette violence vient de l’esclavage, qui a duré jusqu’en 1888, et du système semi-féodal qui lui a succédé, où les « colonels », grands propriétaires et chefs politiques, avaient droit de vie et de mort sur leurs paysans et sur toute la population. L’État reste très peu centralisé, chaque État de la fédération ayant ses lois, sa police, ses dynasties dirigeantes. Dans les campagnes, où chaque année la police fédérale libère des centaines de travailleurs réduits en esclavage, c’est toujours la loi des jagunços, les hommes de main des grands propriétaires, qui liquident syndicalistes agricoles ou Indiens récalcitrants.

Dans les villes, où vivent les trois quarts de la population, la violence domestique s’exerce contre les enfants et les femmes, et 6500 femmes meurent chaque année sous les coups de leur conjoint. Une discussion, une querelle entre voisins peut se terminer à coups de couteau ou de revolver. Les armes courent les rues, même si en 2004 une loi a prétendu les interdire. Le groupe parlementaire « de la balle », c’est-à-dire des armes, est proche de celui des « ruralistes », les grands exploitants de canne à sucre, soja, bétail, etc. À eux deux, ils réunissent près de la moitié des députés et sénateurs, et Bolsonaro en fait partie.

À cela s’ajoute la violence de la police et des gangs. La police brésilienne tue beaucoup. Les gens qu’elle tue dans les rues et les favelas sont facilement qualifiés de délinquants ou de bandits, et leurs familles n’ont que le droit de pleurer. Par vengeance, des policiers sont aussi régulièrement assassinés, et les membres des forces de l’ordre se sentent menacés, tirent à vue, en particulier sur les jeunes Noirs dans les quartiers populaires, un peu comme aux États-Unis.

Enfin les gangs sont des puissances reconnues. Centralisés, hiérarchisés à l’échelle nationale, disposant d’une direction, ces trusts de la drogue et des trafics limitent souvent la violence, qui n’est pas bonne pour les affaires. Mais ils doivent intimider, éliminer les outsiders, défendre ou élargir leur territoire. Ils se heurtent aussi parfois à l’État, quand il prétend les expulser de certaines favelas de Rio à grand renfort d’hélicoptères et de chars. Le plus souvent ils négocient, mais peuvent recourir à une démonstration de force, comme lorsqu’un gang voulut imposer la liberté de communication de ses dirigeants en prison en coupant l’électricité dans tout Rio et en détruisant des dizaines d’autobus.

Les travailleurs et leurs familles subissent quotidiennement cette violence. Victimes des vols, des rackets, des agressions, des viols, de l’insolence de la police, des balles perdues dans les affrontements entre gangs ou entre la police et les bandits, ils cherchent paix et protection. Bolsonaro lui-même a été poignardé le 6 septembre par un déséquilibré.

Sur ce thème, il joue de son image d’ancien militaire, homme d’ordre par définition. Il dit qu’il restaurera l’autorité de l’État, augmentera le budget de l’armée, abolira la loi qui limite en principe la possession d’armes, donnera toute licence aux policiers pour tirer sur les délinquants. Il reprend l’expression populaire qui dit : « Un bon bandit est un bandit mort. » Pour les violeurs de femmes, il propose la castration chimique, ce qui peut lui concilier celles qu’il a choquées par ses attaques contre le congé maternité et ses justifications des bas salaires féminins. Ses déclarations font sans doute plaisir aussi bien aux policiers et aux militaires qu’aux victimes de la violence, chacun voulant y voir ce qu’il souhaite.

Mais si beaucoup de militaires apprécient le personnage et ses déclarations, l’état-major n’est pas gagné et ne s’engage pas derrière lui. Il a pris un général comme vice-président, mais il a fallu le faire taire, tellement il accumulait les bourdes, parlant par exemple à la veille du premier tour de supprimer le treizième mois, au risque de braquer 100 millions de salariés.

En matière de violence aussi, Bolsonaro se réfère au « bon temps » de la dictature. Mais, même si à l’époque armée et police avaient carte blanche pour torturer et tuer, ni la violence domestique ni le banditisme n’avaient disparu. Au contraire sont apparus des « escadrons de la mort », qui se chargeaient de débarrasser les rues et les honnêtes gens des mendiants, SDF et gosses des rues.

La corruption politique

Comme la violence, la corruption politique est une tradition brésilienne. Sur la trentaine de partis présents à l’Assemblée, seuls deux ressemblent à des partis à l’européenne : le PT de Lula et le PSDB de l’ex-président Cardoso, et ils sont très minoritaires. Les partis servent pour l’essentiel à réunir des fonds pour enrichir un petit groupe d’élus, autour d’un leader régional le plus souvent. Ce sont des associations privées, sans idées ni programme. Pour qu’un président et un Conseil des ministres aient une majorité et pour gouverner, il leur faut se concilier un nombre suffisant de ces politiciens et de ces partis, c’est-à-dire les acheter par des postes, des sinécures rentables… ou des dollars. Et les grandes entreprises sont toujours disposées à fournir l’argent nécessaire, en échange de marchés lucratifs, en particulier de contrats surfacturés avec l’État.

Le PT, depuis sa fondation en 1980, promettait d’instaurer un gouvernement honnête, en rupture avec les élites et les coutumes nationales. Mais il ne voulait pas changer de fond en comble la société. Au fur et à mesure qu’il s’approcha du pouvoir, dans les municipalités, les États, les Assemblées régionales et nationale, il dut passer des accords avec les autres partis, les notabilités, les patrons. Il perdit en même temps le gros des militants qui avaient fait sa force et se transforma en un appareil de permanents organisé pour exercer le pouvoir, avec les mêmes ressorts que les partis traditionnels. Et quand il arriva au pouvoir central, en 2003, il reprit à son compte la collecte de fonds auprès des entreprises, pour acheter les voix des députés.

Et les scandales ne tardèrent pas à arriver. Dès 2004 ce fut le Mensalao, la « grosse mensualité » versée en liquide et en dollars à plus de cent députés. La prospérité économique n’étant pas entamée, Lula conserva son prestige, mais la direction du PT et du gouvernement subit plusieurs purges, à tel point qu’il dut aller chercher pour lui succéder Dilma Rousseff, non impliquée dans les scandales. Dilma Rousseff fut élue, mais le scandale du Mensalao rebondit en affaire Petrobras : la société pétrolière nationale passant toute sorte de contrats surévalués pour permettre au PT de récolter de l’argent. Lula fut cette fois mis en cause et Dilma Rousseff fut la victime indirecte de la chasse aux corrompus lancée par quelques juges de droite, destituée pour une irrégularité comptable par une Chambre et un Sénat peuplés de véritables corrompus, qui avaient gouverné avec elle pendant six ans.

C’est la crise économique croissante qui donna force aux affaires et qui provoqua la révolte dans toutes les couches de la population, y compris la classe ouvrière. La droite hésita longtemps à encourager cette révolte, qui pouvait se retourner contre elle. Mais quand elle s’y décida finalement, elle fut incapable de regagner l’opinion. Tous les politiciens étaient déconsidérés, car tous étaient compromis à un degré ou à un autre. Le PT conservait un appui populaire dans le Nordeste, où les programmes d’assistance touchant les très pauvres lui valaient une clientèle, comme la Bourse famille qui verse une aide aux familles qui envoient leurs enfants à l’école. Dans la région riche du Sudeste en revanche, avec les États de Rio, Sao Paulo et Minas Gerais, qui a fait sa force dans les années 1980-1990, il n’a presque plus d’électeurs, et c’est Bolsonaro qui attire la moitié des votes.

Sur ce thème de la corruption, le seul argument en faveur de Bolsonaro est qu’il n’est impliqué dans aucune affaire et qu’il va nettoyer le pays des politiciens corrompus, de droite comme de gauche. Là encore, il invoque le mythe de la dictature, qu’il prétend avoir été honnête et sans compromission. C’est une contrevérité, mais combien de gens se souviennent encore de la dictature et de ses dessous peu ragoûtants ? Les militaires trafiquaient, et la loi martiale couvrait leurs trafics.

Bolsonaro n’est pas le premier à se présenter comme un Monsieur Propre. En 1990, Collor, un fils de cacique du Nordeste, se fit élire contre Lula en prétendant « faire la chasse aux maharadjas », c’est-à-dire aux corrompus. Deux ans après, surpris à confondre la bourse de l’État avec la sienne, il démissionna à la veille d’être destitué. On ne peut dire d’avance comment Bolsonaro gouvernera, mais son parti est très minoritaire et, sans changement radical du système politique et électoral, il devra faire avec des députés, sénateurs et gouverneurs pour qui la combine et la corruption sont les deux mamelles de la politique. Même si nombre des élus du 7 octobre se réclament de lui, ils n’ont pas changé, et on ne les nourrira pas d’eau fraîche.

À coup sûr, une politique réactionnaire

Aux principaux problèmes qui se posent aux Brésiliens, crise sociale, violence et corruption, Bolsonaro n’oppose donc que des déclarations d’intentions et l’exemple mythifié de la dictature. Il se veut un homme providentiel, représentant direct de la patrie et de Dieu. C’est à coup sûr un réactionnaire de la pire espèce, et son élection conforte tous les misogynes et les homophobes, qui multiplient déjà les agressions.

Deviner ce qu’il fera est une autre affaire. Sur bien des points, on ne sait même pas ce qu’il pense. Être pour Dieu et la patrie n’est pas un programme. Il est pour l’armée, la police et l’armement de la population, ce qui annonce plus de violence et d’arbitraire. Il veut réduire la législation du travail et continuera sans doute les réformes voulues par le patronat, en particulier celle des retraites, entamée par Dilma Rousseff, poursuivie par son successeur Temer, et toujours inachevée. La violence de ses expressions cache souvent le vide de son programme, mais c’est aussi un programme, l’affirmation de sa poigne, d’une société plus autoritaire, dont il trouve le modèle dans la dictature.

Mais ce qu’il fera réellement, plus qu’un éventuel programme, ce sont la crise et ses développements qui en décideront. Les mesures qu’il prendra iront à coup sûr contre la classe ouvrière et ses intérêts immédiats et lointains. Cette classe est forte de 100 millions de travailleurs. Malgré son actuelle apathie, elle a dans le passé mené des luttes d’ampleur contre le patronat et, en son temps, contre la dictature. À condition de se remobiliser sur le plan économique et politique, elle est la seule capable d’ouvrir une issue à la crise actuelle, qui propulse Bolsonaro à la présidence de la sixième puissance économique mondiale.

19 octobre 2018